Il s'agit de concevoir un corps de normes adapté à la société cubaine de notre époque. Une norme qui reflète l'atlas de la géographie socio-familiale de Cuba, dans laquelle les droits de tous les acteurs familiaux sont inclus
Auteur: Leonardo B Pérez Gallardo | internet@granma.cu

L'adoption d'un Code des familles à Cuba est devenue une nécessité ressentie et rêvée par beaucoup. Parvenir à un juste équilibre entre le projet de vie de chaque personne fondé sur son autonomie et le libre épanouissement de sa personnalité et le projet de vie familiale en commun, est l'une des tâches entreprises par le nouveau Code des familles de Cuba qui – encore en phase de construction – sera bientôt soumis à une consultation populaire dans tout le pays.
L'objectif est de parvenir à des normes conçues avec un profond sens éthique et une vocation à la pluralité, sur la base de profils de plus en plus inclusifs. Pour y parvenir, il est donc devenu nécessaire de construire un Code fondé sur les liens affectifs, sur la base du respect de la différence et de la visibilisation des secteurs les plus vulnérables dans l'ordre familial.
Il ne fait aucun doute que le droit des familles doit viser à garantir les droits de toutes les personnes, quelle que soit la structure ou la forme d'organisation qu’elles ont choisie dans leur désir de former une famille, afin que des valeurs telles que le respect mutuel, la loyauté, la solidarité, l'assistance réciproque, ainsi que l'affection entre ses membres soient préservées, afin que la famille reste une entité morale, reconnue évidemment, de nature plurielle, qui a un seul objectif : rendre heureux ceux qui la composent.
Il s'agit de concevoir un corps de règles adapté à la société cubaine de notre époque. Une norme qui reflète l'atlas de la géographie socio-familiale de Cuba, dans laquelle les droits de tous les acteurs familiaux sont inclus. Le projet vise à reconnaître les droits des secteurs vulnérables de la société, qui sont souvent passés inaperçus aux yeux du législateur. Ainsi, les enfants et les adolescents, reflétés dans les normes comme ce qu'ils sont : des sujets de droits, avec la possibilité de les exercer, soit par eux-mêmes, soit par l'intermédiaire de leurs parents et tuteurs, mais dans tous les cas, sur la base du respect de leur autonomie progressive, en tant que personnes en formation.
L'autonomie progressive a pour objectif de renforcer la prise de décision, l’engagement de responsabilités et l'exercice des droits dans la mesure où ils peuvent former leur propre jugement. Ainsi, à mesure que leurs compétences seront supérieures, le besoin d'être représenté par leurs parents diminuera. Il ne s'agit pas d'innover, mais d'intégrer dans le Droit cubain les principes déjà reconnus – et appliqués depuis des décennies par les tribunaux du pays – de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Au fur et à mesure que leurs facultés intellectuelles et leur maturité psychologique évoluent, le rôle prépondérant des pères, des mères et des tuteurs dans la vie de leurs enfants diminue, non pas par imposition de la loi, mais en raison du cours de la vie lui-même. Ceci, ainsi que l'écoute de leur opinion, comme un critère à prendre en compte, bien que n'ayant pas une valeur décisionnelle pour les autorités qui auraient à traiter des affaires où les intérêts des enfants seraient en jeu. Leur intérêt supérieur sera la boussole qui guidera ces décisions.
Mais de la même manière que le projet regarde vers l'horizon, en pensant aux enfants et aux adolescents comme ceux qui construiront la société cubaine du futur, ce regard doit aussi se projeter vers ceux qui, un jour, ont construit la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui, vers ceux qui ont forgé les familles dans lesquelles nous nous réfugions aujourd'hui.
Une société vieillissante doit rendre hommage et respecter – à partir de la Loi – les personnes âgées. Reconnaître les droits des personnes du 3e âge, des grands-pères et des grands-mères, de ceux qui ont transmis des valeurs, des traditions, des coutumes, qui ont forgé l'identité familiale et qui ont été les artisans de la mission de s’occuper des jeunes générations, est l'expression de hautes valeurs, de loyauté, de respect pour ceux qui nous ont précédés. C'est une dette que le Droit familial a envers eux. Reconnaître des droits qui renforcent leur autonomie, leur pouvoir de décision, leur inclusion familiale et sociale, leurs loisirs, la nécessaire communication familiale, est un acquis de la nouvelle loi qu'il nous faut soutenir.
Il est également important de garder à l'esprit que la société cubaine est une société vieillissante, ce qui signifie non seulement une augmentation exponentielle du nombre de personnes âgées, mais aussi mais aussi de la mission de prendre soin d’elles, et par conséquent du nombre d'aidants. Même si la nécessité de soins n’est pas un phénomène nouveau, puisqu'il y a toujours eu des personnes qui en ont besoin, la convergence de différents facteurs tels que le vieillissement démographique, l'augmentation de l'espérance de vie et les changements dans la structure familiale, entre autres, ont fait que c’est devenu un phénomène qui exige des réponses urgentes, entre autres, de la part de la sphère juridique. La personne en situation de maladie a besoin de recevoir une aide de la part d'autres personnes pendant une période prolongée. On ne peut ignorer que les maladies chroniques et les handicaps peuvent s'accompagner de limitations fonctionnelles et cognitives qui se traduisent par l'impossibilité ou la difficulté d'accomplir les activités de la vie quotidienne, nécessaires au soin personnel, aux activités instrumentales de la vie quotidienne, indispensables pour une vie indépendante.
Reconnaître les droits des aidants familiaux est également une tâche considérable pour le législateur. Il s'agit de trouver un équilibre entre, d'une part, le droit de toute personne à la prise en charge et, d'autre part, le droit de celui qui, renonçant à son potentiel, se consacre aux soins de ses proches, laissant ses rêves derrière lui.
Il appartient donc au Droit d'offrir des garanties aux aidants dans l'accomplissement de leur noble mission.
PROTÉGER LES PERSONNES LES PLUS VULNÉRABLES
La visibilisation des droits des personnes handicapées n’est pas moins importante. Il s’agit d’une autre dette en suspens du Droit cubain au regard de la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées.
Le projet de Code des familles effectue le tournant le plus important dans le Droit de notre pays en matière de protection de ce secteur vulnérable de la société. L'objectif est de réformer l'ensemble du régime juridique de la capacité juridique, régi par le Code civil, de supprimer la tutelle et la déclaration judiciaire d'incapacité, afin de permettre aux personnes handicapées d'accomplir des actes juridiques par elles-mêmes ou avec l'aide ou l'assistance d'un système de soutien multiple, c'est-à-dire de personnes qui facilitent leur inclusion sociale, qui concrétisent leur communication et qui améliorent leur accessibilité physique et cognitive. L'objectif est que les personnes handicapées comptent dans la dynamique familiale, rien ne vienne d'elles ou d'eux, sans d’autre que leur participation effective. Dans un projet de réglementation tel que celui dont la société discutera bientôt dans ses quartiers, la violence à l'égard des personnes les plus vulnérables dans l'environnement familial, dans ses manifestations les plus diverses, requiert également l'attention du législateur.
Bien que Cuba ne soit pas l'un des pays présentant les statistiques les plus alarmantes, les études depuis les sciences sociales reflètent la nécessité de politiques publiques visant des mesures correctives pour atténuer cette situation et éviter qu'elle ne devienne un problème endémique difficile à gérer. Le Droit, dans sa fonction éducative, a le devoir de fournir des outils pour combattre ces manifestations, surtout les plus invisibilisées ou passées sous silence, qui produisent tant de dégâts telles que la violence physique, plus connue, socialement et politiquement. La reconnaissance constitutionnelle de leur existence dans la société cubaine et le mandat de la société et de l'État d'intervenir et de condamner de telles conduites ou de tels comportements ont signifié un changement significatif du Droit cubain face à ce phénomène.
La protection dans l'ordre judiciaire offerte par le nouveau Code des procédures et le traitement transversal dans le projet de Code des familles, avec des conséquences judiciaires précises pour l'agresseur, qui conduit à la restriction des droits dans l'ordre juridique et familial de nature la plus diverse, personnelle et patrimoniale, constituent une avancée révélatrice qui place le Droit cubain en phase avec les systèmes juridiques du continent, qui ont dicté des normes spécifiques pour réprimer les comportements liés à la maltraitance ou à la violence.
Il nous reste encore du chemin à parcourir dans ce domaine. Il convient de souligner la réforme prévue du Code civil, qui réagit également à ce fléau pandémique que représente la violence familiale, en élargissant considérablement les motifs d'incapacité à la succession, visant à condamner ces comportements répréhensibles qui constituent une offense directe ou indirecte au défunt, de telle sorte que le Droit, pour répondre au bon ordre, à la morale et à la solidarité familiale, disqualifie ou exclut de l'héritage ceux qui ont violé les valeurs, les principes et les règles de conduite et de comportement familial et social les plus élevés. •