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Grèce : le pouvoir terrifié par les élections (SOLIDAIRE)

21 Janvier 2015

Dimanche 25 janvier auront lieu des élections grecques potentiellement historiques. La campagne électorale grecque, une des plus courte de son histoire, vit ses derniers jours. Le gouvernement sortant de Antonis Samaras, coalition entre la Nouvelle Démocratie (conservateurs) et le Pasok (parti socialiste) est soutenu, sans aucune retenue, par l’ensemble des dirigeants européens. Le premier ministre espagnol, le conservateur Mariano Rajoy (Parti Populaire) s’est même déplacé à Athènes le 14 janvier pour soutenir Samaras. D’après les derniers sondages, les jours de ce dernier sont pourtant comptés. Syriza, le parti de la Gauche radicale, est donné en tête de tous les sondages.

Plus de 100.000 jeunes privés du droit de vote

Un « problème technique » selon le ministère de l’Intérieur, va empêcher plus de 100.000 jeunes grecs de voter dimanche prochain. Bien qu’ayant 18 ans, ils ne seront inscrits comme électeurs qu’en février ou mars. Pour l’opposition, il s’agit d’une « fraude électorale massive ». Le vote pour la Nouvelle Démocratie de Samaras est en effet minoritaire parmi les jeunes.

Un récent spot publicitaire montre Samaras avec des jeunes qui jouent au foot. On le voit, paternaliste, la main sur l’épaule d’un jeune, dire qu’il faut continuer malgré les difficultés. Il ajoute : « Pour qu'un pays puisse jouer au ballon, tout comme une équipe, il a besoin d’un stade. Et nous, nous le lui construisons, ce stade. Un tout neuf. » Les internautes ont allègrement détourné ces images. « 100.000 jeunes ne pourront pas voter. Nous ne jouons avec les jeunes que dans les vidéos » (voir ci-dessous). Ou encore : « J’ai 18 ans. Pourquoi je ne peux pas voter ? » demande un jeune. « Parce que tu vas voter Syriza, connard », répond Samaras.

La peur comme argument

Dans une vidéo sortie après l’attentat contre Charlie Hebdo, la Nouvelle Démocratie affiche le slogan « Je suis Charlie » et déclare : « Alors que l’Europe renforce sa sécurité, Syriza veut une Grèce non fortifiée et une police désarmée, incapable de protéger les citoyens. » Après avoir agité l’épouvantail de l’immigration, la Nouvelle Démocratie sème la peur pour justifier ses dérives sécuritaires. La police grecque est dénoncée par l’ensemble des organisations démocratiques pour son usage immodéré de la matraque, des gaz lacrymogènes et même des balles. Les partis de l’opposition – sauf les fascistes bien entendu – critiquent les dérives sécuritaires. Mais la Nouvelle Démocratie – Adieu la Démocratie, comme certains l'appellent – veut au contraire renforcer la répression et limiter les droits démocratiques, comme le droit de manifester et le droit de grève.

Odieux amalgame

Samaras était à la marche à Paris le 11 janvier aux côtés d’une série de chefs d’Etat et personnalités peu recommandables. Le 7 janvier lors d’un discours électoral à Chalkida, il déclarait : « Aujourd’hui à Paris un carnage avec un attentat à la bombe et au moins 12 morts. Et ici, certains invitent des immigrants clandestins à venir encore plus nombreux… » En d’autres termes : si vous votez pour Syriza, vous aurez des attentats terroristes. Or, tous ces réfugiés syriens qui cherchent à entrer en Europe via la Grèce, fuient justement la terreur fondamentaliste qui sévit dans leur pays. Adonis Georgiadis, ex-ministre de la Santé et député de la Nouvelle Démocratie a envoyé un tweet encore plus clair : « L’attaque à Paris pourrait signifier la fin de l’innocence de l'Europe par rapport à l’islam. Syriza veut ouvrir les frontières. »

Retour des slogans de la dictature

Quant au ministre de la Santé Voridis, ancien dirigeant de la Jeunesse fasciste, qui a rejoint les rangs de la Nouvelle Démocratie, il mène campagne avec les mêmes thèmes que ceux la dictature des colonels qui a sévit en Grèce de 1967 à 1974 : « patrie, religion et famille ».

« Dimanche prochain, il y aura un grand clash idéologique, déclare-t-il. Un clash entre deux mondes. Le clash entre les valeurs de la patrie, de la religion et de la famille, que nous représentons, et celles de la dégradation que la gauche représente. » Samaras a utilisé aussi le thème de la religion pour effrayer les électeurs. « Syriza au pouvoir va enlever les icônes religieuses des murs de notre administration publique et combattre notre orthodoxie », a-t-il déclaré. Et Voridis d’en appeler au vote comme ses pères fascistes en appelaient aux armes : « Notre génération ne laissera pas tomber la patrie. Nous ferons ce qu’il faudra. Nous la défendrons avec nos voix dimanche, comme nos grands-pères l’ont défendue bravement avec les armes. » Ca fait froid dans le dos.

Récupérer les électeurs d’extrême droite

Lors de la campagne électorale de 2012, Samaras parlait déjà de nettoyer et de réoccuper les quartiers d’Athènes », accusant les immigrés d’être « les tyrans de la société grecque ». Cette fois, il vante le mur construit le long de la rivière Evros, qui sert de frontière avec la Turquie. Sur sa page officielle Facebook, il déclare : « Nous avons visité le poste de garde militaire à Kastanies, Evros. Ce mur, qui fait plus de 10 km, est l’obstacle de dissuasion qui limite l’entrée de milliers d’immigrants clandestins. Avant, ils entraient dans notre pays sans contrôle et qui créaient d’énormes problèmes auxquels tous les Grecs étaient confrontés. C’est le même mur que certains veulent démolir. Leur point de vue est que les immigrants clandestins doivent pouvoir entrer et recevoir un accès à la citoyenneté, au bien-être et à la santé. Le peuple grec ne permettra jamais ça. » Le programme de la gauche radicale réclame une gestion européenne de l’accueil des réfugiés. Car la Grèce – comme l’Italie et l’Espagne – n’est en réalité qu’une porte d’entrée : aucun immigré ne risquerait sa vie en traversant la mer sur un bateau-poubelle pour s’installer en Grèce, sachant que le taux de chômage y est de 26% et de 53% chez les jeunes. En alimentant les amalgames mensongers, du genre immigré égale criminel, terroriste, etc., Samaras cherche à rallier l’électorat d’extrême droite.

Quelle coalition pour Syriza ?

Nonobstant les manipulations du pouvoir en place, Syriza est toujours donné vainqueur par tous les récents sondages, mais la tâche post-électorale pourrait s'annoncer compliquée. Aura-t-il la moitié des sièges au Parlement pour gouverner seul ? Alexis Tsipras, président de Syriza a tenu à clarifier la question d’une coalition post-électorale : « Syriza se refusera de former un gouvernement avec la Nouvelle démocratie, le PASOK, ainsi que les deux nouveaux partis (issus du Pasok). Et en ce qui concerne le parti de la Gauche démocratique, nous verrons après les élections ce qui pourrait être fait de concert. » C’est George Papandreou qui doit être déçu de cette déclaration. L’ancien premier ministre du Pasok vient de lancer un nouveau parti, le « Mouvement des Socialistes Démocrates ». C’est le même Papandreou qui a imposé le premier plan d’austérité en Grèce en 2011, sous la pression de l’Union Européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI. « Si Syriza est sérieux à propos des changements, s’il est sérieux dans la négociation avec les partenaires européens pour en finir avec cette période difficile et sortir de l’austérité, je serais heureux d’apporter mon soutien, déclare-t-il. » Les sondages ne sont cependant pas favorables au parti de Papandreou, qui n’atteindra probablement pas le seuil de 5 % pour siéger au parlement. Les Grecs n’ont pas oublié comment ils ont été soudainement appauvris sous son gouvernement.

source:http://solidaire.org/articles/grece-le-pouvoir-terrifie-par-les-elections

Tag(s) : #europe, #élections

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