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ROSA MOUSSAOUI
MARDI, 9 JUIN, 2015
L'HUMANITÉ
Ce Kurde de quarante-deux ans a su élargir l’audience du HDP pour en faire un parti progressiste ouvert à tous ceux qui combattent la dérive autoritaire et affairiste de l’AKP. Portrait
Étoile montante de la politique turque, il a su incarner la mutation du HDP en formation progressiste capable de bousculer les projets autoritaires de l’islamo-affairiste Erdogan. En élargissant l’audience de son parti bien au-delà de sa base électorale kurde, Selahattin Demirtas a réussi, avec son alter ego féminin Figen Yüksekdag, à faire entrer le HDP en force au Parlement. Les caciques de l’AKP ont eu beau le présenter, tour à tour, comme un « infidèle », un « beau gosse » ou une « pop star », moquant son goût pour le saz, le luth kurde, ils ne sont pas parvenus à tourner son irrésistible charisme en dérision. Demirtas, lui, n’a jamais répliqué ailleurs que sur le terrain politique. « Nous, le parti des opprimés de Turquie qui veulent la justice, la paix et la liberté, nous avons remporté une grande victoire. C’est la victoire des travailleurs, des chômeurs, des villageois, des paysans. C’est la victoire de la gauche », a-t-il lancé une fois le succès du HDP connu. L’avocat de quarante-deux ans, défenseur des droits de l’homme, n’oublie pas que c’est dans la lutte qu’il s’est forgé. L’aube de son engagement ? Il avait quinze ans et assistait aux funérailles d’un militant kurde assassiné par les forces de sécurité. « C’est à ce moment-là que j’ai vraiment compris ce que voulait dire être kurde », a-t-il confié dans la presse turque.
Au-delà du succès politique du HDP, Demirtas s’est glissé, durant cette campagne tendue, dans les habits d’un homme d’État au sens aigu des responsabilités. Après l’attentat meurtrier qui a visé un meeting de son parti à Diyarbakir, à la veille du scrutin, il a mis tout son poids dans la balance, multipliant les appels au calme pour éviter l’engrenage de la violence. « Alors que l’émotion était terrible, avec une jeunesse à cran, il a appelé chacun à garder son sang-froid, à ne jamais répondre aux provocations », témoigne Sylvie Jan, qui conduit une délégation de l’association France-Kurdistan dans le fief de la députée Leyla Zana. « C’est un homme respectueux des autres, aimé du peuple, très attaché aux idéaux de liberté », ajoute-t-elle. À la tête d’un groupe parlementaire de quatre-vingts députés, ouvert aux minorités, Demirtas est devenu une figure incontournable de la vie politique turque. Au président Erdogan, qui se rêvait en calife ottoman, il a fait cette promesse : « Nous allons transformer le lion qui est dans votre cœur en chaton. »
source:http://www.humanite.fr/selahattin-demirtas-le-cauchemar-des-islamo-conservateurs-576309