Publié le 24 octobre 2024
A l’occasion de la reconduction du Président Directeur Général de l’Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (l’INRAE), le Parti communiste français veut souligner la place singulière qu'il accorde à cet Etablissement Publique à caractère Scientifique et Technologique (EPST) dans la vision communiste pour d'un dispositif de recherches national et international dans le contexte de la transition agroécologique.
Des EPST démocratisés et faisant confiance aux travailleuses et travailleurs de la Recherche
Comme pour l’ensemble des espaces de production de la recherche, les Établissements publics scientifiques et technologiques comme l’INRAE doivent être des espaces démocratisés qui laissent une place dans sa gouvernance à l’ensemble des chercheuses et chercheurs. Rompant avec les logiques managériales des nominations du pouvoir exécutif, nous considérons que les travailleurs de la recherche (qu’ils soient titulaires, doctorantes et doctorants ou docteures et docteurs), doivent pouvoir orienter les choix et stratégies de recherche des EPST au-delà même du seul cadre des Conseils scientifiques. Ce sont aux travailleurs de la recherche, à travers leurs organisations syndicales, que revient la responsabilité de réfléchir aux moyens nécessaires dont ils ont besoin pour accomplir leurs recherches en toute autonomie et indépendance.
Une dotation d'état à la hauteur des enjeux
En priorité, sécuriser l’INRAE dans ses missions de service public requiert un effort budgétaire bien plus important que celui qui lui a été consacré. L'État doit prendre à son compte l'entièreté des augmentations de salaires passées et à venir, nécessaire à l'attractivité de cette mission de service public. Il doit aussi maintenir et développer les capacités de fonctionnement et d’investissement des laboratoires en prenant en charge les fortes augmentations des budgets d'entretien, notamment liées à l'énergie.
Disposant d’un ensemble d’infrastructures complètes unique en Europe (stations expérimentales, halles technologiques etc.), l’INRAE souffre de façon chronique d’un manque de soutien de l’État. L’entretien de ces fermes et autres installations expérimentales, et surtout le recueil méthodique et le partage des données demandent exigent de rejeter toute précarisation de l’emploi. Le renouvellement de l’instrumentation, son exploitation notamment à travers l’insertion de ces mesures dans le réseau mondial, qui seul permet de mieux comprendre les changements globaux nécessite des moyens importants.
Il faut augmenter la subvention d'État compte tenu des nécessaires développements en recherches liées aux défis technologiques et sociaux nombreux de la transformation de son champ de recherches, La Loi de Programmation de la Recherche de 2019 et le contrat d’objectifs de moyens et de performance la restreignent en deçà des besoins, avec un simple maintien des effectifs titulaires au niveau de 2022, le plus faible du XXIème siècle après une baisse continue depuis 2008. L’annonce d’économies budgétaires au titre de la loi de finance 2025 ne fait qu’aggraver la situation.
Une déprécarisation urgente et la fin des logiques compétitives
Cette orientation implique que les salarié.es précaires actuellement employé.es sur des postes permanents de chercheurs, administratifs ou techniciens doivent être titularisés à la faveur d’un grand plan de titularisation comme dans toute la recherche et l’enseignement supérieur.
L’INRAE comme dans toute la recherche publique, voit son activité parasitée par un développement exorbitant de l’activité de gestion administrative à cause de la recherche permanente de crédits extérieurs. Publics pour l’essentiel et provenant d’agences d’Etat, de l’Union européenne, ou des collectivités territoriales, ces crédits doivent redevenir récurrents et pérennes afin que chaque laboratoire se consacre essentiellement à la recherche scientifique et non plus à la recherche de crédits. Cette politique virale de mise en compétition systématique doit également cesser au sein de l'organisme avec une attribution suffisante à chaque équipe pour travailler, et calculée sur la base des effectifs complets des unités de recherche. L’extraordinaire gaspillage de temps et de moyens perdus dans les transactions inutiles pour la rédaction, l’évaluation et le suivi de l’exécution de ces fameux « contrats de recherche » pourrait ainsi revenir à sa destination première, sans un euro de plus.
Une recherche agronomique pour l’humain d’abord
L’INRAE est un outil crucial pour la réussite des transformations sociales et environnementales des conditions de la souveraineté alimentaire attendue par les Français. Aujourd’hui comme hier, il est un outil indispensable, au moment où seules des transformations de très grande ampleur permettront de nourrir la planète, préserver les ressources, la biodiversité et anticiper le changement climatique.
Le PCF intègre à ses propositions les résultats d’une analyse scientifique des enjeux techniques, forts d’une volonté politique de libération de toutes les forces créatrices, de toutes et tous intervenant dans ce secteur, à commencer par les exploitantes et exploitants familiaux. Or le carcan capitaliste empêche cette transformation nécessaire qui permettrait de produire des aliments sains, en quantité suffisante, en préservant l’environnement, et grâce à des agricultrices et agriculteurs sereins quant à leur situation et à la possibilité d’entretenir et de transmettre leur outil de travail. La recherche doit aussi donc contribuer à la construction des besoins sociaux, leur explicitation, leur traduction en demande en produits et mode de production de services dans les secteurs agricoles, industriels, forestiers. Elle doit aussi permettre de chiffrer les objectifs d'émission de gaz à effet de serre, de consommation de ressources naturelles. Cela passe par une bien meilleure connaissance des cycles énergétiques et biogéochimiques, à toutes les échelles de la biosphère, de la molécule à la planète. Cela passe aussi par un développement important de disciplines en sciences sociales afin de rendre efficace la création de pôles publics dans les secteurs de la transformation et de la finance.
La stratégie de recherche publique dont l’élaboration revient à l'INRAE pour son secteur ne pourra se déployer en dehors de modes de coopération renforcés entre organismes de recherche publique (par ex. CNRS, INSERM, CIRAD, IRSN, CEA etc.), établissements publics à caractère industriel et commercial (Office national des forêts), ainsi que des structures publiques telles que BRGM, Météo France, ADEME, ANSES, ASN etc. toutes dotées de moyens propres et de compétences stratégiques. Les communistes portent également une attention particulière à ce que l’INRAE soit davantage intégré aux missions d’enseignement dispensées par les lycées agricoles et forestiers publics et les grandes écoles publiques d’agronomie (AgroParisTech, Institut Agro, ENSAT etc.) et écoles vétérinaires.
Il importe de réaffecter les moyens des monstres « administratifs » au service de la compétition capitaliste (ANR, HCERES, Agences de Programme, IDEX, LABEX, Université de Recherche etc.) aux laboratoires publics. En leur place, l'Etat confierait directement à l'ensemble des organismes eux- mêmes la mission de mettre des moyens en commun pour traiter de grandes questions multi- ou transdisciplinaires, telles qu'elles se posent en écologie régionale ou globale, l'adaptation au changement climatique, l'électrification de l'économie, la santé des populations par la prévention et l'alimentation etc. Ce type de coopération inter-établissements devrait être piloté au niveau national, pour valoriser la grande richesse de nos laboratoires, leur implantation large sur le territoire, la facilité de mobilité volontaire, thématique ou géographique, grâce au statut de la fonction publique.
Une recherche participative à large échelle
Nous appelons à une véritable articulation entre la stratégie de recherche et la prise de pouvoir des travailleurs et travailleuses sur leur outil de production. Cela signifie, pour ce qui est de la production agricole par exemple, une implantation de la recherche dans des dispositifs de terrain en lien réel avec les pratiques, les agriculteurs et agricultrices et les territoires. De nombreux exemples ont certes été développés mais sans convaincre quant à leur caractère généralisable.
Le Parti communiste français prend en compte la grande richesse de la diversité des approches de l'agroécologie et compte sur l'INRAE pour évaluer, inventer, et éprouver sur le terrain les systèmes de production agricoles et alimentaires de demain. Cela implique la mise en place de projets de recherches conduits avec le secteur coopératif du financement, de l’agrofourniture et de la collecte ou de l’agroalimentaire, mais recentré sur ses valeurs, aujourd’hui dévoyées par les critères du système seul financier capitaliste. L'implication de l'INRAE auprès de l'ensemble des structures de développement (Instituts techniques, chambres d'agriculture, CIVAM, etc.) doit être encouragée. Cela nécessite la mise en place d’un pôle public de recherche et développement et sa déclinaison régionale pourraient alors permettre d’associer salariés, élus et citoyens. Il faut en effet réunir tous les acteurs de la recherche et de la recherche développement, ceux du monde du travail et de la représentation démocratique pour débattre et décider de grands programmes nationaux disposant de fonds spécifiques sur les enjeux jugés prioritaires pour la collectivité. De la sorte, seront révisées les relations avec les collectivités territoriales pour irriguer mieux le territoire national dans ces domaines et pour profiter de la cohérence et de la complétude des approches de l’Institut sur les questions locales.
Parti communiste français
Paris, 24 octobre 2024
source : https://www.pcf.fr/un_nouvel_elan_pour_la_recherche_agronomique_publique