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Monsieur le vice-président du Sénat, cher Pierre Ouzoulias,

Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs les présidents d’association,

Chers camarades,

Il y a un an, nous étions réunis ici pour célébrer une grande victoire. Une grande réparation pour l’Histoire de France, pour la République et sa mémoire, pour le Parti communiste français et tous ses militants.

Une victoire acquise de haute lutte, grâce à la mobilisation de personnalités, d’élus, d’associations qui, avec un engagement qui se compte en années, ont rendu possible la décision du président de la République de faire entrer au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian, et à travers eux la mémoire de tous nos camarades communistes, fusillés, déportés, internés parce que résistantes et résistants ; la mémoire aussi de ces dizaines de milliers de partisans de toute sensibilité, de toute confession, de toute origine qui, par leurs actions, conservèrent à la France son honneur devant l’Histoire.

Je veux, tout particulièrement saluer, au nom du PCF, Jean-Pierre Sakoun, à l’origine du projet de la panthéonisation de Missak Manouchian mais aussi Denis Peschanski, Katia Guiragossian et Pierre Ouzoulias qui ont porté avec une grande constance et, finalement avec succès, cette exigence de justice mémorielle.

Un an après avoir décidé d’investir de toutes nos forces cette panthéonisation pour lui donner l’écho populaire le plus grand, nous voulons profiter de cet anniversaire pour rappeler une fois encore que Missak Manouchian est devenu Français non par le sang reçu mais par le sang versé.

L’histoire de son combat, de son sacrifice, comme celui de ses camarades de l’Affiche rouge, est un point d’appui salutaire pour aborder les débats autour de l’identité française tels que certains s’évertuent à les poser. C’est ainsi l’occasion de réaffirmer, haut et fort, que la citoyenneté française n’est pas seulement une affaire de génétique mais de construction politique.

Et c’est pourquoi nous avons souhaité placer ce premier anniversaire sous les auspices d’une construction nationale ouverte, émancipatrice et toujours vivante à laquelle la Résistance à travers, notamment, les figures de Marc Bloch et de Missak Manouchian a largement contribué.

Je veux remercier tout particulièrement celles et ceux qui nous ont fait le plaisir d’accepter notre invitation à débattre ce soir ici, au siège du PCF. Remercier Nicolas Offenstadt, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Panthéon-Sorbonne, Barbara Wolffer, administratrice du Panthéon, Sylvie Zaidman, directrice du musée de la Libération de Paris et, bien sûr, notre camarade Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, qui porte, à gauche, une des voix républicaines les plus claires et les plus fortes qu’il soit donné d’entendre.

La Nation, dans son lien avec le peuple, est née politiquement le 17 juin 1789, il y a près de 250 ans, le jour où les Etats généraux devinrent « assemblée nationale ». Fille aînée de l’Église, la France émancipée se choisissait un autre destin. Cet acte de naissance, c’est celui du peuple, devenu Peuple – avec un grand P – pour reprendre l’expression utilisée par l’historien Pascal Ory dans les colonnes de l’Humanité.

C’est-à-dire un peuple désormais constitué comme souverain politique.

C’est la spécificité de notre grande Révolution française d’ailleurs, bien au-delà des révolutions précédentes – américaine ou anglaise – que d’avoir inscrit de façon indissociable la formation de la Nation dans la souveraineté populaire et d’avoir fait ainsi du Peuple le fondement de celle-ci.

Un peuple qui trois ans plus tard à Valmy, fera face aux armées prussiennes venues écraser la Révolution.

Un peuple en armes, prenant conscience de lui-même et de la force de son engagement citoyen ; actant son adhésion à cette construction politique collective nouvelle aux cris de « Vive la Nation ». Une nation universelle qui accueille alors dans ses rangs des combattants étrangers, Garde suisse ou régiment irlandais, ou encore le général Francisco de Miranda qui deviendra ensuite l’un des héros de l’indépendance vénézuélienne.

La Nation, alors, accueillait sans exclusive toutes celles et ceux qui faisaient leurs l’aspiration à la Liberté et la lutte contre l’absolutisme royal. Notre nation française est née politique et universaliste, et nous pouvons en être fiers !

Après le 17 juin 1789 dont je viens de parler, c’est aussi un 17 juin, près d’un siècle plus tard, en 1881, que cette nation a vacillé peut-être pour la première fois, sur les principes de fraternité et d’égalité qui l’ont fondé, lorsque des immigrés italiens ont été pourchassés par la foule à Marseille pendant toute une semaine, coupables d’avoir sifflé l’hymne national au retour des troupes coloniales.

L’historien Gérard Noiriel a très bien documenté dans ses travaux comment, à partir de cette date, la question de l’immigration s’est installée au cœur du débat politique ; comment s’est ouverte à ce moment-là, sous l’impulsion d’un député de la gauche radicale, Christophe Pradon, la voie de 150 ans de surenchères politiques visant à transformer l’essence même de la nation républicaine en inscrivant, en son coeur, les notions de discrimination et d’exclusion qui lui étaient restées jusqu’alors étrangères.

Parcourue de tensions, de débats, instrumentalisée, l’idée de nation n’est jamais restée figée. Elle a été et demeure une addition vivante d’héritages culturels et d’expériences individuelles, de choix politiques aussi. Le titre de notre soirée en témoigne.

Faire nation » suppose un processus actif, une action de fabrication jamais achevée, une interrogation perpétuelle. Dans notre pays cette interrogation, nous l’avons vu, est, pour le peuple, consubstantielle. Or, aujourd’hui, la nation, ce lien qui nous unit par-delà nos différences depuis plus de 250 ans, se retrouve menacée comme jamais, discréditée par toutes celles et ceux qui tentent de la réduire à un nationalisme rance et souvent guerrier ; Une nation déshonorée et salie par les traités de Maastricht et de Lisbonne, qui effacent les peuples et les nations européennes derrière une Europe de plus en plus fédérale, au seul service de la circulation des flux financiers ; Une nation fracturée par des inégalités sociales qui atomisent le collectif et condamnent toute perspective d’avenir – individuelle et donc collective – favorisant le repli sur soi, la xénophobie et le racisme ; La nation, victime enfin d’une mondialisation capitaliste qui perçoit à raison celle-ci comme un frein archaïque à la sacro-sainte circulation de ses capitaux et de ses marchandises.

Pour la finance internationale, pour les grands groupes, il ne faut plus de frontières, plus d’impôts, plus de règles et en finir, enfin, avec ces espaces démocratiques insupportables dont les peuples se sont dotés. Tout est fait pour priver définitivement les peuples de leur souveraineté – de leur « P » majuscule – pour reprendre l’introduction de mon propos.

Pour la France, pour notre peuple et pour les communistes, il y a là le risque d’une bascule dangereuse. Alors oui il nous faut, plus que jamais, faire Nation.

Oui, la nation est source de progrès.

Oui, elle constitue un outil démocratique aux mains du peuple souverain pour promouvoir et développer son industrie, son agriculture, ses cultures et la jouissance de ses droits. Comme l’ont fait les sans-culottes pour lutter contre la monarchie absolue de droit divin du roi de France, il nous faut aujourd’hui faire nation contre ceux qui, de l’intérieur et par calculs politiciens, cherchent à la diviser.

Il nous faut faire nation contre le despotisme de la finance, contre le fédéralisme européen libéral, contre le capitalisme total qui dissout les solidarités sociales, culturelles et politiques et dénie aux peuples leurs identités et droits fondamentaux. Il nous faut faire une nation positive, inclusive, « saine d’esprit et chaude de cœur » pour reprendre les mots d’Ernest Renan. Une « grande solidarité » mue par le désir de ses membres de vivre ensemble et de faire vivre leur héritage commun.

Avec Jaurès, avec tous les progressistes, les communistes ont toujours défendu l’idée d’une nation, communauté de citoyens libres et égaux en droits et en devoirs. Une nation républicaine, démocratique, avec un peuple pleinement souverain, capable de revendiquer collectivement son droit au bonheur et à l’émancipation. C’est là la meilleure protection, croyons-nous, face au nationalisme et à la guerre.

C’est pour cela que je défends toujours avec passion la présence dans nos meetings, dans nos manifestations, du drapeau bleu, blanc rouge aux côtés du drapeau rouge, pour marier le drapeau de la Révolution française avec celui des grandes conquêtes sociales et du monde ouvrier. Ils sont indissociables ! Et je serais toujours de ceux qui, avec Jaurès, célébreront « les noces de la classe ouvrière avec la nation ».

Pas de peuple sans nation, ni de nation sans peuple !

C’est la condition pour que la République émancipatrice advienne réellement.

La Nation telle que nous la concevons est heureuse, ouverte sur elle-même comme sur l'extérieur. Elle rassemble, elle rapproche, elle unit au-delà des différences d’origine, de sexe ou de religion et ses membres ont en partage le désir de faire vivre une communauté de destin. Elle est porteuse de progrès et de justice sociale, elle accorde à chacun le droit au bonheur et le respect de sa dignité fondamentale et de ses droits imprescriptibles.

Le débat sur son identité plurielle est possible, toujours souhaitable même. Être Français va au-delà du droit du sol et du droit du sang. Dans ce débat qui agite la classe politique française, il est bon de rappeler à nos concitoyens que le droit du sol est né avec la Révolution française, de cette conception ouverte de la Nation. Et qu'il a été abrogé ensuite une seule fois, entre le 22 juillet 1940 et le 24 mai 1944 par Pétain, par un régime qui collaborait avec Hitler.

Et c'est là le lien que je fais avec Missak Manouchian. Et c'est à partir de là que nous apportons, nous, cette réponse à la question que tout le monde pose : C'est quoi être Français ?

C'est être citoyen et aimer à en mourir ce beau pays, ce peuple qui a été capable de soulever des montagnes, d'abolir la monarchie, de se libérer du nazisme, d'inventer la Sécurité sociale et les congés payés. C’est l'aimer aussi malgré ses pages sombres que nous devons relire pour ne jamais les oublier, pour ne jamais les revivre. Être Français, c'est être Missak Manouchian, Joseph Kessel autant que Marie Curie, Simone Veil ou Aimé Césaire. Oui, être Français, c'est donc aussi une question de citoyenneté.

Et pour l'illustrer, je voudrais faire miens, faire nôtres, les mots de Marc Bloch dans L’Étrange défaite : « la France […] demeurera la patrie dont je ne saurais déraciner mon coeur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux ».

Très belle soirée à toutes et à tous.

Vidéo intégrale de la soirée du 17 février

source : https://www.pcf.fr/_pas_de_peuple_sans_nation_et_pas_de_nation_sans_peuple

Tag(s) : #PCF

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