Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso, les Président du Conseil et de la Commission européenne sont aujourd’hui au Canada pour un sommet Union européenne – Canada qui devait acter la conclusion des négociations d’un grand accord de commerce avec le Canada. Mais l’opposition allemande au système des tribunaux privés permettant de condamner un État empêchant de faire des affaires vient effriter les positions de la Commission.
Le nouvel accord de commerce avec le Canada, le CETA pour « Comprehensive Economic and Trade Agreement » (Accord économique et commercial global), se différencie des précédents accords de commerce en ce qu’il va bien au-delà de la seule négociation de baisses de tarifs douaniers. Ceux-ci étant déjà extrêmement bas c’est à tous les autres obstacles qu’il s’attaque: des normes de productions industrielles, à l’ouverture des marchés publics des deux côtés de l’Atlantique en passant par le respect des appellations d’origines protégées des produits agricoles. Ce nouveau type d’accord dit « global », en ce qu’ils s’attaquent à de nombreux aspects, est négocié en ce moment même avec d’autres géants industriels comme le Japon et surtout les États-Unis dont l’accord avec le Canada est le précurseur.
Pour les tenants du libre-échange qui voient en un grand marché transatlantique le Graal d’une concurrence pure et parfaite entre Américains et Européens, la conclusion du CETA est donc une première étape primordiale.
Primordiale car elle pose les jalons de tous les chapitres en négociations en ce moment même avec les États-Unis: l’ouverture des marchés publics; la concurrence sans merci entre productions industrielles, agricoles et services; une harmonisation rampante de nos standards de production, environnementaux et de santé par le droit et la concurrence; le tout chapeauté par un système de tribunaux privés qui met États et entreprises au même niveau lors de litiges, plutôt que de passer par les tribunaux locaux.
La mobilisation engagée par les forces progressistes européennes contre ce type d’accord destructeur commence finalement à payer puisque sous la pression des syndicats allemands, le ministre allemand de l’économie, Sigmar Gabriel a annoncé ce jeudi qu’il bloquerait tout accord avec le Canada qui comprendrait un mécanisme de protection des investissements via des tribunaux privés.
On peut se féliciter de cette déclaration qui vient perturber le sommet UE-Canada au point que les partisans d’un accord avec les États-Unis commencent à s’inquiéter. Mais ce refus confirme juste l’attachement des Allemands à la souveraineté de leur justice et surtout ne remet pas en cause le principe d’un grand marché transatlantique, juste un aspect.
Tant que l’Allemagne s’opposera aux tribunaux privés, ou à un affaiblissement de la protection des données personnelles, les Européens seront protégés sur ces aspects. Mais que fait le gouvernement français sur ces questions? Et que fait-il pour protéger notre agriculture, nos entreprises, nos services publics, nos travailleurs face aux appétits des entreprises américaines, canadiennes mais aussi européennes?
Le débat politique français ne s’est pas encore saisi de ces questions, alors que partout en Europe on se préoccupe de ces accords qui représentent de vrais choix de société. Le PS comme l’UMP qui soutiennent ces accords avec les États-Unis et le Canada doivent sortir des discours rassurants que les négociateurs de la Commission nous assènent lorsqu’ils daignent lever un coin du voile lorsqu’ils sont auditionnés par la commission du Commerce international du Parlement européen et dont je fais partie.
Poser les conditions du débats, en rendant public les informations qui nous sont cachées, en décryptant leur contenu et en alertant; défendre nos droits et nos souverainetés populaires: tels sont les objectifs que je me suis fixé pour cette nouvelle législature en tant que député européen.
source:http://www.patrick-le-hyaric.eu/van-rompuy-et-barroso-au-canada-pour-poser-les-jalons-du-grand-marche-transatlantique/