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Espagne : des résultats électoraux qui doivent préparer l’opposition à une nouvelle vague d’austérité

30 Juin 2016

auteur:

Marc Botenga

Le parti de droite conservatrice Partido Popular (PP) a remporté les élections législatives espagnoles ce dimanche 26 juin. Le résultat de l’alliance progressiste Unidos Podemos est moins élevé que ce qu’annonçaient les sondages. Un électeur sur cinq a néanmoins voté pour une alternative à l’austérité.

Le PP du premier ministre sortant Mariano Rajoy a récolté un tiers des voix, tandis que l’alliance progressiste Unidos Podemos n’a obtenu que 21% des voix, un chiffre bien inférieur à ce qui avait été prédis par les sondages. Le fait qu’un électeur sur cinq ait voté pour une alternative à la politique d’austérité reste néanmoins encourageant. D’autant plus que Rajoy et l’Union européenne envisagent d’imposer un nouveau plan d’austérité à l’Espagne, un pays où un enfant sur trois est menacé par la pauvreté.

Une liste unique progressiste

Ce qui n’a pas marché il y a à peine six mois, lors des précédentes élections, a cette fois fonctionné. En réaction à la loyauté inconditionnelle du gouvernement espagnol envers la politique de l’Union européenne, les forces de gauche Podemos et Izquierda Unida (une coalition de partis, dont le Parti communiste) ont cette fois décidé de se présenter ensemble sur la liste unique Unidos Podemos (Ensemble, on peut). Malgré les différences, les deux groupes sont parvenus à élaborer un programme commun de cinquante points. Leur objectif : gouverner ensemble pour un véritable changement de cap.

Cette alliance de gauche a promis aux électeurs de relever le salaire minimum et d’annuler les réformes adoptées dans le cadre des réformes du marché du travail (l’équivalent de notre Loi Peeters, adoptée par les gouvernements précédents). Le programme défend également une réforme fiscale progressiste, l’indexation des pensions et le passage rapide à une énergie durable.

L’alliance de gauche veut en outre un changement de cap par rapport à l’Union européenne. Unidos Podemos espère donc une profonde réforme du Pacte de stabilité et de croissance et de la législation fiscale dans la zone euro. Ils veulent surtout se débarrasser du concept d’équilibre budgétaire structurel et stimuler des investissements publics adéquats. Le programme prévoit, entre autres, la démocratisation des institutions européennes et de la zone euro ainsi qu’une réforme de la Banque centrale européenne. Unidos Podemos réclame également un sommet européen sur la dette et une restructuration de celle-ci au niveau européen.

Loin du résultat escompté

Le commissaire européen Pierre Moscovici a reconnu avoir voulu influencer les élections

L’Union européenne ne voyant pas d’un bon œil le programme d’Unidos Podemos, elle a tenté de donner un petit coup de pouce aux conservateurs. Normalement, en suivant les règles, l’UE aurait dû sanctionner l’Espagne pour son déficit budgétaire trop élevé. L’appareil européen a donc exigé que de nouvelles mesures d’austérité soient prises le plus rapidement possible, mais a reporté l’application des sanctions à après les élections. Le commissaire européen Pierre Moscovici a reconnu avoir voulu influencer les élections et a déclaré que « tant sur le plan économique que sur le plan politique, ce n’était pas le moment d’appliquer cette mesure [sanctions] ». Selon les quotidiens El Mundo et The Wall Street Journal, derrière cette décision se cache la volonté de ne pas attiser un « populisme anti-Rajoy ». Autrement dit, en ajournant les sanctions, la Commission européenne a permis à Rajoy de déclarer durant sa campagne électorale « qu’il avait aidé à remettre le pays sur les rails ».

Malgré l’ingérence européenne, la liste unique de gauche Unidos Podemos était devenue, selon certains sondages, la deuxième liste plus importante du pays. Elle avait donc le potentiel de dépasser le parti social-démocrate PSOE. Mais finalement, le dépassement du PSOE n’a pas eu lieu, à la grande déception d’Unidos Podemos.

Même si cela en dit long sur la fiabilité des sondages, l’alliance progressiste veut connaître les raisons de cet échec. Par rapport aux précédentes élections tenues en décembre dernier, elle a perdu près d’un million de voix. Il semblerait qu’une participation moins importante aux élections, notamment de la part des jeunes, y soit pour quelque chose. Dans les médias, plusieurs explications différentes ont été suggérées. Les gens ont-ils été effrayés par la virulente anti-campagne menée par la droite ? Est-ce dû au Brexit ? Les électeurs sont-ils restés chez eux par lassitude ? Podemos a-t-il un peu perdu de son image radicale en voulant à tout prix participer au gouvernement ?

Pour Alberto Garzón, chef de file d’Izquierda Unida et membre du Parti communiste d’Espagne, « ce ne sont pas les résultats auxquels nous nous attendions, que ce soit pour nous ou pour le pays, mais nous n’en resterons pas là. Nous allons nous unir, nous mobiliser et continuer à lutter. Les 71 parlementaires d’Unidos Podemos continueront d’œuvrer pour améliorer le quotidien des gens et mettre en place les conditions qui nous permettront de remporter la victoire plus tard ».

Le vautour européen guette

Même l’agence de l’UE Eurofound a reconnu que les résultats économiques obtenus au terme de plusieurs années d’austérité étaient très moyens

Mais il va falloir se battre, car l’Union européenne attend avec impatience l’arrivée d’un nouveau gouvernement de droite, éventuellement avec le soutien du PSOE, pour pouvoir imposer de nouvelles mesures d’économie. Sous la pression de l’Europe, l’Espagne subit depuis des années une politique d’austérité et des réformes structurelles sévères dont les résultats sont tout sauf réjouissants. Les deux réformes du marché du travail ont exigé de nombreux sacrifices de la part des travailleurs leur promettant en échange une relance économique. Mais même l’agence de l’UE Eurofound a reconnu que les résultats économiques obtenus au terme de plusieurs années d’austérité étaient très moyens.

Les syndicats espagnols ont montré que l’assouplissement des mesures de licenciement n’a pas débouché sur la création de nouveaux emplois. L’affaiblissement du rôle des syndicats a entraîné une diminution des salaires, sans que cette modération salariale n’ait permis d’améliorer la compétitivité. Un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. La moitié des jeunes est sans emploi et, chaque semaine, des centaines de personnes sont expulsées de leur maison.

La lutte sera bien nécessaire. Les aspects positifs de la campagne électorale peuvent avoir un impact très positif sur le mouvement social espagnol. Dans une interview accordée au journal d’affaires britannique The Financial Times, Alberto Garzón a déclaré : « Si quelqu’un comme moi – un communiste républicain – devient le politicien le plus apprécié dans les sondages, cela signifie qu’il est en train de se produire quelque chose dans ce pays ». La pression d’en bas sera fondamentale pour pouvoir renverser les rapports de forces et tourner définitivement la page de la politique d’austérité et des réformes structurelles de l’Europe.

source: http://ptb.be/articles/espagne-des-resultats-electoraux-qui-doivent-preparer-l-opposition-une-nouvelle-vague-d

Tag(s) : #europe, #élections

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