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16e Rencontre internationale des partis communistes et ouvriers
Intervention de Laurent PEREA, membre du Conseil national du Parti communiste français
Guyaquil, Equateur, 14 novembre 2014
Chers Camarades,
En premier lieu permettez-moi de vous envoyer le salut plein de solidarité de Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français et président du Parti de la gauche européenne.
Je commencerai ici en disant que ce qui marque la situation française, c’est la politique désastreuse du gouvernement socialiste, qui s’apparente à une politique ultra libérale.
Gouvernement qui met en œuvre son pacte dit de « responsabilité » avec des milliards d'euros pour le patronat payés par une saignée inédite et brutale de 50 milliards d'euros prélevés dans la dépense publique et sociale.
Le chômage atteint des records et avec lui... le niveau des dividendes versés aux actionnaires. La croissance est nulle et avec elle, ou plutôt sans elle, les déficits publics se creusent.
Au cœur de la défiance qui écrase le gouvernement se niche deux choses très fortement ressenties : Un, la politique qui est suivie n'est pas celle qui avait été annoncée. Deux, l'orientation choisie à la place n'est pas celle d'un changement mais d'une aggravation des politiques passées et elles nous conduisent à la catastrophe.
Au niveau Européen, c’est cette matrice de l’austérité qui est façonné, se doublant d’une volonté de casser toute poche de résistance et de bases pour la construction d’alternatives possibles de transformation sociale.
Pour cela, c’est des directives pour casser tous les socles de démocratie existant. C’est ce qui explique les différentes réformes institutionnelles et territoriales dans de nombreux pays comme en France, Espagne, Italie, Grèce…
A la mesure des préoccupations sur l'avenir, beaucoup demandent des explications, au plan national, européen et mondial. Les échanges sur les dimensions économiques de la crise, mais aussi sur les problématiques sociétales qu'il ne faut pas négliger, montrent combien les recherches de solutions sont fortes et permettent de poser la question qui est devenue incontournable: quelle alternative de gauche à la politique actuelle ?
Le débat est lancé : des personnalités de gauche, des forces progressistes formant un arc qui s'élargit, des intellectuels, des responsables syndicaux et associatifs, des acteurs locaux à l'échelle de nos territoires, des élus, des gens à partir de ce qu'ils vivent et ce à quoi ils aspirent, posent les uns après les autres des questions sur ce qu'il ne faut plus faire, des questions de bon sens le plus souvent.
Oui, c'est bel et bien sur ce sujet que le débat s'aiguise : Comment faire autrement pour éviter la faillite du pays ? Par quoi remplacer la politique Hollande-Valls ? Avec quelles priorités ? Quels moyens démocratiques et financiers ?
C'est que ce que nous proposons et ce à quoi nous avons travaillé sans relâche au cours des dernières semaines, y compris quand les conditions paraissaient moins favorables pour s'y engager, et c'est aujourd'hui une donnée incontournable du paysage politique à gauche pour redonner à la gauche le sens de ses valeurs d’humanisme.
Nous invitons au débat toutes celles et tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans l'orientation politique actuelle. Qui pensent, comme nous, qu'il n'existe aucune fatalité, qu'un autre chemin peut être pris, sans attendre, avec des solutions de gauche. Nous disons que le débat est non seulement souhaitable mais qu'il est indispensable pour répondre aux défis et aux enjeux. Que la progression de ce débat peut, très rapidement, permettre des convergences visibles par des propositions et des initiatives communes.
Initiatives et débats incontournables parce que la menace d'un match à trois pour la prochaine présidentielle avec l'idée, de plus en plus répandue, d'une qualification assurée pour le Front National d’extrême droite peut devenir une réalité, tant le manque d’alternative et la crise politique sont forts.
C’est pourquoi, nous proposons un programme de redressement national mettant résolument le cap à gauche autour de trois piliers : un plan de lutte immédiate contre les gâchis de la finance et pour la relance sociale qui engage le redressement du pays, une refondation de la démocratie en marchant vers une VIe République ; et le retour à une parole forte, non alignée et indépendante de la France pour changer l'Europe et l'ordre du monde
Dans ce contexte, la conférence Nationale de notre parti ce week-end dernier a validé la relance du Front de gauche qui est un repère pour des millions de personnes. Il a représenté un espoir et pour beaucoup sa relance peut en créer un nouveau. La remise en action du Front de gauche, tant à l'échelle nationale que localement, pour relever les défis de la période, à commencer par le soutien aux luttes en cours.
Notre volonté est de franchir une nouvelle étape du rassemblement plus sociale, plus citoyenne, plus politique, dans une démarche où chacun soit acteur des contenus de transformation sociale à porter.
J’en viendrai maintenant sur la question internationale et une situation qui nous préoccupe tous : la question palestinienne.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les dirigeants israéliens ne veulent pas la paix. Seul peut l'y pousser un puissant mouvement de solidarité internationale.
Vous en conviendrez, la priorité de notre action commune pour soutenir l'effort du gouvernement d'unité nationale dans la reconnaissance de l'État palestinien, la levée du blocus de Gaza, sa reconstruction, la libération des prisonniers politiques, le retrait de l'occupation la décolonisation du pays et le droit au retour des réfugiés doit être pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, de prendre les sanctions contre Israël incontournables.
C’est un de nos axes de bataille. D’ailleurs, dans les semaines à venir, nos parlementaires, porteront dans le débat, la proposition que la France s’engage dans la reconnaissance d’un État palestinien.
Mais au-delà, sur la scène internationale, que se passe-t-il ? De l'Ukraine à l'Irak, quel est le contexte, quels sont les acteurs en présence et quelles sont leurs stratégies ?
On le voit bien, les enjeux internationaux semblent à nouveau, mais dans des conditions renouvelées, être dominés par l’alternative : guerre ou paix.
La guerre économique, la domination du capitalisme financiarisé, la dérégulation et l’expansion du libre- échange mènent à la guerre tout court, ce n’est pas une constatation nouvelle. Mais ce qui est peut-être nouveau c’est l’étendue de la prise de conscience des responsabilités de cette logique de système, et la possibilité de convergences, de rassemblements et d’actions pour des solutions progressistes fondées sur les principes et des politiques de solidarité, de justice, d’égalité.
Faire renaître l’espoir, la volonté et la confiance dans un monde de paix nécessite un immense travail d’explication, de dialogue, de mobilisation et de mise en mouvement à opérer. Il est d’autant plus nécessaire que ce monde est à la fois moyen et but de la transformation sociale et de l’émancipation humaine. Ce travail est devant nous.
Nous avons des atouts pour le mener. Lorsque le parti communiste français parle de la réactivation de la logique de Guerre froide, cela ne signifie pas le retour à un monde bipolaire opposant l'impérialisme américain à un bloc uni sur une autre vision du monde et de la société.
Et c’est parce que nous vivons dans le présent que nous mesurons la gravité de la situation.
Et le présent c’est celui de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants, rongés par le virus Ebola en Afrique, sans que la solidarité internationale ne soit à la hauteur, après que le FMI est déjà passé par là et alors que les infrastructures de santé sont insuffisantes.
Par contre, pour prendre les armes en dehors des résolutions de l’ONU, sous l’égide de l’OTAN, là, il y a du monde.
Car la montée des tensions et des conflits, la guerre, voilà qui vient ajouter à la couleur sombre de ce tableau. Et la politique internationale de la France, atlantiste et guerrière, rompant avec le meilleur de la tradition diplomatique de notre pays dit des droits de l’homme n’est pas faite pour rassurer.
Cet été, à Gaza, on a massacré toute une partie de la population, déjà soumise au blocus, aux restrictions, aux contrôles. Plus que jamais, nous avons appelé le gouvernement français et l'Union européenne à geler les coopérations tant que le droit international ne sera pas respecté et nous lançons une campagne pour la libération des prisonniers politiques parmi lesquels Marwan Barghouti.
Plus que jamais, la justice et la paix doivent être mises à l’ordre du jour, car les offensives armées se font de plus en plus brutales, meurtrières, dévastatrices.
C’est vers le pire qu’a conduit la "guerre de civilisation" engagée par les Etats-Unis, sous l’égide de l’OTAN, durant les deux dernières décennies, enfantant des monstres qui se nourrissent du désespoir populaire, comme c’est le cas avec les terroristes de l’Etat Islamique, une création qui n’est pas née de nulle part.
Et nos amis kurdes que l’on a privés de pays au siècle dernier et dont la culture et l’existence ont été attaquées, nos amis du PKK, qui sont inscrits encore au registre international des organisations terroristes, y compris en France, sont apparus comme le seul rempart face à la barbarie. C’est pourquoi nous exprimons toute notre solidarité au peuple kurde, c’est le sens de la visite dernièrement de Pierre Laurent à Kobané.
Ces groupes djihadistes ont prospéré et échappent aujourd'hui à ceux qui les ont créés. Oui, les égorgeurs ne surgissent pas de nulle part. Ces groupes ont été financés et armés pour en faire des combattants au service d'intérêts occidentaux dans la région. C'est la vérité. Elle peut déranger mais, face aux immenses périls, et si nous voulons vraiment une réponse forte, elle doit apparaitre au grand jour.
J'aurai tendance à dire, qu'il faut aider à sortir de ce dilemme :
- soit l'impérialisme américain ou « occidental »,
- soit les djihadistes abreuvés de haine et de sang, dans lequel on plonge les peuples du monde.
Il faut se libérer de ce piège. C'est en ce sens, que notre solidarité doit aller aux forces progressistes, démocratiques qui luttent dans leur pays et s'activent pour des solutions politiques.
Notre solidarité pleine et entière, parce qu'il y a les puissances dominantes et en perte de vitesse, mais il y a aussi les puissances publiques attaquées et affaiblies, il y a la poussée des fanatismes et nationalismes qui tuent et massacrent, s'en prennent aux progressistes et démocrates - leur poussée est un facteur qu'on ne peut balayer d'un revers de manche, et c'est bien pour cela que le choix de la seule action militaire, a fortiori une coalition occidentale dirigée par les États-Unis et l'OTAN n'est pas la solution aux problèmes de l'Irak et ne fera qu'aggraver la situation des Irakiens, des populations de la région et du monde.
"La guerre au terrorisme" menée depuis plus de dix ans a comme conséquence première une aggravation de la situation, des périls renforcés et des crimes odieux. Les opérations militaires en Afghanistan, en Irak et en Libye n'ont rien réglées, rien solutionnées.
Les barbares semblent mêmes prospérer sur ce terreau de tensions permanentes, sans un avenir qui se dégage enfin pour les peuples.
Tout cela a pris, et depuis longtemps, une bien mauvaise direction avec la France en première ligne, engagée sabre au clair dans tous les mauvais coups. Sans résolution de l'ONU, sans vote au Parlement.
L'option militaire choisie par les Etats-Unis, soutenue par Hollande, n'est au final pas pour déplaire aux intégristes de l’état islamique qui se nourrissent de ce chaos. Jusqu'à quand ? Avec quelles conséquences là-bas et ici ?
Oui, ce qu’il faut mettre à l’ordre du jour, à l’heure où la guerre économique fait rage, et où le capitalisme fomente partout les conflits, c’est la paix et le désarmement, c’est le droit international, c’est le refus de l’instrumentalisation des religions et des cultures, et c’est ce que nous disons avec d’autres.
C’est parce que nous vivons dans le présent, que nous voulons dessiner l’avenir. Nous voulons aussi dire notre révolte, incandescente, qui provient du plus profond de nos êtres et de notre humanité.
Nous ne sommes pas, de ceux qui croient à la victoire définitive du capitalisme sur les hommes et les femmes et laissent le champ libre aux idées les plus sombres.
Nous voulons porter une autre idée de l’avenir, non pas pour nous rassurer à bon compte, non pas parce que nous serions inadaptés, déraisonnables, ou grincheux.
Seulement, parce que nous voulons vivre, nous voulons vivre en humains libres égaux et associés. La période est difficile parce que tous les possibles semblent éteints, mais c’est maintenant qu’il ne faut pas baisser les bras, qu’il ne faut pas désespérer, c’est maintenant que le courage peut produire son œuvre.
Il y a un immense effort à produire pour se rassembler, pour que chacun quitte les habitudes et les résignations, pour que les énergies disponibles prennent conscience qu’elles doivent s’unir.
D’abord, chacun d’entre nous peut en témoigner, de très nombreuses forces dans le monde sont disponibles. Ensuite, elles sont en mouvement ! Ainsi qu’en témoigne le Sommet du G77+ Chine en juin dernier en Bolivie pour un « nouvel ordre mondial du bien vivre ».
Voici ce qui peut rendre « l’espoir visible » et devrait plus se savoir.
La construction de la paix ne pourrait-elle pas s’inscrire autour de trois grandes ambitions prioritaires, tant à l’échelle européenne qu’internationale :
-prendre une initiative forte pour le désarmement nucléaire et sur le commerce des armes avec la mise en œuvre effective du traité de non-prolifération ;
-agir pour engager une réforme audacieuse de l’ONU démocratisée, véritable cadre multilatéral de prévention et résolution des conflits, de lutte contre les inégalités sociales, économiques et écologiques, et où les principes fondateurs de souveraineté et d’égalité, et de respect du droit international s’imposent à tous ;
-mettre en œuvre des politiques inédites de partenariats pour la coopération et le développement durable humain afin d’asseoir la sécurité dans toutes ses dimensions et sur des principes de solidarité, de partage des biens universels communs, de redistribution juste des ressources ; ceci en rompant avec les politiques d’austérité, d’asphyxie des peuples, et le pouvoir des marchés financiers et institutions à l’échelle mondiale.
Oui, en tant que communistes français, nous pensons que nous avons ensemble à réfléchir comment porter encore plus haut l'exigence du primat diplomatique et d'une ONU du XXI e siècle où chaque peuple compte pour un, avec l'exigence de la paix, c'est-à-dire de sécurité en tout domaine; de refonder la politique étrangère de la France sur de nouveaux partenariats, le droit international et avec pour objectif la prévention des conflits, la lutte contre la dissuasion nucléaire, contre le trafic des armes, la spoliation des richesses et des ressources, la résorption des inégalités sociales et économiques, et la démocratie
Ce que je peux vous assurer ici, chers camarades, c'est que tout ce que nous faisons dans nos relations avec toutes les forces de transformation sociale à travers le monde tend vers cet objectif avec pour fil rouge la paix et la solidarité : conférence sur le climat, solidarité avec la Palestine, la Tunisie, l'Ukraine... les convergences auxquelles nous travaillons avec les forces d'Amérique latine sur ce continent, tout comme d'Asie.
Les soulèvements dans le monde, des émeutes dans certains pays africains et arabes, le développement des luttes et des mouvements en Europe, et que vous vivez ici sur ce continent, avec la recherche d'un réel changement en Amérique latine ...
Ces changements ici en Amérique latine et les soulèvements dans le monde ... reflètent la demande croissante pour des solutions sociales et un réel changement, la nécessité pour l'éthique en politique, la volonté d'agir, de décider pour vous-même, ayant autorité sur le cours des événements ...
J’en profite pour vous les victoires récentes de Dilma Roussef au Brésil et d’Evo Moralès en Bolivie, qui est un encouragement à la lutte contre les ravages ducapitalisme. Saluer également toutes les réformes en cours, toutes les batatilles rassembleuses sur votre continent à Cuba, au Vénézuela, en Colombie, en Uruguay, Paraguay, ici en Equateur, et excusez moi de ne pas tous vous citer, partout sur ce continent…
Dans ce contexte international, nous ne pouvons plus penser le changement strictement dans un seul pays. La dynamique politique du changement et de la révolution devient internationale.
Cela implique de nouvelles façons d’agir, un internationalisme, permettant l'action de convergence, des espaces de travail partagés, un contenu précis pour mieux répondre aux défis de la mondialisation et les stratégies des puissances capitalistes.
Oui, cher-e-s camarades, nous ne pouvons nous résoudre à la situation du monde et il n’est pas de réponse simple aux crises que nous traversons. Mais nous savons qu’il y a des choix possibles, soit la concurrence, l’injustice et la domination, soit l’égalité, la coopération et la solidarité.
En ce sens, les enjeux du développement, ceux des ressources et biens communs universels, de l’éducation, de la santé, de la souveraineté alimentaire, du droit à l’énergie sont avec le désarmement les éléments clés de la bataille pour la paix.
De même la lutte solidaire contre le réchauffement climatique n’obérant pas la capacité des pays émergents dans leur développement, la lutte contre la dérégulation et contre les traités de libre-échange sont les voies qui concourent à construire ce monde de paix qu’on nous dit sans cesse illusoire. Le grand sommet sur le climat se tiendra à Paris. Le PCF a décidé de s’adresser à toutes les forces avec qui il travaille à l’international pour préparer le forum.
Oui « l’affirmation de la paix » est aujourd’hui « le plus grand des combats » car tout est fait pour empêcher les peuples de l’espérer et de la construire. Tout au contraire est facteur de division. On nous dit qu’un « monde sans leader » ne peut pas fonctionner et qu’à tout prendre, il faut accepter qu’il y ait un chef, que ce soit les États-Unis et leurs alliés dans l’OTAN.
Il ne faut pas nous laisser impressionner : un monde sans chef ne veut pas dire un monde sans loi ni droit. Ce dont nos peuples ont besoin c’est d’égalité et d’égalité devant le droit international comme d’égalité dans le droit au développement, de partage des ressources et des richesses, de démocratie.
Nous, communistes français, serons présents sur tous ces fronts en même temps et avec toutes celles et tous ceux prêts à agir, penser, imaginer avec nous en France, en Europe et partout dans le monde.
Les défis sont immenses et le capitalisme, incapable de répondre à la satisfaction de tout le genre humain, nous pousse à inventer de nouveaux modes de développement et de production, à amorcer la transition écologique, assurer l’éducation, la santé, la formation pour tous qui seront à la fois le chemin de la paix et son fruit.
Chers amis,
Nous prenons les faits tels qu'ils sont, mais comme nous le savons tous, il n’y a pas de changements majeurs, sans la capacité de penser différemment.
Ceux qui, comme nous, veulent changer le monde ont besoin de cette ambition.
Et cette ambition, nous l’avons ...
Ainsi, ensemble, nous allons changer le monde.
Vive le parti communiste d’Equateur,
Vive l’Amérique Latine,
Vive les partis communistes
source: PCF Monde