
le 14 February 2018
Le congrès du Parti démocratique des peuples (HDP) s’est tenu le 11 février 2018 à Ankara dans un climat d’extrême tension pour les forces démocratiques. Deux jours avant, dix-sept personnalités du HDP, dont la coprésidente Serpil Kemalbay, avaient été arrêtées tandis que ses prédécesseurs, S.Demirtas et F.Yüksekdag, croupissent depuis des mois dans les geôles risquant plusieurs centaines d’années de prison. Ce congrès leur a rendu un vibrant hommage dans une démonstration de mobilisation et d’unité réunissant 32 000 participants.
Les congressistes ont dénoncé l’instauration d’un régime islamo-fasciste résultant d’une synthèse entre l’AKP et l’extrême droite. Les institutions ont été vidées de leur sens et tous les mécanismes de contrôle supprimés. La répression s’est amplifiée après la tentative avortée du coup d’État et le référendum, établissant un régime présidentiel, conduisant au limogeage de leur emploi de 150 000 personnes et à l’incarcération de 55 000 journalistes, intellectuels, militants kurdes et opposants divers, tous qualifiés de «traîtres» ou de «terroristes». La polarisation qu’Erdogan a imposée provoque une fragmentation, une désintégration et une radicalisation de la société où toute expression du dissensus politique est interdite et dont l’objectif vise à marginaliser toute forme d’opposition démocratique.
Depuis trois semaines, la Turquie a lancé une offensive contre le canton d’Êfrin, dans le nord de la Syrie, avec l’objectif illusoire d’éliminer militairement et politiquement les forces progressistes des FDS qui ont été le fer de lance de la lutte contre Daech. Ankara profite des contradictions des alliés pour empêcher l’unification du Rojava et réinstaller dans la région ses supplétifs islamistes du groupe Tahrir al-Cham (Al-Qaïda). La violence de cette agression, exacerbée par une rhétorique nationaliste, destinée à un électorat fanatisé, a des conséquences humaines et politiques dramatiques. On dénombre près de 200 victimes et des centaines de blessés. Cette aventure criminelle ouvre par ailleurs un nouveau chapitre de la guerre, dans une Syrie déjà meurtrie, lourd de danger pour le Moyen-Orient et le monde dont témoigne l’escalade de cette fin de semaine. L’horreur a atteint un paroxysme lorsque des djihadistes ont atrocement mutilé la combattante kurde Barine Kobanê exhibant son corps dans un jeu morbide. Ces criminels font parade de leur forfait et les filment pour en faire une infâme publicité. L’offensive turque est une métastase du cancer de Daech et de la logique de puissance à l’œuvre.
La France, l’Union européenne, les États-Unis, les membres de la coalition et les Nations unies portent une lourde responsabilité dans cette situation. Leur silence et leur connivence crucifient nos alliés kurdes, comme l’a rappelé à la tribune du congrès Pierre Laurent qui conduisait une délégation du PCF(1). Pour lui, la France et l’UE doivent faire preuve de courage pour dénoncer les limogeages, les emprisonnements de démocrates et des militants du HDP, les révocations et les incarcérations des parlementaires et des maires du Parti démocratique des peuples. La France et l’UE doivent user de leur influence pour exiger l’arrêt des opérations militaires à Êfrin et le retrait immédiat de l’armée turque. Des mesures de contraintes doivent désormais s’exercer contre ce régime que l’on doit considérer, sans ambiguïté, comme une dictature.
Chaleureusement accueilli par Pervin Budan et Sezai Temelli, les nouveaux coprésidents, Pierre Laurent a tenu à rappeler que le HDP est un exemple de courage et de détermination. Il a exprimé, dans ces circonstances difficiles, le soutien total des communistes au HDP et au peuple kurde qui constituent la force motrice d’une paix durable dans la région.
Pascal Torre
secteur international du PCF
article paru dans Communistes du 14 février 2018