Le dernier village au sud
Près de deux heures de vol séparent Puerto Ayacucho de San Carlos de Rio Negro, le village le plus éloigné de la jungle vénézuélienne
Auteur: Dilbert Reyes Rodriguez, | informacion@granma.cu
20 mai 2016 15:05:11
RIO NEGRO, Venezuela.— Le vert intense que l’on observe depuis le ciel, à 3 000 mètres d’altitude, n’est là que pour souligner le côté dense et inaccessible de ces parages amazoniens.
Près de deux heures de vol séparent Puerto Ayacucho de San Carlos de Rio Negro, le village le plus éloigné de la jungle vénézuélienne, et l’impressionnante jungle tropicale semble un tapis vert se déroulant jusqu’à l’horizon. Cependant, ce spectacle ne laisse pas la moindre place à l’ennui, car le paysage est sillonné par les filets bleus des rivières et des affluents.
Il y a des centaines de plages au sable d’un blanc immaculé, des précipices où courent des torrents impétueux, géants escaliers d’écumes d'où émergent de grandes roches noires et des îlots, où les arbres luttent pour se faire une place au soleil.
À cette altitude, il est bien difficile de déceler toute trace de présence humaine, quoique de temps en temps on peut apercevoir quelque chose qui ressemble au toit d’une maison. « Mais il y en a, et pas mal. Mais il faut descendre, il faut se rapprocher pour bien les voir », nous corrige Juan José Vazquez, un jeune docteur originaire de Guantanamo qui avec un groupe de jeunes spécialistes assure l’encadrement du seul CDI (Centre de diagnostic intégral) de cette commune.
Il est à peine âgé de 28 ans, et cette assurance avec laquelle il nous parle nous oblige à le prendre au sérieux. Il est passionné par son travail, non seulement comme médecin mais comme spécialiste en soins intensifs, et aussi lors des consultations et comme responsable du groupe de jeunes collègues chargés de faciliter l’accès aux soins intégraux de santé aux habitants de dernier village au sud du pays.
Il nous explique que dans ces endroits si reculés, l’esprit d’équipe et les rapports étroits entre les membres du groupe jouent un rôle essentiel. « C’est important pour faire face à la solitude et à la nostalgie du pays, à tout ce qui me rappelle Guantanamo, mon quartier, les gens…
« J’ai passé de nombreux mois à Rio Negro, suffisamment de temps pour savoir comment les gens vivent et travaillent là-bas. J’ai débarqué ici alors que j’étais un jeune médecin fraîchement diplômé, et cette première expérience a été pour moi une véritable épreuve du feu, et j’ai constaté au fil des jours que la pratique est le meilleur des enseignements. »
L’avion est secoué par les turbulences et nous nous agrippons à nos sièges. Juan José marque un moment de silence avant de poursuivre son récit sur son travail dans la forêt tropicale.
« Le village est très paisible, mais parfois un bon cas vient briser la routine. En général, notre service de garde est assuré par une infirmière ou un infirmier et un médecin. Cependant, il est très réconfortant de voir notre équipe au grand complet prendre en charge un patient hospitalisé. La soif de savoir incite nos jeunes à travailler avec beaucoup de ferveur et de dévouement. Le docteur est à son poste, mais tout le groupe est à l’écoute et on a l’impression d’assister à un cours pratique à la Faculté, avec cinq ou six étudiants autour du lit du patient,exprimant une opinion ou établissant un diagnostic, comme une équipe pluridisciplinaire.
« Les patients sont très satisfaits de notre travail, car ils voient qu’il y a un groupe de médecins à leur service, un groupe animé du souci de toujours faire mieux et faire plus.
« C’est pourquoi souvent accompagnés de trois docteurs vénézuéliens, nous nous rendons dans les communautés indigènes situées sur les rives du Rio Negro, à deux ou trois heures en amont, où nous nous internons en remontant l’affluent du Casiquiare. Arriver dans ces communautés est toujours une expérience nouvelle. Mais je dois dire que les mots ne suffisent pas à exprimer les expériences que j’ai vécues avec ces gens. Attendez un peu pour voir ! », me dit Juan José.
Des hommes qui ont la même destination aiment à se trouver en bonne compagnie pour rendre le voyage plus court, plus agréable. En effet, le voyage s’est vite déroulé. Le pilote nous annonce que San Carlos s’offre à la vue.
Nous distinguons un petit village au bord d’un fleuve, une bande de terre rouge et, à la fin de la piste, un groupe de blouses blanches.
« Mes collègues sont très bons. Chaque fois qu’ils entendent le bruit de l’avion, ils sortent pour nous accueillir, avec un peu la nostalgie du retour au pays. C’est inévitable. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui ils sont venus décharger la nourriture que nous transportons. Ils ont dû se serrer un peu la ceinture, mais ils sont rassurés à l’idée qu’ils mangeront mieux ce soir. La vie n’est pas facile ici, mais nous sommes là et nous y resterons », a conclu le Dr Juan José Vazquez.
Avant le contact des roues sur la piste, l’avion pointe brusquement son nez vers le haut. L'appareil se cabre et reprend de l'altitude au milieu du rugissement des moteurs, et amorce un virage vers la gauche et fait un tour complet pour un nouvel atterrissage. Quelle bienvenue !
source: http://fr.granma.cu/mundo/2016-05-20/le-dernier-village-au-sud