Il est temps d'agir et de s'engager à mettre en œuvre l'accord de paix
Conseil politique national
Un an après le début du mandat de quatre ans du Président Iván Duque Márquez, nous devons exprimer notre profonde préoccupation face à l'état critique de la mise en œuvre de l'Accord de paix, et réitérer qu'il existe une énorme distance entre le discours présidentiel sur son engagement à respecter ce qui a été convenu dans les accords de La Havane et les pratiques et exécutions du gouvernement.
Outre les tentatives répétées de réviser des aspects substantiels de l'Accord, comme en témoignent les objections présidentielles infructueuses à la loi statutaire de la JEP, il est évident qu'il s'agit de briser son intégrité en la privant de son potentiel transformateur, en particulier dans les points nodaux de réforme rurale intégrale, de participation politique et d'ouverture démocratique, et dans la solution au problème de la drogue illicite. Dans ces domaines, l'ignorance, l'inaction, la paralysie et même la régression, comme dans le cas de la politique de substitution volontaire des cultures illicites.
Le gouvernement Duque se trompe lorsqu'il considère que l'accord de paix peut être simplifié, entre autres, d'abord par la comparution d'anciens membres des FARC-EP devant la JEP exerçant sur lui des pressions indues pour obtenir sanction et sanction ; ensuite par une réintégration socio-économique par des projets moins ambitieux et productifs ; et troisièmement, à la réduction de l'IRR aux Programmes de Développement à Approche Territoriale - PDET en fonction de sa politique de stabilisation et de consolidation territoriale, ainsi qu'à la modification du contenu et des objectifs initiaux du Fonds Foncier, à la formalisation des petites et moyennes propriétés, et au cadastre multifonction.
Une fois de plus, nous devons affirmer que les réformes contenues dans l'Accord de paix ont été conçues pour l'ensemble de la société colombienne et, surtout, pour favoriser les intérêts et les conditions de vie et de travail des humbles et des dépossédés, plutôt que des budgets de mise en œuvre intégrés et synchrones. De même, qu'une réincorporation réussie, en plus de garantir la préservation de l'expérience de guérilla de la vie communautaire, est basée sur les budgets mentionnés ci-dessus.
Aujourd'hui, nous devons réaffirmer notre rejet de la politique de mise en œuvre contenue dans le Plan national de développement, car elle ouvre davantage la porte à la consommation de la perfidie. Dans le même sens, nous attirons l'attention sur le financement de la mise en œuvre ; au lieu d'être convaincante, elle suscite des doutes majeurs car elle ressemble à une simulation calculée et arbitraire de l'allocation des ressources.
Nous percevons que les garanties nécessaires à la réincorporation intégrale ne sont pas données. A la continuité en prison de près de 400 de nos ex-combattants et ex-combattants de la guérilla, du fait d'une fermeture non résolue des listes de nos membres, s'ajoute la loquacité des hauts responsables gouvernementaux qui remettent sans cesse en question nos engagements à respecter l'Accord, et surtout l'absence de garanties pour la préservation de nos vies, comme en témoigne le meurtre de 143 de nos hommes et femmes. Sur ce dernier point, bien que nous reconnaissions les efforts annoncés par le Gouvernement, nous considérons qu'il s'agit là de mesures et d'actions insuffisantes, expliquées en partie par la non-application intrégrale du point 3.4 de l'Accord de paix sur les garanties de sécurité, qui constitue également un véritable système pour lutter contre l'assassinat systématique des leaders sociaux.
Nous voudrions exprimer notre gratitude à ceux qui, dans divers secteurs de la société et au Congrès de la République, nous ont accompagnés dans la défense de la paix et l'application des accords. Nous sommes convaincus que l'appui social et citoyen croissant aura la capacité d'empêcher que l'effort collectif visant à construire une paix stable et durable n'engendre la frustration. Notre reconnaissance aux pays garants, Cuba et la Norvège pour leur accompagnement constant, à la deuxième mission des Nations Unies pour un important travail de vérification, aux agences des Nations Unies et à l'Union européenne pour leur accompagnement financier à la réincorporation.
Nous exhortons le Président Duque à cesser d'user inutilement ses objectifs de révision et de limitation de l'Accord de paix, et à s'employer plutôt à combler le fossé entre le discours de l'engagement en faveur de la paix et de sa mise en œuvre et ses maigres réalisations dans ce domaine jusqu'ici connues. Nous vous exhortons également à reprendre les pourparlers avec l'ELN afin de faire de l'air commun de paix totale une réalité.
Conseil politique national
Bogota, 7 août 2019.