8 Avril 2016
auteur:
Marc Botenga
Dans un référendum, les Néerlandais se sont clairement prononcés contre un traité d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Un pas important pour rappeler à l’élite européenne ce qu’est la démocratie.
À la mi-juin 2014, le gouvernement ukrainien et l’Union européenne signaient un accord d’association. C’était en quelque sorte le premier acte officiel du nouveau président ukrainien Petro Porochenko, élu grâce à l’appui de l’Union européenne. Les « Panama Papers » révèlent qu’à peine un bon mois plus tard, Porochenko créait une entreprise secrète, dont le siège était situé aux îles Vierges (GB), un paradis fiscal, histoire de sortir plus facilement de l’argent de son pays. Cette pratique est typique du pouvoir corrompu et d’ultra-droite de Kiev.
Ce traité associatif devait être le point d’orgue de la collaboration entre l’UE et le régime ukrainien. Le but ? D’une part, permettre aux entreprises européennes d’acheter en Ukraine tout ce qu’il y a à acheter, et d’autre part, amener et garder l’Ukraine et son régime corrompu dans la zone d’influence de l’UE.
Un double camouflet
Le référendum demandait au citoyen néerlandais de répondre à la question suivante : « Êtes-vous pour ou contre la loi d’approbation du traité associatif entre l’Union européenne et l’Ukraine ? » Contre, ont répondu les électeurs. La victoire du « non » fait suite à une brillante campagne menée entre autres par le parti de gauche néerlandais SP, avec l’appui du PTB au sein du groupe GUE/NGL au Parlement européen.
Le camp du « non » ne s’est toutefois pas imposé facilement. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a menacé les Néerlandais d’une « crise continentale » s’ils votaient « mal ». Pour Juncker et l’élite européenne, la démocratie est toujours un drame, qu’il s’agisse de la Grèce ou des Pays-Bas.
La victoire du « non » des Néerlandais au traité avec l’Ukraine constitue « un double camouflet pour l’Union européenne », commentait le journal allemand Der Spiegel. Ron Meyer, le président du SP néerlandais, observait que « à la Chambre, plus de 90 % des députés ont dit ''oui'', alors que plus de 60 % des électeurs ont dit ''non'' », ajoutant : « C’est un écart énorme, un écart énorme entre le peuple et l’élite. »
Une bonne nouvelle pour le peuple des Pays-Bas, d’Ukraine et de toute l’Europe
Cette victoire du « non » est une bonne nouvelle pour les Pays-Bas, car l’objectif d’un tel traité est entre autres de mettre en concurrence les travailleurs européens face aux très bas salaires pratiqués en Ukraine. C’est également une bonne nouvelle pour l’Ukraine, car beaucoup de ses entreprises vieillies ne seraient pas capables d’affronter la concurrence avec les multinationales européennes et devraient donc être démantelées. Il en résulterait encore plus de chômage et de pauvreté dans ce pays. De nombreux chômeurs partiront alors chercher du travail ailleurs en Europe, ce qui facilitera encore davantage le dumping social. Ce n’est pas un hasard si les patrons appellent ce traité de tous leurs vœux.
De plus, la situation économique d’autres pays (par exemple la Tunisie, qui a un accord associatif du même genre depuis fin des années 1990) montre que « plus d’Union européenne » ne signifie pas davantage de bien-être pour les citoyens ordinaires. Demandez donc aux Grecs ce qu’ils en pensent...
La paix
Si l’Union européenne respecte le résultat de ce référendum, c’est également une bonne nouvelle pour la paix en Europe. Cela diminuerait en tout cas les tensions avec la Russie. En effet, il ne faut pas oublier que ce traité associatif est survenu après que les politiciens européens ont contribué à renverser l’ancien gouvernement ukrainien justement parce que celui-ci refusait ce pacte. Mais les politiciens européens n’ont certes pas apporté la démocratie avec eux. La seule chose qui s’est produite, c’est le remplacement d’une élite riche et corrompue par une autre élite tout aussi riche et corrompue. Bruxelles voulait amener l’Ukraine dans sa zone d’influence. Le voisin russe a très vivement réagi et décrété illégalement l’annexion de la Crimée. Depuis lors, l’Ukraine est déchirée par une guerre civile sanglante qui a fait près de 10 000 morts et plus d’un million de personnes déplacées. Renoncer à ce traité d’association pourrait toutefois constituer un premier pas vers la réconciliation dans ce pays.
Pour Emile Roemer, du SP néerlandais, on ne peut ignorer ce résultat. Le gouvernement néerlandais de Mark Rutte et l’Union européenne vont-ils écouter les citoyens ? Il semble qu’ils veuillent avant tout gagner du temps pour examiner comment ils pourraient encore sauver ce traité. C’est déjà ce qui avait été fait voici quelques années lorsque les citoyens français et néerlandais avaient rejeté la Constitution européenne lors d’un référendum. Et également lorsque les Irlandais avaient rejeté le traité de Nice. A chaque fois, l’élite s’était arrangée pour trouver un moyen de ne passer outre la volonté des électeurs. Juncker et Rutte devront toutefois payer le prix de ce mépris envers la démocratie. Cela ne fera que creuser davantage le fossé entre les citoyens et l’élite, tout comme l’opposition à la politique de cette Union. L’impressionnante mobilisation pour ce référendum est une étape importante pour forcer Juncker à se rappeler ce que veut dire le mot « démocratie ».
source: http://ptb.be/articles/bravo-aux-neerlandais-qui-ont-dit-non-au-traite-d-appauvrissement-entre-l-elite-europeenne