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PTB: Les syndicats à nouveau dans la rue contre le dumping social

23 Juin 2015

auteur:

Herwig Lerouge

L'an dernier, le 4 avril, plus de 50 000 manifestants de toute l'Europe descendaient sur Bruxelles contre le dumping social et la politique d'économies de l'UE. Ils remettent ça ce mercredi 24 juin car la situation a encore empiré. A tel point que sept ministres de l'Emploi plaident pour des règles plus strictes dans une lettre envoyée à la Commission européenne.

Le 4 avril 2014, plus de 50 000 manifestants de toute l'Union européenne descendaient dans la rue à Bruxelles contre le dumping social et la politique d'économies de l'UE. L'enjeu était important : bloquer la spirale descendante enclenchée par l'introduction de main-d'œuvre étrangère de l'Europe de l'Est et du Sud. Ce mercredi, les manifestants remettent ça, car, depuis, la situation n'a fait qu'empirer.

À tel point même que le ministre Peeters (CD&V) et six autres ministres de l'Emploi (Belgique, Pays-Bas, Suède, Luxembourg, France, Danemark, Autriche) ont adressé une lettre à la collègue de parti de Peeters et commissaire européenne, Marianne Thyssen. Ils préconisent un durcissement des réglementations.

Le dumping social est probablement l’une des conséquences les plus néfastes de l’unification européenne. En votant la libre circulation des personnes, l’Union européenne a en réalité donné carte blanche aux patrons pour monter les travailleurs les uns contre les autres. Les travailleurs venus d’Europe de l’Est ou du Sud travaillent généralement chez nous pour un salaire de misère et dans des conditions pitoyables. On les retrouve la plupart du temps dans les secteurs de la construction, du transport et du nettoyage. Leur nombre est estimé à un million et demi en Union européenne, et principalement dans les pays les plus riches de l’Union.

Salaire minimum : moins de 200 euros à l’Est, 1 500 en Belgique

Ces bas salaires et ces mauvaises conditions de travail profitent à l'écrasante majorité des patrons : moins de frais de transport, d'entretien et de construction. De même, bien des employeurs des secteurs impliqués ont très vite compris comment ils pouvaient tirer un maximum de profits des énormes différences de salaire qui existent entre les 28 états de l’Union. Sachant que le salaire minimum est inférieur à 200 euros par mois en Roumanie, en Bulgarie ou en Albanie contre 1 500 euros en Belgique, certains ont vite fait le calcul.

Si beaucoup délocalisent leur production, pour d’autres secteurs, l’importation de main-d’œuvre reste la solution idéale pour engranger des bénéfices rapidement. Lorsqu’en 1996, l’Union européenne a voté la directive sur le détachement des travailleurs, l’intention était de mettre en place un encadrement social minimum par rapport au phénomène. Concrètement, les salaires et conditions de travail devaient être ceux du pays d’accueil (là où est accompli le travail) et la sécurité sociale celle du pays d’origine des travailleurs. L’article 3 de la directive sur le détachement stipule en effet que les salaires minimums doivent être ceux du pays d’accueil et que les CCT (Conventions collectives de travail) relatives aux conditions de travail (durée du travail, jours de congé, santé et sécurité...) sont également applicables.

Très vite, cette directive s’est avérée être une passoire. Tout d’abord, parce qu’il n’y a pratiquement aucun contrôle quant à son application. Les conducteurs de poids lourds sont parachutés dans des lieux de rassemblement, et embauchés pour rouler durant des heures pour quelques centimes à peine. Dans le bâtiment, on fait venir des travailleurs portugais, polonais et albanais qui vivent dans des baraques, comme les mineurs italiens autrefois, et doivent se contenter d’un salaire de misère.

Face à l’arrestation de certains patrons, les autres ont alors redoublé d’ingéniosité pour utiliser à leur avantage cette législation européenne vague et très insuffisante. Ainsi, les sociétés de transport créent des sociétés boîtes aux lettres en Europe de l’Est, recrutent sur place des chauffeurs et les emmènent dans des minibus vers les entrepôts. Les entreprises de construction quant à elles créent des organisations pyramidales avec sociétés sous-traitantes où travaillent de faux indépendants locaux. Avec, pour résultat, une diminution des emplois fixes et une pression vers le bas sur tous les salaires.

La Cour de Justice européenne contre les travailleurs

Les premières grèves et actions de protestation menées pour dénoncer ce genre de pratiques ont été foudroyées par la Cour de Justice européenne qui a estimé qu’elles « entravaient le droit à la libre circulation des personnes ». Ainsi, en 2007, l’arrêt Laval condamnait les syndicats suédois qui avaient paralysé l’atelier d’une entreprise de construction lettone, qui faisait construire en Suède une école au salaire letton.

Les syndicats demandent que le principe du « salaire égal à travail égal » soit inscrit noir sur blanc

Pire encore, le Luxembourg a été condamné en 2008 pour avoir voulu appliquer aux travailleurs d’autres états européens les CCT en vigueur en matière de salaires et d’indexation.

Autrement dit, les quatre grandes libertés du Traité européen (libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes) l’emportent sur les droits fondamentaux, démocratiques et sociaux.

Face à l’insistance des syndicats et avec l’approche des élections européennes, la Commission avait finalement accepté de revoir la directive relative au détachement en précisant les modalités d’application. Le 15 avril 2014, un projet a été approuvé. Les syndicats européens et belges s’y sont opposés. Ils réclament donc une révision en profondeur de la directive sur le détachement et demandent à ce que le principe du « salaire égal à travail égal » soit inscrit noir sur blanc et que le pays d’accueil ait le droit d’appliquer aux travailleurs étrangers sa propre législation en matière de conditions de travail et conventions collectives de travail.

Lutte insuffisante contre le dumping social

Or, les amendements apportés par la nouvelle directive sont insuffisants pour lutter contre le dumping social. Même si des mesures de contrôle plus strictes sont prévues ainsi que la possibilité d’un contrôle national avant chaque détachement, la Commission pourra décider si celui-ci est « proportionnel », ce qui implique la possibilité d’un rappel à l’ordre, comme c’est déjà le cas actuellement. D’autre part, même si la responsabilité solidaire de l’entrepreneur qui engage des sous-traitants est reconnue et qu’en cas de tricherie au niveau des salaires, l’entrepreneur principal peut être sanctionné et condamné à payer les salaires détournés, ce principe ne s’applique pas à toute la pyramide, mais à un seul niveau. Ces corrections ne sont en outre valables que pour le secteur de la construction et non pour les autres secteurs, comme celui des chauffeurs de camion par exemple.

Lettre à la Commission européenne

Parmi le patronat aussi, cette concurrence sauvage fait des victimes. Dans le secteur de la construction, on estime que 92 000 travailleurs étrangers sont utilisés, une augmentation de 60 % par rapport à l'année précédente. De ce fait, nombre d'entreprises belges voient leurs passer sous le nez des commandes qui sont désormais confiées à des entreprises étrangères qui travaillent avec des travailleurs en détachement ou à des firmes belges qui incorporent des sous-traitants étrangers. Ces trois dernières années, s'il faut en croire la Fédération de la construction, au moins 1 800 patrons ont fermé leur entreprise et ce, rien qu'en Flandre. La Fédération demande que l'Europe permette à ses États membres – du moins, temporairement – d'adopter des mesures nationales contre la fraude, même si celles-ci semblent aller à l'encontre d'un certain nombre de réglementations européennes de base. Dès que les mesures européennes de lutte contre la fraude entreront effectivement en vigueur, on poura alors supprimer à nouveau les mesures nationales. La Fédération demande également que l'Europe adapte ses règles de perception des cotisations de sécurité sociale et qu'elle permette aux États membres de percevoir eux-mêmes ces cotisations pour tous les travailleurs détachés venus travailleurs sur leur propre territoire.

Maintenant que les patrons s'émeuvent à leur tour, les sept ministres de l'Emploi de Belgique, des Pays-Bas, de la Suède, du Luxembourg, de la France, du Danemark et de l'Autriche ont adressé une lettre à la collègue de parti de Peeters et commissaire européenne, Marianne Thyssen. Ils préconisent un durcissement des réglementations. Ils veulent que soit instaurée une durée maximale du détachement à l'étranger, le salaire égal à travail égal au même endroit et la possibilité de pouvoir adapter leurs conditions de travail à tous les travaileurs sur leur territoire, qu'ils soient en détachement ou pas. Et ils veulent plus de collaboration et de communication électronique entre les services d'inspection.

Nous soutenons les revendications des syndicats européens qui réclament une révision approfondie de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, et non un simple renforcement des contrôles en cas d’abus. Nous voulons que soient appliquées les conditions de travail en vigueur dans le pays où le travail est effectué, et nous réclamons pour chaque état le droit d’imposer des conditions plus strictes. Avec au minimum :

• Un salaire égal à travail égal, en ce compris les salaires fixés dans les conventions.

• Les cotisations sociales doivent être calculées conformément aux normes en vigueur dans le pays d’accueil et être versées à la caisse de sécurité sociale du pays d’origine.

• L’entrepreneur principal devra être reconnu pleinement responsable en cas de fraude sociale dans l’organisation, et ce à tous les niveaux.

• Description claire et contrôle des faux indépendants, exploités par les entrepreneurs sans protection sociale.

• Application obligatoire à tous les secteurs de services, et pas seulement au bâtiment, mais au secteur des transports et du nettoyage également.

• Pas de limitation des possibilités de contrôle, y compris par les syndicats.

SOURCE:http://ptb.be/articles/les-syndicats-nouveau-dans-la-rue-contre-le-dumping-socia:

Tag(s) : #europe

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