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 Information du PCF sur le mouvement social en France

3 février 2020

 

A / Un mouvement national interprofessionnel massif et durable

Le mouvement social en cours en France depuis le 5 décembre 2019 est le plus long depuis Mai 68. Il a dépassé en durée le mouvement social de référence en France, qui est celui de décembre 1995 contre le projet de réforme de la sécurité sociale et des retraites de Jacques Chirac. Plusieurs secteurs sont particulièrement mobilisés : les transports (SNCF, transports parisiens…) se sont engagés dans une grève reconductible longue, d’autres secteurs comme l’enseignement, la culture se mobilisent davantage lors des jours de manifestations nationales interprofessionnelles : 5 et 12 décembre, 9, 11 et 25 janvier. Sont également concernés : les raffineries, la distribution d’énergie, les avocats, les hôpitaux… Si le mouvement de grève reconductible dans les transports s’affaiblit (après plus de 40 jours !) et cherche désormais les voies d’autres formes de mobilisation, il n’en demeure pas moins que ce mouvement marque profondément et durablement la société française, pour plusieurs raisons :

Il vient, dans ses bases populaires, prolonger en partie le mouvement des gilets jaunes. La participation importante aux manifestations dans les villes moyennes, même celles qui n’ont plus réellement d’implantation ouvrière organisée, en est la preuve ;
Il se coagule avec d’autres mouvements chroniques de grèves et de mobilisation sectorielles, par exemple dans l’éducation (déjà mobilisée contre la réforme instaurant une sélection à l’entrée dans l’université et contre la réforme du lycée), dans la santé (notamment dans les secteurs des urgences des hôpitaux, qui sont sinistrés après des années de politiques d’austérité), dans le secteur de la justice (les avocats).
Ce mouvement reste massivement soutenu par la population (aux alentours de 60%), en dépit d’une campagne médiatique hallucinante contre les « privilégiés » et contre les syndicats engagés dans la lutte, en particulier contre la CGT.
B / Le projet macroniste de démantèlement total du modèle social français

Ce mouvement porte sur le projet d’Emmanuel Macron de « réformer » le système de retraites. Il ne s’agit pas uniquement de prolonger la durée de cotisation et de retarder l’âge de départ, qui est l’objet des réformes libérales précédentes 2003, 2010, 2014). La réforme de 2010 a repoussé l’âge légal de départ de 60 à 62 ans : cette mesure est effective depuis 2017. Le projet de Macron va beaucoup plus loin :

Non seulement il supprime les « régimes spéciaux », c’est-à-dire les dispositions particulières pour un certain nombre de professions, par exemple pour les cheminots, les militaires, les marins…). MAIS .. Cela permet au gouvernement de présenter sa réforme comme « juste » et « équitable ». Le gouvernement s’est lancé dans un marchandage catégoriel pour en ménager quelques-uns, tel que celui des policiers.
Il change la méthode de calcul des pensions : c’est l’ensemble de la carrière qui est prise en compte, et non plus seulement les dernières années. Cela induit une baisse générale des pensions.
Surtout il introduit un système de retraites par points. C’est mettre à bas le système de retraite par répartition, donc par solidarité entre générations, mis en place en France après la Libération, en 1945, avec la création de la sécurité sociale par le ministre communiste Ambroise Croizat. Cette réforme introduit la notion « d’âge pivot », c'est-à-dire un âge avant lequel le départ en retraite engendrerait un malus pour la pension et après lequel il serait censé apporter un bonus.
La valeur du point et l’âge pivot sont sortis du cadre de la loi mais évolueront en fonction d’une négociation entre partenaires sociaux (patronat et syndicats) et en fonction de l’espérance de vie. Mais ces négociations devront rester dans le cadre financier fixé par la loi, qui fixe que le total des dépenses engagées par les retraites ne devront pas excéder 14% du PIB, même si le nombre de retraité.e.s augmente, ce qui entraîne automatiquement une baisse des pensions.
C/ Une bataille historique majeure

Cette réforme s’inscrit dans l’objectif stratégique de Macron qui est de détruire ce qui reste des conquêtes ouvrières issues des luttes sociales du XXe siècle et de mettre le pays aux normes de la mondialisation capitaliste. Les fonds de pension soutiennent bien évidement la réforme, voire figurent parmi ses promoteurs, comme le fonds américain Black Rock. Un article du projet de loi encourage même très explicitement les assurances privées à « se mobiliser » pour « renforcer [leur] attractivité ». Ces logiques libérales se retrouvent dans les « préconisations » de la Commission européenne à la France et dans celles de l’OCDE.

La méthode employée est également très révélatrice de ce qu’est le macronisme. Il refuse toute concertation ou négociation avec les syndicats, même les organisations avec lesquelles il aurait pu trouver une certaine plage d’accord, comme la CFDT, qui n’est pas opposée à un système par points. Le gouvernement s’est cependant prêté envers ces organisations à un jeu de dupes en annonçant le 11 janvier le retrait « provisoire » de l’âge pivot pour ce qui concerne des dispositions transitoires qui s’appliqueront entre 2022 et 2027 mais en le maintenant pour la période après 2027, qui constitue le cœur de la réforme.

Nous sommes en présence d’un nouveau temps fort d’une onde longue de rejet de la politique des gouvernants et de la classe dirigeante. Le peuple français n’a pas renoncé à défendre le modèle social tel qu’il s’est construit à la Libération en 1944/1945. Face à lui, un pouvoir, minoritaire dans la société et dont la base sociale est celle de la droite, qui veut l’abattre. L’enjeu de la lutte, au-delà de la bataille sur les retraites, est la démocratie sociale française.

D/ L’importance et la complexité du débouché politique, les initiatives du PCF

Le mouvement est en train d’entrer dans une nouvelle phase, avec le début de la procédure législative, que le gouvernement souhaite accélérer au maximum. Le projet de loi est présenté au conseil des ministres le 24 janvier et sera débattu à l’assemblée nationale en février et au Sénat en mars.

La question déterminante désormais est celle du débouché politique à gauche, pour renforcer la dynamique des combats en cours. La gauche française (qui représente électoralement 30% de la population lors des élections présidentielle et législatives de 2017 puis des élections européennes de 2019) est atomisée et les désaccords en son sein sont nombreux. Elle reste marquée par la panne de perspective globale due au bilan désastreux et destructeur de François Hollande au pouvoir entre 2012 et 2017. La question d’un débouché politique est donc complexe. L’enjeu est cependant d’une importance cruciale, car, faute de débouché politique, le mouvement social peut très bien entraîner, par réaction, une répression réactionnaire, voire enclencher une dynamique qui porterait l’extrême-droite au pouvoir en 2022 lors de la prochaine élection présidentielle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Marine Le Pen a choisi cette période pour déclarer sa candidature à cette élection.

De plus, le pouvoir de Macron connaît une perte de légitimité très importante. Il est arrivé au pouvoir suite à un coup de force, en 2017, de la technocratie d’Etat organiquement liée au monde de la finance qui a fait le choix de dynamiter ses outils politiques traditionnels et les partis d’alternance (droite/social-démocratie) pour prendre en mains les leviers du pouvoir politique et mener un projet de destruction de l’Etat social français d’une part et chercher à résoudre la crise d’hégémonie prolongée dans laquelle se trouve la bourgeoisie française depuis le référendum sur le traité de Maastricht de 1992 d’autre part. Il est désormais clair que cette crise d’hégémonie prolongée trouve maintenant un nouveau développement, à travers la démonétisation accélérée du macronisme et du gouvernement.

La reconstruction d’une perspective politique à vocation majoritaire à gauche est donc absolument cruciale et urgente dans ce contexte. Le PCF prend une part déterminante dans l’ambition de construire un débouché politique connecté au mouvement social en développant plusieurs actions : le renforcement des relations avec tous les syndicats engagés d’une manière ou d’une autre dans le mouvement et en prenant plusieurs initiatives pour réinscrire la gauche dans le débat public, et pour la rassembler, dans des initiatives politiques larges et au Parlement, en faisant des propositions à toute la gauche, de l’extrême-gauche et de la France Insoumise à la social-démocratie.

Le PCF a pris l’initiative de réunir, le 11 décembre, dans une réunion publique, les principaux représentants des courants politiques de la gauche, de la France Insoumise au Parti socialiste, en passant par les écologistes et d’autres plus petites organisations. C’était la première initiative de ce type, à un niveau national, depuis longtemps.

Une pétition a été lancée (https://lapetitionretraite.fr/) pour demander le retrait total de la réforme.

La question de l’alternative concrète est posée : les députés communistes vont déposer une proposition de loi pour une autre réforme des retraites, fondé sur l’augmentation des recettes, la justice sociale par l’augmentation des salaires et l’égalité entre femmes et hommes, la mise à contribution de revenus financiers chaque année plus faramineux, un autre modèle de développement à même de créer des richesses tout en répondant aux urgences sociale et écologique. 

Le 22 janvier, une douzaine de formations de gauche publient « Plate-forme commune des forces de gauche et écologistes », regroupant une douzaine de formations (sans la France Insoumise). Ce document, sans dissimuler les débats subsistant, met en avant six piliers pour de nouveaux droits et six pistes de financement nouvelles. Ce texte a de nombreuses insuffisances mais il montre, pour la première fois depuis 2017 et l’arrivée de Macron au pouvoir, qu’un pas a été franchi pour essayer de sortir la gauche de la paralysie dans laquelle elle se trouve. Il reste un travail considérable à mener mais il s’agit d’une première base. La France Insoumise a décidé de ne pas s’associer à cette recherche de débouché politique à gauche.

Les députés PCF ont pris l'initiative de déposer lundi 17 février une motion référendaire[1] à l'Assemblée nationale ; nous portons l'exigence que le peuple, par référendum, décide du sort du projet Macron et tout en continuant de porter le fer sur le contenu de la réforme gouvernementale et d'y opposer une autre vision de la société, en phase avec la mobilisation actuelle, avec nos propositions pour une autre réforme qui renforce un système de retraites solidaire, juste et universel. Nous nous engageons dans une bataille de longue durée qui allie enjeux sociaux et démocratiques, et lançons une campagne le 10 février avec du matériel militant pour l'animer dans tout le pays.

La France entre une crise politique et sociale de longue durée qui va connaître de multiples rebondissements sur le terrain des luttes et sur le terrain électoral. La première échéance électorale sera les élections municipales, qui se tiennent le 15 et le 22 mars. Ces élections seront particulièrement importantes pour trois raisons, pour le pays et pour le PCF : parce que les communes jouent un rôle fondamental dans la construction politique française, parce que le scrutin fixera les rapports de forces politiques pour la seconde partie du quinquennat d’Emmanuel Macron, parce que le PCF dirige aujourd’hui 400 communes, dont deux de plus 100000 habitants (Saint-Denis et Montreuil dans la banlieue parisienne). Les configurations seront très diverses dans les différentes villes (liste de toute la gauche, liste de rassemblement partiel…) mais le PCF a engagé partout une démarche de rassemblement sur des projets municipaux.

 

[1]                    [1] Motion demandant au président de la République l’organisation d’un référendum. Le référendum est une prérogative du président de la République, qui décide de son organisation sur proposition du premier ministre ou des deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat).

source :  http://www.solidnet.org/article/French-CP-Note-on-the-social-movement-in-France/

Tag(s) : #PCF, #Communiste

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