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Lundi 12 janvier au soir, le mouvement anti-islam Pegida manifestait pour la douzième fois à Dresde. Mais les contre-manifestations dans bien d’autres villes ont été bien plus suivies. En Flandre aussi, l’extrême droite essaie de rallier le mouvement Pegida. Mais Hart boven Hard a déjà annoncé une contre-initiative.
Tony Busselen
Le 12 janvier, dans plusieurs villes allemandes, des partisans et des adversaires de Pegida (les Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident) se sont retrouvés face à face. Partout où le mouvement raciste manifeste, les contre-manifestants descendent également dans la rue.
À Leipzig, la manifestation de Pegida a attiré 4 000 participants mais, avec 30 000 personnes, la contre-manifestation a été bien davantage suivie. À Munich, 20 000 contre-manifestants sont descendus dans la rue, face à quelque 1 500 partisans de Pegida. Dans d’autres villes aussi, comme Berlin et Sarrebruck, les proportions étaient plus ou moins du même ordre de grandeur.
Il n’y a qu’à Dresde (capitale du Land de Saxe) que le mouvement raciste a pu mobiliser une fois encore un nombre record de personnes. D’après la police, quelque 25 000 personnes ont participé à la manifestation de Pegida. En face, 8 000 habitants de Dresde manifestaient contre la propagande raciste, pour la solidarité avec les réfugiés et pour une Saxe qui puisse s’ouvrir au monde.
Le gouvernement fédéral dit des grandes contre-manifestations pour la tolérance et l’humanité qu’elles constituent un signal important contre le réseau raciste Pegida. « Dresser les uns contre les autres des groupes de population en fonction de leur foi ou de leur origine n’est pas digne de notre pays. La xénophobie, le racisme et l’extrémisme ne sont pas à leur place ici », a déclaré la chancelière Merkel.
Qui sont les partisans de Pegida et qui sont les contre-manifestants ?
Il y a des différences entre les manifestations dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest et celles de l’ancienne Allemagne de l’Est. À l’ouest, les manifestations de Pegida sont surtout suivies par des néonazis, des racistes et des factions de l’extrême droite. Dans les villes est-allemandes comme Dresde et Leipzig, ce sont davantage de simples citoyens qui y participent.
De même, le contenu des manifestations est différent. Ainsi, dans l’est, la majeure partie des manifestants de Pegida défilent non seulement contre la prétendue « islamisation » de la république fédérale, mais il règne également parmi eux un sentiment diffus de colère contre la classe dirigeante. Cela montre une aliénation croissante entre, d’une part, la population et, d’autre part, l’establishment politique et le système politique. Dans l’ouest du pays, les tentatives d’imiter la manifestation de Dresde ont échoué en raison de l’intervention militante des néonazis. Pour inciter les milieux politiques à lancer avec eux des cris racistes, ils essaient de se profiler en défenseurs de « l’Occident judéo-chrétien », mais en vain.
Mais il n’y a pas que les manifestations de Pegida qui diffèrent dans leur composition. Les contre-manifestants eux aussi ne constituent pas un bloc monolithique. On y trouve des activistes de gauche, des antiracistes et des anticapitalistes, outre des forces de l’establishment politique coresponsable des traitements inhumains infligés aux réfugiés et des situations sociales déplorables. Ces derniers veulent désormais se faire passer pour les « bons » qui se dressent contre les « citoyens en colère » de droite.
Ce qu’ils pensent vraiment
Le journal Der Spiegel a publié quelques paroles de deux personnages parmi la dizaine que l’on trouve à la direction de Pegida et qui, depuis octobre dernier, co-organisent les marches de Dresde. Il s’agit de Thomas Tallacker, un ancien conseiller municipal CDU (le parti démocrate chrétien de la chancelière Merkel) de la petite ville voisine de Meissen, et de Siegfried Däbritz, ancien conseiller municipal FDP (parti libéral) de la même localité. Par exemple, durant l’été 2013, Tallacker avait écrit sur Facebook : « Que devons-nous entreprendre avec ces personnes qui, à 90 %, n’ont pas fait du tout d’études et viennent profiter uniquement des allocations de chômage, alors que, dans le même temps, notre sécurité sociale se vide de son sang ? » Däbritz, lui, avait publié sur internet des citations d’Hitler et des mots d’insulte à l’adresse des musulmans. Le PKK kurde non plus, qui combat armes à la main en Syrie et en Irak contre l’État islamique, ne trouve aucune grâce auprès de Däbritz : « Ils constituent un tout aussi grand danger contre l’Europe et l’Allemagne civilisées que tous les autres courants mahométans (sic). »
On peut retrouver semblables propos fascistes sur la page du blog internet PI (Politiquement incorrect) qui se profile sur sa page d’accueil comme « pro-américain » et « pro-israélien ». De façon très polémique, ce blog tire à boulets rouges sur les nombreuses contre-manifestations : « Continuez, seulement, à manifester au profit des terroristes, des assassins, des voleurs et des parasites sociaux. » Ce blog PI essaie d’être le moteur qui initiera des manifestations de Pegida dans d’autres villes que Dresde.
Les citations publiées par Der Spiegel réfutent les allégations répétées des porte-parole de Pegida selon lesquelles les manifestations de Dresde ne visent ni l’islam ni les musulmans.
Hart boven Hard : « Non à l’importation de Pegida en Flandre »
En Flandre aussi, l’extrême droite essaie d’accrocher sa charrette à Pegida. Le 26 janvier, « Pegida Flandre » organise une manifestation anti-islam à Anvers. Mais, ici aussi, une forte contre-voix se fera entendre en faveur de la tolérance, à savoir le mouvement citoyen Hart boven Hard, qui a également rallié le large mouvement de protestation contre la sévère politique d’économie du gouvernement de droite, et qui a donc déjà prévu une contre-initiative.
« Si Pegida organise une manifestation contre l’islam, prouvons qu’Anvers est réellement la ville de tous, quelle que soit son origine, ou sa religion », entend-on du côté de Hart boven Hard Anvers.
Le 26 janvier, Hart boven Hard Anvers organise en ville même une veillée en faveur de la paix et de la tolérance. « De la sorte, nous voulons donner de façon adéquate et positive un signal que, dans notre société, tout le monde a sa place et la reçoit, en partant du principe de l’égalité », déclare Ciska Hoet, porte-parole de Hart boven Hard Anvers.
« La veillée est une réponse immédiate et claire à ceux qui veulent semer la division et la haine sur base de l’origine ou de la religion. Nous ne voulons pas que Pegida soit importé d’Allemagne vers Anvers », dit-elle encore.
Hart boven Hard invite toutes les associations et tous les citoyens qui veulent une société chaleureuse, pacifique et solidaire à participer à cette veillée. Plus d’infos?Cliquez ici pour retrouver l’événement sur Facebook.
Allemagne : Un réfugié poignardé à mort à Dresde
La police est avare d’informations, mais le fait est qu’il s’agit bien d’un meurtre. Une atmosphère de peur plane autour des manifestations de Pegida.
Mardi matin, des riverains ont découvert le corps sans vie de Khalid I., venu d’Érythrée pour mourir dans la cour intérieure d’un bloc d’appartements du quartier de Leubnitz-Neustra. Mercredi matin, la direction de la police municipale faisait savoir qu’il s’agissait d’une enquête sur un homicide. Le chef de la police, Dieter Kroll, expliquait au journal Dresdner Morgenpost : « À ce point de l’enquête, nous pouvons dire que la cause du décès est un coup de couteau et qu’il ne s’agit pas d’un accident. C’est un homicide volontaire. » Des témoins avaient vu que le jeune homme présentait des blessures au cou et à l’épaule. D’après une information du Sächsischen Zeitung (SZ), la victime, Khalid I. avait quitté son domicile au centre ville lundi soir et il n’était pas rentré. Des amis et les cohabitants du jeune homme ont déclaré au mouvement de jeunes du parti de gauche Die Linke (Die Linke.SDS) de Dresde que le corps était ensanglanté. Le mouvement « Dresde pour tous » a organisé un rassemblement de commémoration sur la place Jorge-Gomondai (qui tire son nom d’un Mozambicain qui y avait été assassiné en 1991).
Plus ou moins à la même heure où la victime quittait son domicile, le rassemblement de Pegida tirait à sa fin dans le centre ville. Par crainte de cette manifestation, plus aucun demandeur d’asile n’avait plus osé sortir de son logement. « Lors de précédentes manifestations, ils ont été régulièrement insultés et menacés. » Ces dernières semaines, lors de ces marches de Pagida, des actes de violence ont été commis à plusieurs reprises. Fin décembre, dans un centre commercial, un groupe de manifestants s’en étaient pris à des jeunes ayant l’air d’étrangers et plusieurs personnes avaient été blessées. Cette semaine aussi, la police a fait état d’infractions à la législation en matière de rassemblement, de symboles interdits, d’insultes et d’actes de violence dans les parages immédiats du rassemblement de Pagida. Mardi, un propriétaire d’hôtel qui était disposé à héberger 94 réfugiés a annulé l’offre qu’il avait faite aux autorités municipales. Il avait été menacé sur Facebook et des inconnus avaient tagué des slogans racistes sur ses façades.
Susan Bonath, Junge Welt
source:http://www.solidaire.org/index.php?id=1340&tx_ttnews[tt_news]=39237&cHash=2a3694644e6e73e708d2e49397f84787