Par Armando Reyes*
Beyrouth, (Prensa Latina)Une réunion récente entre le président des Etats-Unis, Donald Trump, et des représentants de l’industrie nucléaire a mis en évidence les inquiétudes qui se font jour au sujet d'une course éventuelle aux armes atomiques au Moyen Orient, apprend-on à Beyrouth.
En mettant en avant sa consigne "L'Amérique d'abord", Trump tente d'empêcher que la Russie, la Chine ou la Corée du Sud n'obtiennent un contrat de la part de l'Arabie Saoudite pour des investissements dans ce secteur.
Les propos du président nord-américain ont fait surgir des soupçons sur la possibilité que Riad s'intéresse à la fabrication d'armes nucléaires et fasse donc les efforts nécessaires pour en obtenir.
Face à une telle question, et prenant en considération l'avis des experts en sécurité sur le transfert de technologie, Mohammed YavadZarif, le ministre des Affaires Etrangères iranien, a réagi en déclarant sur son site internet que: " Chaque jour qui passe, il devient plus clair pour le monde entier ce qui a toujours été très clair pour nous, à savoir que ni les droits de l'Homme, ni les programmes nucléaires n'ont jamais été la véritable préoccupation des États-Unis".
"Et", souligne-t-il, " l'assassinat et le démembrement d'un journaliste, pour commencer, et, maintenant, la vente illégale de technologie nucléaire à l'Arabie Saoudite, font apparaître de manière évidente ce qui aurait dû être toujours clair pour tous".
Telle a été la réaction de Zarif en apprenant le contenu d'une intervention des démocrates au Congrès nord-américain, intervention qui, d'ailleurs, a aussi sonné le branle-bas de combat au Liban quand on a appris l'éventualité de tractations menées par certains personnages-clef du gouvernement de Trump qui seraient intéressés par la vente de centrales nucléaires aux saoudiens.
Ces craintes sont dues au fait que le royaume d'Arabie Saoudite aurait alors la capacité de produire des armes nucléaires, ce qui relancerait la course aux armements de ce type dans tout le Moyen Orient.
Le précédent existe. C'est la possession de l'arme atomique par Israël, l'un des secrets les moins bien gardés qui soient. Tel Aviv a donc déjà cette arme pointée sur le monde arabe; et bien au-delà, tant est grand le désir du gouvernement israélien d'intimider ceux qu'il considère comme ses ennemis.
Le royaume saoudien prétend qu'il achète des centrales nucléaires afin de diversifier ses sources d'énergie, bien que l'histoire du pays prouve que telle n'est pas la véritable raison.
En effet, dans les années 1980, le général Khalid bin Sultan bin Abdul Aziz s'était déjà rendu à l'étranger pour acheter des missiles de moyenne portée capables de transporter des ogives nucléaires, chimiques ou biologiques et il avait effectué ce voyage sans en informer les États-Unis.
"Ma tâche était d'imaginer un stratagème approprié pour camoufler cet achat et de choisir une équipe de représentants officiels et de techniciens qui seraient ensuite formés tant en Arabie Saoudite qu'en Chine", révéla celui qui était, à l'époque, le ministre de la Défense du royaume.
Cet épisode (qui s'ajoute aux faits entourant l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à l'intérieur du consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul) a rendu sensiblement plus compliqué le projet imaginé par les nord-américains pour doter les saoudiens de centrales nucléaires.
Les accords entre les deux pays concernant cette transaction, qui s'élève à quelques 80 milliards de dollars, prouvent de manière irréfutable que Trump fait passer sa convoitise bien avant son souci de sécurité pour la région, et même pour le monde.
Si ces accords venaient à se réaliser, ils auraient pour conséquence une augmentation des postes d'emploi aux États-Unis et un soutien accru de l'opinion pour les partisans du slogan "L'Amérique d'Abord".
Toutefois, les récentes critiques envers l'Arabie Saoudite et la méfiance qu'elle suscite auprès du Congrès et des membres du renseignement à la suite de l'assassinat de Khashoggi, ainsi que la manière dont le royaume mène la guerre du Yémen, empêcheront peut-être Washington de faire aboutir les plans échafaudés par Riad pour que l'Arabie Saoudite construise du combustible nucléaire par ses propres moyens.
L'insistance de l'Arabie Saoudite a alimenté la crainte que le pays n'utilise ses capacités autrement que prévu, c'est-à-dire dans un effort pour promouvoir ses intentions militaires et émuler son grand rival: l'Iran.
Ce type de craintes, conjointement au programme balistique développé par les iraniens, a eu pour conséquence la signature d'un traité international (duquel Washington s'est retiré mais qui était parvenu à freiner le programme nucléaire de la République Islamique, programme que, d'ailleurs, Téhéran a toujours affirmé n'être que pacifique).
Si le gouvernement nord-américain n'a pas encore violé ("stricto sensu") les règles régissant l'exportation de matériel nucléaire, il n'est pas impossible, étant donné l'ambition de Donald Trump, que le généreux accord passé avec l'Arabie Saoudite ne le fasse changer d'avis.
Pour franchir ce pas, le président américain (qui refuse de prendre des sanctions contre le royaume saoudien pour son attitude dans l'affaire Khashoggi) utilisera peut-être l'excuse que, s'il ne respecte pas l'accord nucléaire qu'il a passé avec l'Arabie Saoudite, d'autres, comme la Chine, la Russie ou la Corée du Sud prendront sa place.
*Correspondant de Prensa Latina au Liban.
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source :
http://frances.prensa-latina.cu/index.php?option=com_content&view=article&id=881926:inquietudes-au-sujet-de-la-course-aux-armes-nucleaires-au-moyen-orient&opcion=pl-ver-noticia&catid=69&Itemid=101