Publié le 12 avril 2024
La visite de trois jours d’Emmanuel Macron au Brésil aura d’abord été l’occasion de redonner des couleurs à l’amitié réciproque entre Français et Brésiliens, contrariée sous l’ère Bolsonaro.
La réception à Paris, avec les honneurs, de Luiz Inácio Lula da Silva juste libéré d’une injuste prison, alors que Bolsonaro était encore président du Brésil, avait causé forte impression au Brésil et renforcé la nouvelle candidature de Lula à la présidence.
Certes, une fois élu, Lula ne dispose pas d’une majorité au Congrès et a dû former un gouvernement incorporant de nombreuses figures de la droite parlementaire brésilienne, notamment son ministre de la Défense qui ménage les forces armées de toutes poursuites.
À la différence des autres pays amazoniens, en n’envoyant aucune ministre au premier sommet amazonien à Belém en août dernier, la France avait perdu une occasion de faire prospérer la coopération entre nos deux pays et ceux de la région. Cette fois, à l’heure de l’urgence climatique, le voyage commun en Amazonie a fourni l’occasion de belles déclarations communes sur la préservation des forêts, que l’on peut espérer suivies de quelque réalité, Lula ayant aussi lancé une initiative sur la préservation, aux côtés de l’Amazonie, des grands bassins forestiers tels que ceux du Congo ou d’Indonésie.
Ce fut aussi l’occasion pour le photographe officiel de Lula de montrer une série de « photos de mariage » de ce couple présidentiel qui ont réjoui le public brésilien, heureux de pouvoir prendre une nouvelle internationale avec le sourire.
Pourtant, dans la lutte contre les orpailleurs brésiliens qui pillent les ressources en détruisant et empoisonnant pour longtemps les cours d’eau, causant des milliers de morts lentes et douloureuses, la coopération reste à (re)construire.
Côté français, si gendarmes et légionnaires font face à des orpailleurs toujours plus armés et meurtriers, côté brésilien, en l’absence de contrôle par les organismes de protection démantelés par Bolsonaro, orpailleurs surarmés, miliciens bolsonaristes et policiers corrompus, profitent de concert de la déforestation et multiplient les crimes envers les populations autochtones. Les institutions de la FUNAI (Fondation nationale de l'Indien) ou l’IBAMA (Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables), tout juste remis en état de fonctionner, manquent encore d’autorité et la corruption de la police reste largement à résorber.
Les ventes d’armement permettent aussi de confirmer la coopération initiée de longue date entre les marines française et brésilienne, marquée par la session du porte-avions Foch avec ses super-étendards, puis par le programme de construction de sous-marins de classe Scorpene destiné à affirmer la souveraineté brésilienne sur l’exploitation de pétrole dans les hauts fonds du plateau brésilien au sud-est (le « présal ») avec la coopération technologique de Total et de Petrobras.
La perspective d’exploitation de nouveaux gisements au large de l’Amazonie, où l’on voit en Essequibo (au large du Guyana) les appétits nord-américains s’aiguiser, pourrait amener le Brésil à pousser plus loin ce programme de souveraineté maritime comme l’évoqueraient les rumeurs de discussions sur la fourniture par la France de sous-marins nucléaires.
Alors que le bolsonarisme reste actif et menaçant, occupant parfois sans complexe l’espace public, nombre de militants de la gauche brésilienne auraient attendu une manifestation populaire massive à l’occasion de l’anniversaire de l’échec de la tentative de coup d’État fasciste du 8 janvier 2023 ou encore à l’occasion du 40ᵉ anniversaire du coup d’état militaire du 1er avril 1964. Mais, alors que Lula ne pouvait en assumer l’initiative, celle-ci n’est pas venue des grands partis de gauche ni du mouvement syndical, malgré les efforts des communistes du PCdoB et de leurs partenaires locaux.
Pour de prochains épisodes mutuellement avantageux, en France comme au Brésil, le renforcement de nos forces progressistes et démocratiques est un enjeu d’importance.
Henri Blotnik,
membre de commission des relations internationales
Collectif Amérique latine et Caraïbes
source : https://www.pcf.fr/apres_la_visite_d_emmanuel_macron_quelles_relations_entre_la_france_et_le_bresil