LORSQUE nous, les Cubains, voyons un pays entier subir l'agression persistante d'un autre —sans déclaration de guerre préalable—, beaucoup d'entre nous se souviennent de la pratique utilisée par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale
Auteur: Mauricio Escuela | informacion@granma.cu
22 mai 2019 17:05:01

Le sabotage du cargo français La Coubre fut l'une des actions les plus cruelles perpétrées contre le peuple cubain. Photo: Granma Archive
LORSQUE nous, les Cubains, voyons un pays entier subir l'agression persistante d'un autre —sans déclaration de guerre préalable—, beaucoup d'entre nous se souviennent de la pratique utilisée par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, qui balayait les principes humains les plus élémentaires et plaçait avant tout l'intérêt expansionniste et impérial.
Ma génération n'a pas vécu des moments de batailles mémorables comme celles de Playa de Giron, la Crise des missiles ou la lutte contre les bandes contre-révolutionnaires dans les montagnes de l'Escambray, des références nous parviennent comme des échos dans le temps, des échos que certains, à l’étranger, s’obstinent à pervertir pour nous empêcher de tirer les leçons de courage et de patriotisme qu'elles nous offrent. Cette guerre, dans laquelle toutes sortes de tactiques ont été essayées contre Cuba, nous a touchés de plus près quand nous étions enfants et, à la télévision, nous avons vu tant de nos compatriotes s'agiter et pleurer avec rage et dignité en racontant les souffrances causées par l'Empire.
De cet épisode appelé « La demande de Cuba », est né non seulement l'immense procès télévisé, mais aussi un livre qui explique clairement comment, quelles que soient les positions idéologiques, de nombreux Cubains furent victimes de l’acharnement d'un empire contre un petit pays, dans une tranchée où les agresseurs continuent à agir en toute impunité en maniant en même temps mensonges ou demi-vérités.
ILS LE DISENT EUX-MÊMES
Une loi comme la Loi de Réforme agraire, signée par Fidel Castro quelques mois après le triomphe de la Révolution en 1959, qui avait pour but d'autonomiser le peuple et de briser le cycle de la dépendance interne et externe, fut le détonateur de la guerre secrète. Le sucre et le pays étaient étroitement liés, ce que savaient très bien les « tanks pensants » qui tenaient les rênes de la Cuba pré-révolutionnaire.
La CIA et le Département d'État détiennent, parmi les nombreux rapports déclassifiés depuis lors, le « Programme d'action secrète contre le régime de Castro », approuvé le 17 mars 1960 par le président Dwight D. Eisenhower. Dans ce document, ils affirment eux-mêmes qu'ils ne toléreraient pas qu'un gouvernement cubain aille à l'encontre de leurs intérêts et que, par conséquent, les États-Unis autorisaient « la création et la gestion à Cuba d’une organisation chargée d’actions secrètes et d’opérations de renseignements », en vue de quoi des fonds seraient débloqués. L'objectif : miner la confiance du peuple dans ses dirigeants et fabriquer un casus belli pour une intervention nord-américaine.
Il en découle que la peur et la confusion engendrées par l'état de guerre et l'insécurité seraient l'alibi parfait pour, au nom du peuple cubain et des intérêts de la région, lancer un appel hypocrite à la paix sur l'Île, et pour diriger un contingent de troupes de l'Organisation des États américains (OEA) contre le naissant gouvernement cubain. Le canular n'est pas original et nous l'avons vu dans les plus récentes aventures guerrières de l'empire au Moyen-Orient, par exemple.
L'un des documents déclassifiés précise que l'autre plan, approuvé très tôt, fut le « Projet Cuba » du 18 janvier 1962, approuvé par les plus hautes autorités du gouvernement étasunien et le Groupe spécial élargi du Conseil national de sécurité. Ici, 32 tâches de guerre secrète contre Cuba étaient définies, qui allaient se concrétiser par la suite.
Outre l'effet psychologique de la panique et de l'insécurité, on s'attendait à une paralysie de l'économie cubaine, surtout après le sabotage de l'industrie sucrière et le blocage de ses exportations, car l'empire pensait que le peuple lui-même ne tarderait pas à considérer Fidel Castro comme la cause de ses maux.
Si le sucre et le pays marchaient la main dans la main, tout devait s’arrêter à partir de ces plans, jusqu'à ce que les Yankees remettent les machines en marche, comme c'était l'usage à l’époque de la pseudo-république.
LE DÉCLENCHEMENT DE LA GUERRE
Un objectif était clair : ruiner la récolte de 1960. C'est pourquoi les attaques se sont concentrées principalement sur les centres urbains d'ouvriers et les usines. Le 12 janvier, 500 000 arrobas de canne à sucre furent brûlées par des avions ennemis dans la province de La Havane. Le 30, plus de 50 000 arrobas furent perdues à la sucrerie Chaparra, dans l'est du pays, et le 1er février, plus de 100 000 arrobas partirent en fumée à Matanzas.
Le record fut battu le 7 février de la même année, lorsqu'un seul avion mit le feu à 1,5 million d'arrobas de canne dans les usines de Violeta, Florida, Céspedes et Estrella, dans la province de Camagüey. Les attaques contre les civils se multipliaient pour décourager le travail et la productivité, de sorte que le 21 janvier 1960, un avion largua des bombes incendiaires sur Cojimar et Regla, dans la province de La Havane.
Ce banditisme armé, qui veut aujourd'hui se présenter comme une sorte d'armée héroïque, utilisa les mêmes tactiques paramilitaires que nous avons vues plus tard dans les différentes contre-guérillas en Amérique latine (comme en Colombie par exemple), surtout l'intimidation, la terreur et la violence, afin d'atomiser la cohésion de la paysannerie autour du projet social du gouvernement révolutionnaire.
Cette escalade atteignit son apogée en avril 1961, lorsqu'une opération combinée de guerre frontale, de guérilla et de quatrième génération (désinformation) fut dirigée contre l'Île avec comme tête de pont le sud de la province de Matanzas. Marcher rapidement sur la capital, pendant qu’un « gouvernement provisoire » était transféré de Miami, tel était le plan prévu, qui fut déjoué en moins de 72 heures grâce à la résistance de la jeune armée cubaine et au rôle décisif de Fidel et du peuple lui-même, qui savait très bien de quoi il retournait et ce qui l’attendait s'il tombait entre les mains des mercenaires et des criminels bradeurs de patrie.
Le banditisme, qui fit de nombreuses victimes civiles (notamment parmi les jeunes alphabétiseurs), dura jusqu'en 1965, lorsqu’il fut défait moralement et militairement en raison de l'infaisabilité de son scénario terroriste dans une société éprise de paix et de stabilité.
À la suite de sa défaite frontale, l’ennemi opta pour le harcèlement des civils qui sympathisaient avec le socialisme ou qui, voulaient tout simplement vivre en paix dans leur pays.
Le détournement d'avions civils s’imposa comme une tendance du terrorisme mondial à partir des tactiques de la CIA contre Cuba, avec son point le plus grave le 6 octobre 1976, lorsque 73 personnes périrent lors du sabotage d’un avion de ligne cubain au large des côtes de la Barbade. Ce n’est pas le seul attentat perpétré contre un aéronef. Ce genre de sabotage s’inscrivait dans ce qu'Orlando Bosch lui-même, le commanditaire des attentats, qualifia de guerre, dans laquelle « tous les moyens sont bons ».
Dans cette longue série d’attentats, non seulement des Cubains sont morts, mais aussi des civils d'autres pays. La lâcheté de ces actions réside précisément dans le fait qu'elles ont presque toutes été commises contre des civils.
LA LÉGITIMITÉ DE LA DEMANDE
Lorsqu’on cherche à présenter l'activation de la Loi Helms-Burton contre Cuba comme une prétendue justice face aux nationalisations de biens - elles furent effectuées dans le respect total du Droit international - de citoyens nord-américains au début de la Révolution, le lourd bilan des pertes subies pendant ces 60 dernières années ne saurait être oublié.
La demande de Cuba se fonde sur les dommages intérêts suivants infligés à des innocents : 3 478 morts, 2 099 handicapés à vie et un total de 181,1 milliards de dollars US en dommages matériels résultant d'attaques et de sanctions économiques. Le Droit positif cubain établit également comme condition la rétractation morale et la reconnaissance de la culpabilité des États-Unis.
Dans la mesure où elle s'inscrit dans une guerre non déclarée, contraire aux normes internationales en vigueur, la terreur contre Cuba entraîne une série de compensations légitimes dans le domaine du Droit.
Ainsi, du 31 mai 1999 à ce jour, aucune administration de la Maison-Blanche n'a répondu à la demande transmise par la voie diplomatique.
Mais les souffrances, la résistance et la dignité des Cubains nous ont montré depuis lors que ce peuple, énergique et viril, ferait trembler l'injustice autant de fois qu'il le faudrait, montrerait le vrai visage du mal, tout en défendant, avant tout, la vérité et la raison.
source : http://fr.granma.cu/cuba/2019-05-22/la-demande-de-cuba-face-a-la-guerre-qui-nous-est-imposee