le 28 November 2019
Juillet 2013, sur manigance du gouvernement des Etats-Unis lancé à la poursuite du lanceur d'alerte Edward Snowden, un avion présidentiel de retour d'un voyage officiel en Russie est contraint de se poser d'urgence à Vienne pour être fouillé de fond en comble, et ce après que quatre pays européens, dont la France, lui ont refusé le survol de leur territoire. L'avion posé, la police autrichienne investit l'appareil pour n'y rien trouver, évidemment, mais le mal est fait – l'Occident a humilié à la face du monde un chef d'Etat démocratiquement élu, Evo Morales, comme jamais il ne le ferait avec l'un des siens. Paris présentera officiellement ses excuses mais que retenir de cette manœuvre et de la connivence des capitales européennes lorsque six ans plus tard, elles se refusent à condamner le «coup d'Etat le plus astucieux et le plus odieux»1 par lequel opposition politique à Evo Morales, police et armée, ardemment appuyées par l'Administration Trump, ont visé le régime démocratique bolivien après trois semaines de violences de rue (et alors même qu'il venait d'annoncer le recours aux urnes pour mettre un terme à la crise issue du scrutin du 20 octobre)?
J'en retiens, comme nous tous, l'arrogance insupportable, la lâcheté et la politique à géométrie variable – pour ne pas dire «à la gueule du client» – des dirigeants de pays prétendant se poser en modèle universel mais qui n'ont d'autres stratégies que de préserver les logiques de domination existantes.
Depuis le 10 novembre, le peuple bolivien exprime aux quatre coins du pays son opposition résolue à toute tentative d'instauration d'une dictature fasciste et raciste; le peuple bolivien compte ses morts et blessés mais ne plie ni ne rompt.
Par contre, l'absence de réaction, au mieux, et, au pire, la reconnaissance de facto ou affirmée de Jeanine Áñez comme présidente par intérim autoproclamée dans un Parlement – dont le quorum n'était pas réuni –, signera sans doute pour les historiens du siècle à venir l'erreur fatale de la domination occidentale des relations internationales. Mais fallait-il, faut-il, que le peuple bolivien en paie le prix? Qu'un gouvernement comme celui de la France, sixième puissance économique mondiale, soit incapable de reconnaître un coup d'Etat lorsqu'il surgit disqualifie définitivement l'hégémonie occidentale déjà contestée tout comme sa conception hiérarchique et élitiste de l'ordre mondial.
Le devoir politique de tout démocrate, dans quelque pays que ce soit, est de manifester sa pleine solidarité avec la République plurinationale de Bolivie, le peuple bolivien, les populations indigènes, les paysans producteurs de coca en lutte depuis des décennies contre les trafiquants et l'impérialisme étasunien.
Ne nous y trompons pas, messieurs Macron et Le Drian, l'heure n'est plus à choisir pour ou contre Morales – celui dont les gouvernements ont sorti leur peuple de la misère – mais pour ou contre l'Etat de droit et la démocratie, c'est-à-dire la pleine liberté pour les Boliviens, sans aucune discrimination, comme pour nous toutes et tous partout, de déterminer le sens de la société qu'ils bâtissent et de choisir leurs représentants et responsables politiques. Car l'accord, intervenu et voté le 23 novembre au Parlement, doit encore garantir des élections libres, démocratiques et transparentes.
La France, l'Union européenne par leurs faux-fuyants ont rendu possible ce chaos dans lequel se débattent des femmes et des hommes sur lesquels des balles réelles sont tirées pour les stopper. Tous ces morts pour une centrale nucléaire, messieurs? Certes, en France aussi, la contestation coûte cher mais pour l'humanité, une vie supprimée en Bolivie n'a pas moins de valeur qu'un œil ou une vie arrachés en France.
Le Parti communiste français (PCF) exige à présent que le gouvernement français se place à la hauteur de la réaction exigée face aux crimes qui se déroulent en Bolivie. Seul le secrétaire général de l'ONU, et c'est tout à son honneur que d'avoir agi en toute indépendance, a pris la mesure de la nature de l'affrontement qui se joue en Bolivie et de l'entreprise dans laquelle est engagée l'Administration Trump, à la suite de ses prédécesseurs.
Les communistes comme l'ensemble des démocrates de notre pays ne ménageront aucun effort pour faire grandir la solidarité internationale à même de contraindre les autorités françaises et européennes à apporter aux peuples de Bolivie leur plein et actif soutien dans leur combat contre le fascisme.
Lydia SAMARBAKHSH
Membre du Comité exécutif national du PCF, chargée de l'International
Tribune parue dans l'Humanité du 26 novembre 2019
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