À l'initiative de Jean-Paul Lecoq, la politique de la France passe enfin au crible du contrôle parlementaire.
Le député communiste de Seine-Maritime, Jean-Paul Lecoq, vient à nouveau de prendre une initiative remarquée dans le cadre de la « semaine de contrôle » de l'Assemblée nationale. Il s’agissait d’établir le bilan des actions de la France pour faire respecter le droit international sur la question du Sahara occidental. Une présence fournie de députés de différents horizons politiques traduit l’inquiétude face à la dégradation de la situation.
Les interventions de Claude Mangin, militante des droits humains et épouse de Naama Asfari prisonnier politique sahraoui, de Gilles Devers, avocat du Front Polisario, et d’Oubi Bouchraya Bachir, représentant du Front Polisario à Bruxelles, ainsi que les questions des parlementaires ont permis d’éclairer les enjeux.
Cette séance a offert, pour la première fois, l'espace aux Sahraouis et à leurs soutiens de faire entendre leurs arguments à la majorité présidentielle ainsi qu’au ministre présent. En effet, le refus systématique opposé à l'’audition des représentants du peuple sahraoui ou même à l'évocation du sujet en commission des Affaires étrangères empêche un débat parlementaire éclairé et alimente l’idée, en dépit du droit international, que le Sahara occidental serait déjà marocain.
Cette audition a démontré que la cause sahraouie a toute sa place dans d’autres enceintes internationales comme l’Union africaine (UA) ou l’Union européenne (UE).
Cette séance de deux heures a encouragé les échanges très riches et formateurs pour quelques députés de la majorité qui poursuit une ligne de fort soutien au régime marocain dans sa volonté d’intégrer définitivement les territoires appartenant au peuple sahraoui.
Ce que dit le droit international
Inscrit sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU, le Sahara occidental doit voir son peuple bénéficier du principe du droit à disposer de lui-même et du pouvoir de s’exprimer sur la question de sa souveraineté par la voie d’un référendum d’autodétermination. Or, depuis 1976, cet ancien protectorat espagnol est sous occupation marocaine. La colonisation de 80 % du territoire sahraouie, condamnée par l’ONU, a provoqué un conflit armé avec le Front Polisario, représentant reconnu du peuple sahraoui.
À la fin des années 1980, le Front Polisario a accepté un cessez-le-feu pour permettre l’établissement de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso). Depuis, le Maroc ne cesse, en toute impunité, de défier la communauté internationale en refusant la résolution du conflit sur la base du droit. Le roi Mohammed VI a encore récemment déclaré que « rien n’était négociable », bafouant ouvertement les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.
Le Front Polisario n’a pourtant pas ménagé ses efforts, acceptant le plan de J. Becker (2003) ou bien en faisant une offre en sept points donnant des garanties au Maroc dans le cas où le référendum aboutirait à l’indépendance (2007). Rabat a balayé d’un revers de main ces propositions, portant l’entière responsabilité de l’échec du processus de paix.
À la suite de la brutale intervention de l’armée marocaine au poste de frontière de Guerguerat, le 13 novembre 2021, le cessez-le-feu a volé en éclats après 30 ans d’attente de l'organisation du référendum d'autodétermination, provoquant un retour à la case départ et à un accroissement de l’instabilité régionale.
Comme l’a souligné Oubi Bouchraya Bachir, représentant du Front Polisario à Bruxelles, « l’arrogance, l’intransigeance, l’extrémisme et l’attitude belliqueuse » du Maroc résultent également de la complicité ancienne que Rabat entretient avec la France et les États-Unis.
Les responsabilités particulières de la France
Paris porte une très lourde responsabilité dans la situation actuelle, ayant cautionné l’invasion marocaine et encouragé le Maroc dans son opposition à la légalité internationale. Désormais, au Conseil de sécurité de l’ONU, le gouvernement français rejette toute perspective de référendum et a même brandi la menace d’utiliser son droit de veto. Sur le même registre, Paris s’est employé à saboter les initiatives de la Minurso et à torpiller toutes les initiatives de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Horst Kohler, qui a dû démissionner en 2019.
Paris a pesé de tout son poids pour empêcher d’étendre les prérogatives de la Minurso à la surveillance des droits humains. Cette obstruction a de lourdes conséquences que la rupture du cessez-le-feu a aggravées.
À l’échelle de l’UE, la France agit en meneur de tout ce qui vise à contourner les différentes décisions de la Cour européenne de justice qui a annulé, en septembre 2021, plusieurs accords de partenariat entre le Maroc et l’UE, accordant des préférences tarifaires aux produits issus des territoires sahraouis occupés. Il en va de même s'agissant des accords relatifs à la pêche qui entérinaient le pillage colonial marocain.
De plus, Paris s’enferre à défendre la proposition unilatérale et illégale du Maroc à l’autonomie qui n’est en aucune manière une solution dans la mesure où il consacre la souveraineté du Maroc et en opposition frontale avec le droit international. Or la seule et unique solution de compromis, conforme au droit et à la démocratie, est l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
Contrairement à son affirmation de tenir une « position d’équilibre », Paris prend fait et cause pour le régime de Rabat, allant jusqu’à rompre totalement ses liens avec le Front Polisario, et parvenant ainsi à ramener le conflit aux affrontements militaires et à mécontenter les pays voisins de la région. Un tel aveuglement nourrit les tensions avec des conséquences qui peuvent être irréparables.
Répression et violations des droits humains
Les violations des droits humains sont une constante de l’occupation marocaine dans les territoires sahraouis occupés, mais elles se sont renforcées avec la reprise des hostilités. Cette escalade inquiétante frappe tout à la fois les activités des défenseurs des droits humains, leurs associations, leurs organisations sociales, leurs syndicats, les militants sahraouis, ainsi que les familles de prisonniers qui subissent les violences des forces de sécurité, d’agents en civil et de groupes para-policiers, dans une atmosphère de militarisation accrue.
En un an, 160 violations des droits humains ont été répertoriées, nombre très en-deçà de la réalité dans la mesure où l’ensemble du territoire est interdit aux ONG et aux journalistes étrangers. Les villes, comme les zones rurales, vivent sous cette chape de plomb.
Les atteintes aux droits civils et politiques concernent les interdictions de circuler, de se rassembler, de se réunir, de s’exprimer, mais aussi les assignations à résidence. Les attaques contre les médias et les journalistes locaux sont d’une brutalité inouïe.
Le Maroc est passé maître en matière de raids illégaux, de destructions de biens ou bétails des nomades, de déplacements forcés de population, d'intrusions dans les domiciles – avec des coupures d’eau, d’électricité ou des jets de produits chimiques !
Tous les témoignages convergent pour affirmer que les prisonniers, y compris les femmes et les mineurs, sont victimes de traitements dégradants et inhumains, de châtiments corporels, de mutilations, de violences sexuelles et de torture.
Une justice aux ordres permet les détentions arbitraires et des simulacres de procès condamnant les militants sahraouis à de très lourdes peines et, tout particulièrement, ceux de Gdeim Izik, qui ont été emprisonnés à la suite d’une révolte en 2010. À l’isolement, privés de soins et de visites, nombreux sont les prisonniers qui sont désormais entre la vie et la mort. Ces violations des droits humains, les exécutions sommaires de civils, relèvent de crimes de guerre.
Le sort des sœurs Sultana et Al-Waara Khaya ainsi que de leur mère, mais aussi celui de Mina Baati et de son fils, qui subissent un harcèlement continuel, suscitent une immense émotion. Combien de temps la France continuera-t-elle à rester sourde aux appels de ce peuple pacifique, respectueux du droit et de la démocratie ?
Les communistes appellent à un changement radical de la politique de la France. Le soutien unilatéral à Rabat envenime le conflit, contribue au recul du droit international et alimente des mécanismes d’instabilité de longue portée. Le référendum est la seule issue.
Pascal Torre
responsable adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient
source : https://www.pcf.fr/sahara_occidental_initiative_de_jean_paul_lecoq