Les ouvriers sud-africains affiliés aux différents syndicats du pays ont organisé, mercredi, des manifestations à travers le pays pour demander une action sérieuse contre la corruption, une initiative qui renforce l’isolement du Président Jacob Zuma, accusé de «promouvoir» le clientélisme dans cette nation arc-en-ciel en perte de vitesse.
Dans les chefs-lieux des neuf provinces du pays, les ouvriers, joints par des citoyens ordinaires, des politiciens et des acteurs de la société civile, sont descendus dans les rues pour dénoncer la corruption qui s’empare des appareils de l’État.
Cosatu, la puissante centrale syndicale qui a appelé à ce mouvement social avec le soutien du Parti communiste, qualifie cette corruption de «véritable cancer» qui gangrène le pays et sape tout effort visant à libérer le peuple de la pauvreté, du chômage et de la marginalisation.
Les analystes estiment que les manifestations de mercredi montrent à quel point les relations entre le Président Zuma et la centrale du Cosatu se sont détériorées. Il s’agit d’un développement d’une grande importance, sachant que Cosatu avait joué un rôle crucial pour aider Zuma à prendre les commandes de l’ANC et du pays en 2007-2008.
Les relations entre Cosatu et Zuma ont atteint le point de non-retour au début de l’année en cours, quand le chef de l’État a limogé le ministre des Finances, Pravin Gordhan, une initiative qui a conduit à la dégradation de la note souveraine du pays, sapant, par la même occasion, la confiance des investisseurs.
La décision de la centrale de se retourner contre Zuma pèse lourd, estiment les analystes, rappelant que Cosatu est considérée, avec le Parti communiste, comme un pilier majeur de l’alliance tripartite ayant permis au parti de Nelson Mandela de se maintenir au pouvoir depuis la fin officielle du régime de l’apartheid en 1994. De Johannesburg au Cap, en passant par Durban et d’autres villes sud-africaines, les manifestants parlaient d’une seule voix, celle de la colère généralisée contre la propagation des pratiques corrompues. Les manifestants brandissaient des banderoles appelant au départ du Président Zuma, accusé d’implication dans plusieurs scandales politico-financiers, y compris des liens douteux avec les Gupta, une famille de richissimes hommes d’affaires d’origine indienne. Un rapport officiel publié en 2016 et rédigé par l’ancienne médiatrice de la République, Thuli Madonsela, avait exhorté le parquet et la police à enquêter sur de possibles «crimes» de corruption commis au sommet de l’État sud-africain.
Intitulé «State of Capture» (prise de contrôle délictueuse de l’État par des groupes proches du pouvoir), ce document de 355 pages étudie les soupçons d’influence de la sulfureuse famille Gupta sur le Président Zuma, au point de lui imposer la nomination de certains ministres pour favoriser leurs intérêts.
Les manifestations de mercredi visent à envoyer un message au gouvernement et au secteur privé que «les ouvriers et les citoyens sont fatigués de la corruption», a dit Bheki Ntshalintshali, secrétaire général du Cosatu, qui regroupe près de 2 millions d’affiliés.
Les observateurs s’attendent à ce que le retour de la classe ouvrière à la rue accentue les pressions sur le gouvernement dirigé par l’ANC à un moment où le pays est plombé par une profonde crise. La croissance économique demeure faible. Elle ne devra pas dépasser 0,6% cette année, selon les prévisions de la Banque mondiale. C’est un taux insuffisant pour un pays qui a besoin d’une croissance annuelle de 5% pour espérer réduire un chômage galopant qui plombe 27,7% de la population active, selon les chiffres officiels.
Sur le plan politique, l’heure est à l’incertitude. L’action sociale conduite par Cosatu intervient à trois mois seulement d’une conférence décisive que l’ANC tiendra en décembre prochain pour élire un nouveau leader en remplacement de Jacob Zuma.
La centrale syndicale avait déjà exprimé son soutien au vice-Président Cyril Ramaphosa. Ce dernier doit croiser le fer avec l’ancienne présidente de l’Union africaine et candidate préférée du Président Zuma, Nkosazana Dlamini-Zuma, pour décrocher le poste qui propulsera automatiquement son titulaire à la magistrature suprême à l’occasion des élections générales de 2019.
Pour Gary van Staden, analyste au cabinet NKC African Economics, les manifestations de mercredi peuvent aussi être interprétées comme une opposition à la candidature de Mme Dlamini-Zuma. «Ce mouvement social devra donner une forte impulsion à la candidature de M. Ramaphosa», estime l’analyste.
source: https://lematin.ma/journal/2017/jacob-zuma-s-rsquo-attire-les-foudres-des-syndicats/278793.html