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Par Ivette Fernández *

La Havane, 7 août (Prensa Latina) Il y a un peu plus de 40 ans, lorsque les recettes néolibérales ont fait leur entrée en Amérique du Sud comme la prétendue solution à tous les problèmes économiques, l’espoir de parvenir à des pactes démocratiques dans la région était également dynamité.

L’explosion que ces politiques entraîneraient n’a pas été imaginée par de nombreuses personnes à l’époque, mais la pandémie qui frappe actuellement le monde la met en évidence de façon éhontée.

Face à la vulnérabilité et à l’impuissance de millions d’habitants de cette partie du continent, la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (Cepal) redouble les appels à la construction d’un nouvel ordre qui assure les besoins civiques indispensables et résolve les problèmes structurels du monde du travail.

Avec l’expansion du coronavirus agissant comme catalyseur, la Cepal prévoit que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté augmentera de 45,4 millions en 2020, ce qui portera le nombre total de personnes vivant dans ces conditions de 185,5 millions en 2019 à 230,9 millions en 2020, soit 37,3 % de la population latino-américaine.

L’organisme considère qu’il est impératif, pour lutter contre les inégalités existantes, de mettre en place un modèle de développement amélioré et un pacte social et politique où il existe une nouvelle équation entre les États, le marché et la société, afin de parvenir à un régime universel de protection et d’accès aux biens publics de base.

Pour l’Amérique Latine, il s’agit d’une tâche titanesque car le néolibéralisme n’a pas uniquement rendu les coffres des riches obèses, mais il a également cherché le moyen de perpétuer le système par différents moyens.

L’inégalité ne naît pas des forces abstraites du marché, mais de la manière dont le pouvoir politique est réparti dans une société, a averti le chercheur mexicain Jaime Cárdenas dans son livre Les caractéristiques juridiques du néolibéralisme.

Il considère que des modèles identiques se reproduisent grâce aux manipulations des grands conglomérats de pouvoir, en mettant de la même manière le système électoral à leur service qu’en contrôlant les médias ou en exerçant une pression sur les congrès nationaux ou autres instances de gouvernement.

La démocratie est incompatible avec l’extrême concentration des revenus, et le modèle néolibéral encourage cette concentration de la richesse dans quelques mains, conclut-il.

Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’Économie (2001), estime pour sa part que les grandes entreprises, à travers les coûts élevés d’accès au système judiciaire, découragent également les faibles d’y accéder sur un pied d’égalité avec les riches.

L’avertissement de l’économiste vise simplement à attirer l’attention sur le fait que lorsqu’un État tente d’adopter des lois en faveur des faibles, principalement dans le domaine financier, fiscal ou budgétaire, les réactions des marchés financiers mondiaux sont disproportionnellement opposées.

Par exemple, les agences de notation qui évaluent la dette souveraine condamnent de telles décisions en établissant des notations très basses ou font pression sur les États sous la menace de retirer les devises investies dans le pays concerné ou, dans le meilleur des cas, ces mêmes États se voient refuser des prêts internationaux et sont placés sur la liste noire des pays non viables. 

Les mesures de pression que le capitalisme mondial et les transnationales peuvent imposer aux pays pour qu’ils s’alignent sur les politiques néolibérales des organismes financiers internationaux tels que le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale sont énormes, selon l’hypothèse de l’analyste.

C’est pourquoi, selon les études rapportées par Stiglitz, les États qui tentent d’adopter des lois de protection des consommateurs ou de limiter les crédits usuraires des banques sont immédiatement empêchés de le faire, ou sont encouragés à les abroger.

Les cadres juridiques des États sont alors construits pour favoriser les mal dénommés grands intérêts économiques nationaux et mondiaux et les considérer au-dessus des besoins et des droits de l’Homme de la population.

Dans le modèle néolibéral, il ne peut y avoir de cadre juridique favorisant la garantie des droits économiques, sociaux et culturels, car cela irait à l’encontre des possibilités de la concentration de la richesse entre quelques mains, a condamné pour sa part Paul Krugman.

En d’autres termes, la lutte pour l’égalité citoyenne est clairement incompatible avec les modèles néolibéraux mis en place jusqu’à présent dans la région.

Selon la secrétaire exécutive de la Cepal, Alicia Bárcena, la région est confrontée à un carrefour civilisationnel où il faut renforcer le mouvement du travail et les syndicats.

Même s’il s’agit d’un modèle aux racines dures, la fonctionnaire a estimé que, à en juger par les souffrances que connaît la région, le style de développement dominant est insoutenable et une transformation sévère devient impérative.

'Nous traversons un changement d’époque, avec de profonds changements tectoniques que l’humanité n’a pas pu absorber dans leur totalité', a-t-elle affirmé.

peo/arb/acl/Ifs/cvl

*Journaliste de la Rédaction Économie de Prensa Latina

source :  http://frances.prensa-latina.cu/index.php?option=com_content&view=article&id=884666:la-democratie-en-amerique-latine-est-incompatible-avec-le-modele-neoliberal&opcion=pl-ver-noticia&catid=29&Itemid=101

Tag(s) : #CEPAL, #AmeriqueLatine

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