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Publié le 15 octobre 2025
Au moment où ces lignes sont écrites, la situation à Madagascar demeure confuse. Tandis que le président Andry Rajoelina reste invisible, la contestation populaire s’amplifie, et une partie de l’armée affirme avoir pris le contrôle des forces armées.
Depuis la fin septembre, la contestation enfle à Antananarivo : la rue défie le pouvoir, l’armée se fracture et le président Rajoelina demeure invisible. Né des coupures d’eau et d’électricité, le mouvement s’est transformé en crise d’État.
Le peuple debout face à un pouvoir à bout
Partis des campus, les cortèges ont gagné les quartiers populaires puis les grandes villes. L’étincelle : jusqu’à douze heures de délestage, des robinets à sec, des files interminables aux bornes-fontaines. Ces privations, vécues comme des humiliations, ont cristallisé la colère d’une jeunesse instruite, mais sans avenir, rassemblée autour du collectif Gen Z Madagascar pour dénoncer la corruption, l’arbitraire et la confiscation du pouvoir.
La répression a été immédiate : couvre-feu, arrestations, 22 morts, des dizaines de blessés. Mais au-delà des affrontements, c’est tout un modèle qui vacille. Depuis son coup d’État de 2009, Rajoelina a bâti une autocratie : élections verrouillées, clientélisme d’État, achat de voix à coups de riz et d’huile.
Sur ce fond d’inégalités abyssales ― 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ―, la crise économique nourrit la révolte politique. Les délestages enrichissent leurs profiteurs : importateurs de groupes électrogènes, vendeurs d’eau, opérateurs privés. Le jerricane jaune est devenu le symbole d’un peuple refusant de payer pour la corruption.
Les étudiants, issus d’une petite classe moyenne déclassée, ont ouvert la marche, bientôt rejoints par syndicats, églises, associations, commerçants et paysans : c’est la société tout entière qui réclame de la lumière, au propre comme au figuré.
De la rue à l’Élysée : Macron s’invite dans la crise malgache
Le tournant est venu le 11 octobre, quand une unité de l’armée malgache, a proclamé prendre le contrôle des forces armées et appelé les soldats à « ne pas tirer sur le peuple ». La présidence a dénoncé une tentative de coup de force. Cette irruption révèle une armée fracturée : une partie des troupes, lassée de la répression, se rapproche des manifestants. Entre un président invisible et des casernes divisées, le pays glisse vers un duel de légitimités.
Après plusieurs jours de silence, Andry Rajoelina a réapparu le 13 octobre dans une vidéo diffusée uniquement sur Facebook. Il s’y dit « dans un lieu sûr » après une tentative de meurtre et appelle à « respecter la Constitution » comme unique issue à la crise. Mais cette réapparition n’a fait qu’accentuer la méfiance. Selon Radio France internationale (RFI), le président aurait été exfiltré par un avion militaire français vers La Réunion, avant de gagner une destination inconnue.
C’est là que la diplomatie s’invite dans la crise. Tandis que la Southern African Development Community (SADC), fidèle à sa tradition de médiation prudente, se limite à des appels au dialogue, Paris reprend son vieux rôle de tuteur inquiet. Emmanuel Macron, parlant de « stabilité » et d’« ordre constitutionnel », a tenu les mots rituels de la Françafrique : sermonner les manifestants, protéger un président qu’il sait discrédité.
Ce réflexe paternaliste, hérité d’un autre temps, révèle le paradoxe malgache : un président qui se dit souverainiste mais détient la nationalité française, en violation d’une Constitution qui exige d’être exclusivement malgache pour diriger le pays. Sous le parapluie de Paris, Rajoelina incarne une dépendance postcoloniale que la rue rejette.
Félix Atchadé, responsable du Collectif Afrique et membre du Secrétariat du secteur international du PCF.
Cet article s’inspire en partie d’une note co-rédigée avec Carl Ravoavy, secrétaire de la section PCF du XVIIIᵉ arrondissement de Paris.
Article publié dans CommunisteS, numéro 1058 du 15 octobre 2025.
source : https://www.pcf.fr/madagascar_colere_du_peuple_effacement_du_president
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