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Publié le 12 juin 2024
Si le Premier ministre indien sortant, le nationaliste Narendra Modi, est sorti vainqueur du scrutin national qui s’est déroulé en sept phases étalées sur une période de six semaines, sa victoire a un goût amer. Les quelque 642 millions d’électeurs qui ont pris part à cette consultation marathon, soit une participation de 66,3 %, ont refusé à l’homme fort du gouvernement et à son parti le Bharatiya Janata party (BJP) la majorité absolue qu’ils détenaient à la Lok Sabha (Parlement) depuis 2014.

Donné grand gagnant au début des opérations de vote, le BJP ambitionnait de récupérer 400 sièges sur les 543 que compte l’Assemblée nationale. Loin d’avoir atteint cet objectif, il n’emporte que 240 sièges, bien en dessous de la barre des 272, minimum requis pour avoir la majorité absolue, et loin des deux tiers nécessaires pour faire adopter des changements constitutionnels réactionnaires annoncés : mettre un terme à la structure laïque de la Loi fondamentale visant ainsi l’établissement d’une nation hindoue et d’un État théocratique, faire des ressortissants des minorités des citoyens de seconde zone et diminuer le pouvoir des États fédéraux .

Face à l’imminence du danger, l’opposition s’est réunie dans une coalition, l’Indian National Developmental Inclusive Alliance (INDIA). Avec une nette progression dans les suffrages et un gain de 234 sièges, elle revient en force au Parlement. L’INDIA inclut notamment le parti du Congrès, le Parti communiste indien marxiste (CPI-M), le Parti communiste et de très nombreux partis régionaux.

Le BJP qui a perdu 63 sièges par rapport aux dernières élections de 2019 doit désormais compter avec ses alliés, souvent versatiles, de la National Democratic Alliance (NDA) dont l’apport lui assure une majorité de 292 sièges. Mais ses pertes dans les bastions de la ceinture hindiphone, dans le nord et dans l’ouest du pays, qui lui étaient traditionnellement acquis, illustrent le basculement de l’opinion et la cristallisation de la colère. Comme dans l’État de l’Uttar Pradesh, le plus peuplé de l’Inde, où Modi avait compté sur la construction du temple de Ram, à Ayodhya, pour l’emporter haut la main.

De son côté, le Congrès enregistre son meilleur résultat depuis l’arrivée au pouvoir de Modi en doublant son nombre de parlementaires (de 52 à 99 sièges).

Le CPI(M), qui présentait 52 candidats, obtient quatre sièges au Tamil Nadu (2), au Kerala (1) et au Rajasthan (1), contre trois en 2019 ; le PCI conserve ses deux députés et le PCI (marxiste -léniniste), en s’assurant deux élus au Bihar, fait un retour au Parlement après plus de deux décennies d’absence.

Comme en 2019, la campagne a été d’une extrême violence, Narendra Modi a très rapidement versé dans une islamophobie espérant contrer la colère sociale. Le chômage qui touche 40 % des jeunes diplômés et les inégalités se sont imposés comme thèmes centraux du scrutin accompagnés de luttes sociales. Courant mai, 200 millions de travailleurs ont participé à une journée de grève contre la réforme du droit du travail, tandis que quelque 3 500 dockers affiliés à la confédération syndicale CITU lançaient un mouvement de solidarité avec la Palestine, refusant de charger ou de décharger des cargaisons d’armes qui pourraient être utilisées dans la guerre contre Gaza.

Par ailleurs, la révolte gronde toujours chez les paysans, notamment au Pendjab où la sortie de la monoculture intensive est restée une priorité des syndicats agricoles. Depuis leur soulèvement en 2021, les paysans du sous-continent poursuivent leur lutte contre la libéralisation du secteur agricole. En novembre 2021, le gouvernement avait finalement , dont une des conséquences redoutées aurait été la liquidation des tarifs minimums d’achat garantis par l’État sur certaines récoltes. Mais le projet n’est pas abandonné.

Le discours d’une “India shining” (l’Inde qui brille), slogan avec le quel Modi avait conquis le pouvoir il y a dix ans, a fini par ne plus correspondre avec le quotidien vécu par les pauvres et rejoints par les classes moyennes, entre la gestion catastrophique du Covid, la hausse des prix et un marché du travail difficile. Si l’Inde affiche un PIB élevé, rapporté à sa population la réalité est tout autre. Son PIB par habitant est ainsi de 2 410,9 dollars en 2022, d’après les chiffres de la Banque mondiale, soit le plus faible des pays du G20. Concernant son indice de développement humain, le pays se classait au 134e rang mondial en 2022.µ

Dominique Bari

Article publié dans CommunisteS, n°1000, 12 juin 2024.

 

source : https://www.pcf.fr/victoire_en_trompe_l_il_pour_modi

Tag(s) : #Inde

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