Auteur: Laura Bécquer Paseiro | laura@granma.cu
3 mars 2016 09:03:45
L’ACCORD de principe conclu entre le gouvernement argentin et les fonds vautours suscite des controverses en raison des conditions onéreuses qu’il implique pour le pays et de ses possibles conséquences à long terme.
Les quatre plus importants fonds spéculatifs qui avaient refusé tout allègement de la dette argentine ont accepté d’abandonner leurs poursuites en échange d’un paiement de 4,653 milliards de dollars de la part du gouvernement.
Avant d’accéder à la présidence, Mauricio Macri s’était engagé à accepter la décision du juge Thomas Griesa à l’issue d’une plainte porté auprès d’une cour d’appel new-yorkaise contre le gouvernement de Crisitina Fernandez. Il avait ensuite tenté d’engager des négociations avec les fonds spéculatifs les plus favorables à un accord, avant de céder devant les « vautours » les plus farouches, dont le fonds Elliot, de Paul Singer, pour presque le double de la somme que ce même fonds réclamait il y a un peu plus d’un an.
Derrière cette mesure se cache l’intérêt du gouvernement d’accéder aux marchés internationaux et faciliter les investissements étrangers, dans un contexte économique marqué par la baisse des prix des matières premières argentines, telle que le soja, et la décélération de l’économie régionale.
Cet accord ouvre un nouveau chapitre dans la bataille vieille de 15 ans entre l’Argentine et les fonds vautours. En 2001, le pays s’était retrouvé en défaut de paiement de sa dette souveraine au milieu d’une crise politique sévère. Ce n’est qu’en 2003 qu’une première offre a été présentée pour restructurer ses engagements. Depuis, ce processus à connu plusieurs étapes, y compris l’accord de 2005 sous la présidence de Nestor Kirtchner, qui avait réussi à rallier presque la moitié des détenteurs de bons à sa cause.
La deuxième restructuration s’est produite sous le mandat de Cristina Fernandez, en 2010, avec un plus grand impact, la majorité des fonds ayant refusé l’offre ont fini par l’accepter. À la suite d’accords avec ses créanciers le gouvernement réussit à renégocier sa dette pour une somme de 12,067 milliards de dollars, les détenteurs de titres argentins acceptant une décote de 65% de leur valeur (autrement dit 35 centimes pour chaque dollar).
La situation s’était corsée en 2012 lorsque que la Cour d’appel du second district de New York stipula que l’Argentine avait lésé le droit des détenteurs de fonds qui n’avaient pas accepté les échanges.
Ceci avait provoqué la saisie de la frégate Libertad et la sentence de la Cour d’Appel de New York en faveur du groupe de Singer.
Le juge Thomas Griesa, décida que l’Argentine devait payer 100% de la dette à ces fonds non concernés par la restructuration.
Ce fut le début d’une bataille juridique considérée par l’Argentine comme une question de souveraineté nationale. Le conflit fut porté devant l’Assemblée générale des Nations Unies, qui appuya la décision argentine de ne pas céder au chantage des fonds vautours.
Dans un article paru dans le quotidien argentin Pagina 12 et repris par le site Rebelion, l’ancien ministre argentin de l’Économie, Axel Kicillof, a décrit en détail plusieurs des offres reçues par le gouvernement de Fernandez de la part de fonds vautours, des propositions qui contrastent avec celles acceptées par le gouvernement de Macri.
« Dans un premier temps, ils sont allés jusqu’à proposer un rabais de 15% et accepter un paiement en bons, à long terme et non pas en liquide. Plus tard, ils ont envoyé un message, à travers des tiers, signalant qu’ils étaient prêts à accepter un rabais encore plus important : 30% tout en acceptant s’être payés en bons et non pas en dollars », a précisé l’économiste.
Kicillof se souvient que lorsque l’ancien président Nestor Kirchner avait négocié avec les créanciers une sortie du défaut de paiement, il avait proposé 35 cents pour chaque dollar. « Cette proposition de Kirchner était une offre vraiment agressive », souligne l’ancien ministre.
« Alors que Nestor avait offert 35 cents pour chaque dollar, Griesa a prétendu que l’Argentine paie quatre dollars pour chaque dollar. Mais, il faut tenir aussi compte du fait que les fonds vautours n’ont payé que 25 cents pour chaque dollar, qu’ils n’ont jamais prêté d’argent à l’Argentine et ont ensuite acheté des titres après l’entrée du pays en défaut de paiement, y compris après la restructuration afin que le juge leur donne raison. La décision de Griesa s’inscrit dans cet objectif et leur rapport un gain de 1 600% qui, avec la décote proposée par Macri, est quand même de 1200% ! », poursuit-il.
Mais le chemin n’est si simple. Pour être effectif, cet accord devra être approuvé par le Congrès argentin. Par ailleurs, il s’imposera de lever la « Loi du verrou » et la « Loi du paiement souverain » promulguées en 2014 pour préserver la souveraineté financière du pays, précisément contre les fonds vautours.
Il faudra aussi vendre des bons de la dette pour la somme de 15 milliards de dollars et rembourser les fonds vautours en argent comptant, en dollars, conformément à l’accord. Et l’échéance est fixée au 14 avril.
Par ailleurs, l’accord de principe pourrait inciter 93% des autres détenteurs de bons ayant accepté l’échange à recevoir un même traitement.
source: http://fr.granma.cu/mundo/2016-03-03/les-vautours-gagnent-la-bataille-en-argentine