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En 2022, relever le défi des jours heureux
L’année qui commence est lourde de menaces. Les inégalités d’accès au vaccin et les intérêts bien compris de l’industrie pharmaceutique font courir le risque de poursuivre le déroulé de l’alphabet des variants. La campagne pour lever les brevets et faire du vaccin un bien public mondial est d’une première urgence.
Les convulsions de la mondialisation capitaliste qui se cristallisent dans la pandémie dessinent la perspective d’un régime de croissance faible, ce qui incite les classes dirigeantes à chercher de nouvelles marges de profit sur le dos du travail et de la nature. De Biden à Macron et à la nouvelle coalition allemande, ces classes dirigeantes, percluses de profondes contradictions, veulent reconstruire les modes d’accumulation capitaliste. Le discours de Macron sur les priorités de la présidence française de l’UE, comme les priorités de la présidence allemande du G7, illustrent cette recherche d’une nouvelle synthèse bourgeoise, instable et pleine d’apories. L’explosion des prix des matières premières et de l’énergie accélère le phénomène de concentration capitaliste autant qu’elle crée un terrain propice pour l’exacerbation des concurrences et les réflexes du chacun pour soi, comme l’échec cuisant de la COP 26 le montre dramatiquement. Les recompositions des rapports de forces ont connu une nouvelle étape avec l’entrée en vigueur le 1er janvier du plus vaste accord de libre-échange jamais conclu, dans la zone de l’Asie-Pacifique, représentant le tiers du PIB mondial. C’est également dans ce contexte que se situe la ratification par la France le 10 décembre dernier de l’accord avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine qui remplace le franc CFA par l’Eco et de l’annonce par Macron du sommet UE-Afrique dans le cadre de la présidence française. Plus que jamais, il faut mettre fin au franc CFA/Eco au profit d'instruments monétaires que les peuples concernés décideront en toute souveraineté.
L’année 2022 commence aussi sous le signe de l’approfondissement des inégalités et d’une concentration inédite des richesses, aggravées avec la pandémie. Les 10% les plus riches concentrent désormais 76% de la richesse mondiale, tandis que les 50% les plus pauvres n’en possèdent que 2%. Les femmes sont particulièrement touchées : 42% d’entre elles ne peuvent exercer de travail rémunéré ! Ce mouvement des richesses de Robin des Bois à l’envers implique également de dépouiller les États de la richesse publique au bénéfice des intérêts du capital et de la rente. Les inégalités se creusent en même temps que la puissance publique s’affaiblit. C’est un élément majeur de la crise des nations.
La planète est au bord du gouffre. Il est malheureusement à craindre que 2022 soit marqué par de nouvelles catastrophes climatiques. Lors de la COP 26, le directeur du Potsdam Institute (PIK), Johan Rockström a déclaré que pour rester sous 1,5°C de réchauffement en respectant la justice climatique, il faut que, d’ici 2030, les 1% le plus riches de la population mondiale divisent leurs émissions par trente. Il n’y a pas d’issue à la crise climatique sans remettre en cause la loi du profit basée sur le droit de propriété capitaliste.
2022 s’ouvre également alors que les tensions inter-impérialistes risquent de dégénérer de manière incontrôlée, comme c’est le cas à l’Est de l’Europe. Plus que jamais, l’OTAN, c’est la guerre. La réunion des ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l’UE du 12 au 14 janvier à Brest s’inscrit dans un contexte de « guerre violette », qui n’est déjà plus la « guerre froide » et qui n’est pas (encore ?) la guerre chaude. Les signataires du traité TIAN, en vigueur depuis un an, vont se réunir à Vienne. Ce serait une belle occasion pour que la France le ratifie et s’engage pour un désarmement nucléaire global et multilatéral. La France doit par ailleurs prendre une initiative diplomatique urgente : celle de proposer aux États européens et alentours, Russie incluse, de préparer une conférence de paix et de sécurité collective. Ce qui avait été possible en pleine guerre froide, à Helsinki, est nécessaire aujourd’hui. Le resserrement de l’alliance entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni dans la zone pacifique et les derniers développements à Taiwan sont également lourds de menaces sur la paix. Casser l’engrenage de la politique de blocs est urgent.
Les réfugiés et exilés qui fuient les catastrophes climatiques, sociales et les guerres sont parmi les premières victimes de ces crises. Il est temps d’assurer le respect du droit international en ouvrant des voies légales et sûres de migration.
Ce terreau encourage, sur fond de paniques identitaires et de défaites de la gauche, la recomposition d’un bloc droitier, de la droite états-unienne, à celle d’Amérique latine et d’Europe, qui porte le fer contre les droits fondamentaux et l’ensemble des conquêtes sociales et démocratiques obtenues par la lutte des peuples et du mouvement ouvrier.
Mais la gauche n’a pas dit son dernier mot. S’il est minuit moins cinq dans le siècle, il n’est pas encore minuit. La victoire de la gauche aux élections présidentielles au Chili, ainsi que de possibles perspectives au Brésil, font évoluer les rapports de force politiques en faveur des peuples et du progrès social et démocratique en Amérique latine. Les débats à gauche, sur les relations et les interactions avec les mouvements sociaux, et sur de nouvelles formules de front unique, y sont d’ailleurs féconds et pleins d’enseignements.
Car, à partir des réalités sociales des rapports de force concrets, c’est bien la question de la formule politique qui est posée à la gauche, dans la grande diversité des contextes nationaux et des mouvements sociaux et citoyens ; c'est-à-dire la question de la construction de nouvelles majorités politiques cherchant à rassembler un bloc social majoritaire et structurées autour de propositions politiques qui rendent crédibles auprès de la population qu’il est concrètement et réellement possible de changer de logique. Au niveau international, il s’agit de faire émerger un nouvel ordre du monde, de peuples souverains et associés.
Le PCF, avec la campagne présidentielle de Fabien Roussel et la campagne des législatives, a des propositions à faire connaître qui s’inscrivent dans cette dynamique.
Vincent Boulet
responsable des questions européennes pour le PCF
membre de la Commission des relations internationales
source : https://www.pcf.fr/en_2022_relever_le_defi_des_jours_heureux