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Intervention de Vincent Boulet, responsable des relations internationales du Parti communiste français :

Cher.e.s ami.e.s,

Je remercie nos amis de Cahiers d’histoire et de Solidarité Indonésie d’avoir organisé cette journée de commémoration du 58e anniversaire des massacres de 1965-1966 en Indonésie. Je vous apporte les salutations fraternelles du PCF et de son secrétaire national Fabien Roussel. Elle fait suite à d’autres commémorations du même type et à l’initiative que nous avions organisée conjointement à l’occasion du centenaire du Parti Communiste d’Indonésie et à une journée de solidarité organisée en 2015, à l’occasion du 50e anniversaire des massacres, à laquelle notre regretté camarade Pierre Marcie avait fortement contribué.

C’est une commémoration très importante à plusieurs titres.

Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un massacre de masse de proportion génocidaire organisé par l’armée de Suharto suite au coup d’État contre le gouvernement de Soekarno, dirigé contre le Parti communiste d’Indonésie (PKI), avec le soutien du crime organisé, des organisations islamistes anti-communistes et, surtout, des puissances impérialistes, États-Unis et Grande-Bretagne en tête. Le bilan est horrible : entre 500 000 et un million de morts et autant de prisonniers réduits en esclavage dans des conditions atroces, sur l’île de Buru notamment, des villages brûlés, l’usage systématique de la torture et du viol, des populations réduites au silence vivant dans la peur. Il s’agissait de liquider physiquement ce qui était alors le 3e parti communiste au monde, rassemblant 3 millions de membres et 10 millions de sympathisants et qui fut le précurseur du mouvement communiste en Asie. Permettez-moi de rendre hommage, au nom des communistes français, à l’ensemble des victimes de ce massacre, parmi lesquelles figure Aidit, secrétaire général du PKI, qui aurait eu 100 ans le 30 juillet dernier, moteur du renforcement du Parti communiste dans la société et les institutions et de son implantation de masse dans les mobilisations populaires, les usines, les villages. Avec les communistes, c’est l’ensemble de la gauche indonésienne et des combattants et combattantes pour l’émancipation politique, sociale, artistique qui est massacrée : les syndicalistes, dont le président des syndicats indonésiens Njono, le mouvement paysan pour la réforme agraire, les femmes du mouvement Gerwani, qui était alors le plus important mouvement de femmes au monde, ainsi que le mouvement intellectuel et artistique si prolifique.

On le voit : ce massacre de masse, qui s’est accompagné d’une mise au ban de la société et de lourdes discriminations pour les survivants et leurs enfants, a une lourde signification politique. Éliminer celles et ceux qui ont figuré parmi les plus déterminés dans la lutte pour la libération nationale et l’indépendance de l’Indonésie contre le colonisateur hollandais, éliminer ceux qui ont tant fait pour que l’Indonésie héberge la conférence de Bandung en 1955 qui allait donner naissance au mouvement des non alignés, permet de fonder dans le sang une dictature militaire d’extrême-droite, où la corruption règne en maître, et fidèle relais des intérêts impérialistes des États-Unis, qui, sous l’impulsion des « Chicago Boys » livre le pays à la domination du capital et qui sema la dévastation et la mort à grande échelle au Timor Oriental. C’est une défaite infligée par la terreur au mouvement ouvrier international et à la révolution coloniale. L’Indonésie sert en effet de laboratoire. A l’heure où nous nous apprêtons à commémorer les 50 ans du coup d’État de Pinochet et de la CIA au Chili, les similitudes entre les deux pays sont nombreuses. Suharto préfigure et même dépasse Pinochet, la junte en Uruguay et en Argentine. La terreur et les crimes commis en Indonésie et au Chili témoignent du fait que les classes dominantes sont décidées à employer tous les moyens pour maintenir leur domination, à la fois au niveau national et au niveau international. Rendre non seulement hommage mais aussi justice aux militantes et militants de l’émancipation démocratique, nationale et sociale massacrés, emprisonnés ou mis au ban dans leur propre pays en Indonésie fait écho à l’hommage et la justice qui sont dus à leurs frères et sœurs de lutte au Chili et dans l’ensemble des pays du monde, à toutes celles et à tous ceux qui paie le prix du sang ou de la liberté dans les luttes pour l’autodétermination et la souveraineté des peuples, pour l’égalité, pour la démocratie, pour le droit de penser et d’écrire librement, contre l’exploitation et les dominations capitalistes et impérialistes.

Cette bataille est toujours actuelle.

En premier lieu parce que la lutte pour la mémoire démocratique, pour utiliser le terme utilisé par nos camarades en Espagne pour faire reconnaître les crimes de la dictature franquiste, n’est pas terminée. Les importantes recherches et travaux historiques et de recueil de sources orales et de témoignages menés ces dernières années ont permis de reconstituer l’horreur de l’engrenage du massacre et du rôle qu’y a joué la propagande anti-communiste et de battre en brèche les analyses orientalistes néocoloniales. Cependant, après la relative ouverture qui a suivi l’insurrection populaire de 1998, on assiste aujourd’hui à de nouveaux reculs sur les possibilités d’une mobilisation politique en faveur de la définition des droits des victimes des massacres de 1965-1966. L’armée continue de manipuler l’histoire pour légitimer ses pouvoirs et son influence toujours exorbitants. La journée d’aujourd’hui est donc d’autant plus importante à cet égard.

En second lieu parce que la répression qui s’abat sur les communistes en Indonésie n’est pas terminée. L’anticommunisme est encore utilisé par le pouvoir actuel, qui a confisqué les résultats de l’insurrection populaire de 1998, et par les organisations islamistes. Toute référence au PKI, interdit en 1966, ouvre la voie à des poursuites, des répressions, la stigmatisation voire des violences. Ces répressions anticommunistes font écho à celles que l’on voit dans d’autres pays, où partis communistes et progressistes sont interdits et en proie à des politiques répressives. C’est l’occasion aussi de témoigner notre solidarité pour l’ensemble des mouvements sociaux, progressistes, communistes victimes de répression.

Enfin parce que l’exigence de souveraineté populaire et d’émancipation économique, sociale et politique portée par les victimes des massacres de 1965 est toujours vivace et nécessaire aujourd’hui. Dans ce que l’on présente comme la « 3e plus grande démocratie du monde », la politique du président Joko Widodo a progressivement entrepris des politiques qui menacent les droits démocratiques de larges pans de la société indonésienne. Le pouvoir continue de protéger les intérêts du patronat oligarchique, à l’image du secteur de l’huile de palme qui provoque une déforestation massive. Il s’en prend aux organismes de lutte contre la corruption. Alors que le pays est riche en ressources pétrolières, gazières, en caoutchouc ou encore en production agricole, il figure au 6e rang mondial des pays les plus inégalitaires. Les mouvements sociaux très importants depuis 2019 dans l’archipel indonésien, contre la loi Omnibus qui entame les droits des travailleurs et la sécurité de l’emploi, les mobilisations de la jeunesse et des femmes, montrent que la société indonésienne aspire au changement. Alors que la crise climatique a poussé le pouvoir à organiser le déménagement de la capitale, on peut légitimement s’inquiéter des conséquences environnementales et sociales, sur les plus pauvres, de ce projet pharaonique.

Chers amis,

Soyez certains de l’engagement du PCF en faveur de la mémoire démocratique, pour la justice et la reconnaissance des victimes, en solidarité avec les communistes et les forces porteuses d’émancipation démocratique et sociale en Indonésie, avec les peuples d’Indonésie, avec tous ceux qui luttent contre les inégalités sociale et économique, contre les dominations impérialistes, contre les injustices et les atteintes aux droits fondamentaux.

Je vous souhaite le plus grand succès pour la conférence d’aujourd’hui.

Je vous remercie

 

source : https://www.pcf.fr/commemoration_du_58e_anniversaire_des_massacres_de_1965_1966_en_indonesie

Tag(s) : #PCF, #Indonésie

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