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Auteur: Dilbert Reyes Rodriguez, | informacion@granma.cu
Auteur: envoyé spécial | informacion@granma.cu
17 juin 2016 16:06:10
Le radiologue Nicdael se sèche au soleil après avoir dans la même journée chargé et sauvé les médicaments destinés aux habitants de Maroa. Photo: Dilbert Reyes Rodríguez
SAN CARLOS DE RIO NEGRO, Venezuela.— Le village semble plus petit à la vue de l’immensité du port fluvial.
Depuis le long mur pavé de dalles surmonté d’une balustrade, on peut admirer le large courant du principal affluent de l’Amazone qui marque la frontière entre le Venezuela et la Colombie.
La sécheresse sévère qui frappe la région – elle sévit dans l’ensemble du pays depuis plusieurs mois – a fait baisser le niveau des eaux, et même si à vue d’œil le Rio Negro est toujours aussi imposant, de nombreux endroits sont hérissés de rochers et semés d’écueils à fleur d’eau.
C’est l’endroit le plus frais d’une petite ville desséchée par le soleil équatorial du début d’après-midi. Un bon prétexte pour aller faire une sieste à l’ombre d’un arbre vert près du mur, où depuis deux jours deux jeunes Cubaines viennent faire équipe à une table de domino sous les regards interloqués d’un membre de la Garde nationale, qui surveille le port, et du propriétaire d’un magasin.
« Vous êtes surpris les gars, pas vrai ? On aligne les raclées ? Ne déchantez pas, votre revanche sera pour la prochaine fois. Allez, on pioche et on passe son tour. Et on se dépêche un petit peu, s’il vous plaît, on ne va pas dormir ici. C’est bientôt l’heure de la reprise du travail », lance l’une des docteures en guise de plaisanterie, déclenchant les rires de petit groupe de spectateurs qui suivent la partie de ce jeu habituellement réservé aux hommes.
Lui, un docteur, et deux infirmiers ont déjà fait trois fois le voyage du CDI (Centre de diagnostic intégral) à la rive du fleuve avec les mêmes chaises roulantes dont ils s’étaient servis pour transporter les vivres acheminés par avion, et qu’ils utilisent à présent pour charrier des caisses.
« Ce sont les médicaments que nous utilisons à Maroa. Il y a tout ce qu’il faut : comprimés, injectables, sérums, y compris des pellicules pour les radiographies dont j’avais besoin pour mon travail… Le tout gratuit pour la population », signale le jeune technicien en radiographie Nicdael Borges, originaire du village cubain Amancio, dans la province de Las Tunas. Mais la polyvalence est de mise dans ces contrées reculées.
En peu de temps, il est devenu une véritable machine de travail. On le voit bouger dans tous les sens, toujours animé par la volonté d’aider, soucieux de rendre service à tous. Et lorsque vers 15 heures nous avons aperçu, au loin, à l’horizon, la silhouette de la barge chargée de caisses, il s’est précipité à la tête du groupe de jeunes qui apportaient des bouteilles de gaz : une d’oxygène et l’autre pour la cuisine. « Nous avons du charbon ! », s’exclame-t-il.
« Oui, c’est bien notre canot. Il faudra se serrer un peu. Peut-être faudra-t-il descendre quelques caisses pour faire de la place. Mais, cette fois, pour sûr que nous partons. Vous avez peur ? Rassurez-vous, c’est un voyage très instructif… », me lance-t-il avec son débit rapide.
La « Voladora » possède les dimensions d’une embarcation traditionnelle, mais elle est équipée un moteur hors-bord. À présent, elle nous semble plus petite sous le poids de sa cargaison de médicaments, de deux patients de retour à Moroa, deux bonbonnes de gaz, trois docteurs, le pilote et un journaliste apparu au dernier moment.
« Je crois que cela va faire trop de poids », réfléchit à haute voix le pilote en allumant le moteur. « Avec un peu de chance, nous arriverons en cinq heures », poursuit-il, nous obligeant malgré lui à un calcul mental rapide de la durée de la traversée de l’Amazone dans la nuit noire de la forêt équatoriale.
En raison du poids excessif, l’embarcation s’est retrouvée coincée au fond peu profond, et Niky, comme on appelle le radiologue, se charge de résoudre le problème. En homme des grandes situations, Il se jette à l’eau et dégage le canot d’une secousse.
Une fois installés, j’en profite pour l’interroger sur son expérience dans ces contrées. « Figurez-vous que j’ai passé un an à La Esmeralda, le principal village de la municipalité d’Alto Orinoco, où l’Orénoque prend sa source. J’accompagnais les Indiens jusque dans leurs villages, en pleine jungle, pour leur venir en aide, et j’en profitais aussi pour dénicher un peu de nourriture pour mes collègues du CDI », réplique-t-il en me décochant un clin d’œil malicieux.
« Je revenais toujours chargé de bananes, de tarots, de fruits, de tout ce qu’il y avait. Il se trouve que je ne peux pas rester sans rien faire, sans me sentir utile. La vie m’a donné cette énergie et, croyez-moi, il en faut beaucoup ici. »
Un détail interrompt momentanément notre conversation et Niky s’adresse au pilote, tandis que l’embarcation accélère et commence à tracer sur l’eau un sillon d’écume frémissante, et se met à slalomer pour éviter les rochers qui affleurent au milieu des eaux noires du fleuve.
« Voilà pourquoi on l’appelle le Rio Negro. L’eau contient beaucoup de minéraux, du fer, de l’or, pas mal d’or, même si on ne le dirait pas…. ». Tout à coup, le canot est secoué violemment jusqu’à nous faire perdre l’équilibre. Plusieurs caisses tombent, déclenchant l’alarme collective. Le moteur s’est détaché et a percuté le machiniste à la jambe. Et l’hélice n’est plus en contact avec l’eau. L’homme se remet debout avec peine et éteint le moteur. « M… je n’ai pas vu ce rocher ! », s’exclame-t-il en évaluant les dégâts. On a eu chaud, mais on s’en sort bien.
Absorbés par la préoccupation, personne ne s’était rendu compte que l’eau, qui commençait à inonder le bateau par la poupe, recouvrait déjà tout le fond de la coque. « Le bouchon s’est dévissé ! », a crié le pilote en tentant de boucher le trou avec son pied.
« Regardez, il est là-bas », s’est exclamé l’un des patients en pointant du doigt un objet noir qui flottait à une vingtaine de mètres de la barge, emporté par le courant.
« Il faut absolument le récupérer, autrement on pourrait se retrouver dans un sacré pétrin », lance le machiniste, mais le bruit d’un plongeon l’interrompt.
Juste là où se trouvait Niky, le radiologue « homme à tout faire » d’Amancio, sur la caisse de médicaments, il y avait une montre et un téléphone portable…
source:http://fr.granma.cu/mundo/2016-06-17/niky-ou-lhomme-a-tout-faire