2014-12-18 20:03:49 xinhua
Les Etats-Unis et Cuba ont annoncé mercredi leur décision de rétablir leurs relations diplomatiques pour opérer un rapprochement entre les deux pays après plus d'un demi-siècle d'éloignement.
Washington a rompu ses relations avec La Havane en 1961, peu après le renversement du gouvernement cubain favorable aux Etats-Unis d'alors par la révolution menée par l'ancien dirigeant cubain Fidel Castro.
Les deux pays ont entretenu des relations hostiles depuis lors et des événements ont exacerbé les tensions, dont les plus notables ont été la crise des missiles de Cuba et le débarquement de la baie de cochons au début des années 1960.
L'annonce de mercredi a été faite au lendemain de la conclusion d'un accord entre le président américain Barack Obama et le dirigeant cubain Raul Castro lors d'une conversation téléphonique, qui prévoit un échange historique de prisonniers, l'ouverture d'ambassades dans les deux pays et l'assouplissement de certaines restrictions commerciales.
DECISION HISTORIQUE POUR LES RELATIONS AMERICANO-CUBAINES
La retransmission simultanée des discours télévisés à Washington et à La Havane a mis en valeur le caractère historique de cette décision de normalisation des relations entre les deux pays après 50 ans de relations bilatérales glaciales, voire hostiles.
"Nous allons mettre fin à une approche dépassée qui a échoué pendant des décennies à servir nos intérêts", a souligné M. Obama dans une allocution télévisée à la Maison Blanche. "Désormais, nous allons commencer à normaliser les relations entre nos deux pays."
Le président américain a fait savoir qu'il avait demandé au secrétaire d'Etat John Kerry de lancer les négociations avec Cuba sur le rétablissement des relations diplomatiques avec le pays insulaire et a ajouté que les Etats-Unis rétablirait une ambassade à La Havane et que des responsables américains de haut rang se rendraient à Cuba.
Les Etats-Unis cherchent également à promouvoir les voyages, le commerce et les échanges d'informations avec Cuba, a affirmé M. Obama avant d'ajouter qu'il souhaitait également que le Congrès américain entame des discussions sur la levée de l'embargo américain contre Cuba.
Ces changements "ouvriront un nouveau chapitre entre les pays d'Amérique" et les affranchiront d'"une politique rigide fondée sur des événements ayant eu lieu avant la naissance de la plupart d'entre nous", a estimé le président.
Tout en confirmant cette mesure historique, M. Castro a souligné que les différends entre Cuba et les Etats-Unis devraient être réglés par des "négociations" et que le pays défendrait ses principes fondamentaux.
"Nous avons convenu de rétablir nos relations diplomatiques, mais cela ne signifie pas pour autant que notre principal différend, à savoir le blocus économique, commercial et financier qui engendre d'importants dommages et doit cesser, a été réglé", a noté M. Castro lors d'un discours télévisé prononcé à la même heure que l'allocution de M. Obama.
Le dirigeant cubain a appelé M. Obama à lever tous les obstacles à la normalisation des relations entre les deux pays et à reconnaître l'existence de "différences" entre les deux pays, en raison "de leurs conceptions de la démocratie, des droits de l'Homme et de la gouvernance".
"Nous devons apprendre l'art de vivre ensemble de manière civilisée avec nos propres différences", a déclaré M. Castro.
L'annonce d'un rapprochement entre les deux pays a été faite à la suite d'un échange de prisonniers entre les deux pays plus tôt dans la journée.
Alan Gross, un ressortissant américain incarcéré dans une prison cubaine pendant cinq ans pour avoir illégalement importé des équipements de communication à Cuba dans l'intention de créer des troubles, a été libéré et rapatrié mercredi matin, de même qu'un important agent des services secrets américains emprisonné à Cuba depuis 20 ans.
Parallèlement, les trois derniers agents des "Cuban Five" détenus aux Etats-Unis ont été relâchés et sont retournés dans leur pays. Avant leur libération, deux autres agents du groupe avaient été libérés en 2011 et 2014 respectivement après avoir purgé des peines d'environ 13 ans et de plus de 15 ans.
IMPACT SUR LA POLITIQUE ETRANGERE DES ETATS-UNIS
L'événement ne laisse pas les Américains indifférents. Un grand nombre d'entre eux applaudissent cette démarche, mais beaucoup d'autres, dont les républicains et certains démocrates, ont fustigé cette décision.
Certains observateurs estiment qu'il est temps de normaliser les relations avec Cuba, tandis que d'autres maintiennent que le gouvernement cubain doit opérer des changements.
"M. Obama normalise les relations avec Cuba car les sanctions américaines ont été un échec total. Le président espère obtenir de meilleurs résultats par la négociation", a déclaré à Xinhua Darrell West de la Brookings Institution, avant d'ajouter que M. Obama commençait à accorder davantage la priorité à la politique étrangère pour les deux dernières années de son mandat.
Par ailleurs, certains analystes estiment que la normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba se heurtera à des obstacles.
Pour Mike Gonzalez de la Heritage Foundation, le nouveau Congrès contrôlé par les républicains tentera d'empêcher le président de mettre en œuvre ces changements radicaux et possède un certain nombre d'outils à cette fin.
Le Congrès "peut refuser la nomination de n'importe quel ambassadeur [pour Cuba], il peut [...] empêcher que des fonds soient alloués à une ambassade", a-t-il précisé, citant des exemples.
Pour sa part, Ana Rosa Quintana de la Heritage Fondation a déclaré que la récente victoire écrasante des républicains aux élections législatives avait montré que les Américains n'étaient pas satisfaits de la politique étrangère de M. Obama.
Selon Mme Quintana, la loi Helms-Burton, qui renforce l'embargo commercial contre Cuba et les restrictions de voyages de ressortissants américains vers l'île, est peu susceptible d'être abrogée par le Congrès contrôlé par les républicains.
Dans un tel contexte, M. Obama devra user de son pouvoir exécutif pour assouplir quelques restrictions sur les finances, le commerce et les voyages à Cuba.
Selon des analystes, M. Obama laissera sans aucun doute une trace dans l'histoire de la politique étrangère des Etats-Unis en ouvrant un "nouveau chapitre" des relations américano-cubaines durant les deux dernières années de son mandat.
Si les élections de novembre dernier ont été une victoire pour les républicains, qui ont pris le contrôle du Sénat, ces résultats semblent n'avoir fait qu'inciter le président américain à recourir davantage à son autorité réglementaire, diplomatique et exécutive.
L'annonce de mercredi est survenue après une série de décisions du président américain défiant les républicains sur les questions de l'immigration, du changement climatique, de la réglementation d'Internet et des négociations nucléaires avec l'Iran.
L'ajustement de la politique américaine à l'égard de La Havane par M. Obama vise à montrer son autorité dans la promotion d'une relation "plus positive et constructive" avec Cuba, l'Amérique latine et le monde en général, estime Ted Piccone, directeur adjoint pour la politique étrangère à la Brookings Institution.
SOURCE:http://french.cri.cn/621/2014/12/18/641s414460.htm