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Mexique : un crime d’État !

JEAN ORTIZ, FABIEN RYMLAND

VENDREDI, 20 MARS, 2015

HUMANITE.FR

Hectór Díaz Polanco, ethnologue et anthropologue, est l’un des intellectuels mexicains les plus brillants et impliqués dans le mouvement social. Actuellement, il est l’un des dirigeants de la nouvelle organisation de « gauche-gauche » : MORENA (mouvement de régénération nationale, déjà un million de membres). Au forum des alternatives du festival de Pau, il a tenu à situer le massacre des 43 jeunes normaliens d’Ayotzinapa dans le contexte national mexicain et dans l’environnement international.

En Amérique du Sud, deux processus parallèles et antagoniques s’affrontent. Le sud du continent est globalement engagé dans des dynamiques de contestation et de dépassement du néo-libéralisme. De l’autre côté se trouve un bloc de quatre pays (Chili, Mexique, Colombie, Pérou) subordonnés aux États-Unis et opposés aux révolutions en cours. Le Mexique applique religieusement les postulats des États-Unis. Il est devenu un « État Caïn » indifférent au sort de son peuple. Alors que la pauvreté recule partout dans le continent, au Mexique, elle progresse. Elle est passée de 42 % du temps où gouvernait le PAN à 50 % aujourd’hui sous le gouvernement du PRI. Un tiers de la population est plongée dans une pauvreté extrême. Plus de la moitié des jeunes sont sans emploi. Des milliers d’étudiants abandonnent l’université faute de moyens. Par exemple, à l’UNAM seuls 10 % des inscrits pour la rentrée 2014-2015 ont vu leurs candidatures acceptées, les autres ne pouvant assumer les frais d’inscription et de scolarité.

La classe politique quant à elle est devenue synonyme de corruption : « je crois, lance Hectór Polanco, que le Mexique est le champion mondial de la corruption et de l’incompétence. » L’assassinat des 43 jeunes normaliens d’Ayotzinapa (État de Guerrero) dépasse les limites de l’horreur. La corruption, le crime organisé (un concept englobant le narcotrafique, les extorsions, le blanchissement d’argent sale et les enlèvements) et les institutions sont étroitement imbriqués ainsi que toute une constellation d’organes de l’appareil d’État. Aujourd’hui, des villes, des villages et des « États » sont gouvernés par la mafia des cartels : Morelos, Michoacán, Guerrero... L’État est devenu un narcoÉtat qui instrumentalise le système financier pour garantir les intérêts des classes dominantes. Les écoles normales rurales (il en reste peu) permettent aux fils de pauvres et de paysans indiens de devenir instituteurs dans leurs communautés. Ces écoles sont un héritage de la Révolution mexicaine. La loi de réforme de l’enseignement a été approuvée par toute la droite et les médias à sa solde. En fait, il s’agissait de privatiser l’enseignement.

Depuis toujours, les normaliens sont criminalisés, considérés comme des « subversifs », comme des freins pour les réformes, et les écoles normales comme des « repères de Guérilleros ». Le gouvernement tente par tous les moyens d’en finir avec les quelques écoles normales qui reste. Si le doute subsiste quant à un ordre direct d’un assaut de la part de l’État, il est évident que celui-ci préparait ainsi le terrain à une élimination des normaliens. C’est dans cette situation qu’intervient le massacre d’Ayotzinapa. À Iguala, les 43 étudiants furent arrêtés, « pris en main » par les différentes polices et, sous le contrôle de l’armée, livrés ensuite aux tueurs du cartel des « Guerreros Unidos » qui les ont suppliciés avant de brûler leurs corps. Tous les rouages de l’État ont été impliqués en connivence avec le crime organisé.

Il s’agit donc d’un crime d’État, les manifestants ne s’y trompent pas et crient « ¡Fue el Estado! ». La disparition des 43 jeunes normaliens a provoqué une crise nationale. Dans une première étape, le gouvernement et les médias ont voulu en faire un problème local, mais nous les avons vite contraints à parler en termes nationaux. Le gouvernement de Peña Nieto a cherché à occulter les faits ainsi que la détérioration accélérée des conditions de sécurité dans le pays. L’émergence du parti MORENA préoccupe les classes dominantes et le système. Le gouvernement est de plus en plus gêné, car les disparitions ne se terminent que si l’on découvre les corps des disparus. « Ils les ont pris vivants, nous les voulons vivants ». Le mouvement des parents des disparus a été vigoureux et très populaire jusqu’en janvier. Mais sous l’influence de petits groupes « d’ultragauche », il s’est isolé en prônant notamment le refus de participer aux élections. Se pose donc, plus que jamais, la question : comment parvenir à une articulation du mouvement social et du politique afin de permettre la construction d’une alternative sociétale ? Le Mexique, ami des États-Unis, ne fait pas partie de la liste étasunienne des pays violant les droits de l’Homme malgré un assassinat toutes les heures et demie.

source: http://vivavenezuela.over-blog.com/2015/03/intervention-de-nicolas-maduro-au-ix-sommet-extraordinaire-de-l-alba.html

Tag(s) : #amérique latine

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