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Disparition de Samih al-Qasim, poète de la résistance

Pendant ces presque deux mois de bombardements israéliens, la population de Gaza s’est certainement inspiré de Samih al-Qasim, journaliste, éditeur et surtout poète palestinien disparu le 19 août dernier, à l’âge de 75 ans. Il faisait partie des « poètes de la résistance ». Très connu dans le monde arabe, il l’était moins en-dehors. Nous avons demandé à Bissan Abou Khaled, poétesse palestinienne vivant en Belgique, de nous éclairer.

Luc Vancauwenberge

Qui était Samih al-Qasim ?

Bissan Abou Khaled. Il était l’une des figures les plus marquantes des « poètes de la résistance ». Il est l’auteur d’une trentaine de livres de poésie, de plusieurs romans, de recueils de pièces de théâtre et d’essais. Son œuvre fait partie de la culture palestinienne de combat. Beaucoup d’Arabes connaissent certains de ses textes par cœur. Sa poésie est chantée par Marcel Khaliffa, le célèbre chanteur libanais. C’était un véritable résistant, non seulement dans sa poésie, mais aussi dans sa vie de tous les jours. En 1960, il s’attire déjà les foudres des autorités israéliennes lorsqu’il refuse de faire son service militaire (il est d’origine Druze, et Israël veut semer la division en faisant une distinction entre les Palestiniens druzes et les arabes, ces derniers étant exclus du service militaire, auquel sont cependant liés beaucoup de droits). En 1967, il rejoint le Parti communiste. Il organise des rencontres mensuelles dans toutes les villes arabes en Israël, ce qui eu un impact non négligeable sur la culture palestinienne. C’était un exemple de courage, de persévérance. Sa poésie a été interdite par l’occupant israélien, il a perdu son boulot d’enseignant, a été emprisonné plusieurs fois ainsi qu’assigné à résidence. Mais, contrairement aux autres poètes de la résistance, il a toujours refusé de quitter sa terre natale, situé à Rama, au nord de l’actuel Israël. Il a déclaré à ce propos : « J’ai choisi de rester dans mon pays pas parce que je m’aime moins, mais parce que j’aime plus mon pays ».

Samih al-Qasim était un grand ami de Mahmoud Darwish, autre géant de la poésie palestinienne.

Bissan Abou Khaled. Ils formaient les deux ailes d’un oiseau. Dans les années 1980, ils échangeaient des messages qui étaient publiés chaque semaine et qui ont été rassemblés dans un livre. Ces échanges font partie de la plus belle littérature de la poésie arabe. Lui était en Palestine, Darwish à Paris. A la fin d’un de ses messages, Darwish termine : « Je vois un visage de la liberté entouré de deux branches d’olivier... Je le vois sortir d’une pierre. Ton frère Mahmoud Darwish – Paris, 5 août 1986 ».

Quelle était sa vision politique?

Bissan Abou Khaled. Samih al-Qasim avait une vision progressiste de la société. Ce qui explique son adhésion au Parti communiste et son rôle important dans la presse communiste. C’était un fervent partisan de l’unité palestinienne, il était le premier druze palestinien à refuser de faire son service militaire. Et il a poursuivi son combat contre la conscription forcée des Palestiniens druzes dans une tentative d’Israël de séparer les Palestiniens druzes de leurs compatriotes arabes.

Il cherchait une solution pour tout le monde, juifs et Arabes, mais, en même temps, il se montrait ferme quant à l’attachement des Palestiniens à leur terre. Dans un de ses textes il écrit: « « Mais dis-lui aussi que la force qui pousse la vie / à sortir de la graine semée / est plus dure que le roc ; dis-lui que nos racines / plongent loin dans le sein de cette terre...”

Lorsqu’on lui demandait ce que cela signifiait pour lui d’être considéré comme un poète de la résistance, il déclarait : « On m’a collé cette étiquette, mais j’en suis fier. Je suis un poète de la résistance, et pas seulement de la résistance arabe ou palestinienne. Je suis un poète de la résistance internationale. »

Il considérait sa poésie comme un travail révolutionnaire capable de mobiliser le peuple. Dans l’une de ses dernières interviews, il déclarait : « Je peux être fier d’avoir participé aux changements. Tous mes amis, tous mes collègues, les révolutionnaires, qui ont beaucoup souffert, méritent le crédit de faire l’histoire. »1

1 www.middleeasteye.net/essays/samih-al-qasim-and-language-revolution-1095441705

Samih Al-Qasim, un homme qui ne plie pas, qui ne cède pas, qui contrarie, qui combat
Le poète était très célèbre dans les pays arabes. Voici ce qu’écrivait le journal algérien Quotidien d’Oran après l’annonce de sa disparition : « Samih Al-Qassim est un résistant. Dans tous les sens du terme, un homme qui ne plie pas, qui ne cède pas, qui contrarie, qui combat. Sans être un surhomme. Juste en étant un homme, qui aime la terre, le pain, les choses de la vie. » Les Palestiniens sont attachés à leurs grands poètes car « leur voix est une thérapie contre l’oppression. Des voix qui reconstruisent continuellement, dans la colère, dans l’amour, dans l’odeur du pain et du café au matin, dans le geste pudique et tendre de la mère, un pays volé et interdit. Ils deviennent ainsi les créateurs d’une mémoire vivante, des constructeurs et des accumulateurs de sens pour un peuple mené d’un absurde à l’autre, d’une injustice à l’autre ».

Je résisterai

Par Samih al-Qâsim

Je perdrai peut-être – si tu le désires – ma subsistance
Je vendrai peut-être mes habits et mon matelas
Je travaillerai peut-être à la carrière comme porte faix, balayeur des rues
Je chercherai peut-être dans le crottin des grains
Je resterai peut-être nu et affamé
Mais je ne marchanderai pas
O ennemi du soleil
Et jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je résisterai.

Tu me dépouilleras peut-être du dernier pouce de ma terre
Tu jetteras peut-être ma jeunesse en prison
Tu pilleras peut-être l’héritage de mes ancêtres
Tu brûleras peut-être mes poèmes et mes livres
Tu jetteras peut-être mon corps aux chiens
Tu dresseras peut-être sur notre village l’épouvantail de la terreur
Mais je ne marchanderai pas
O ennemi du soleil
Et jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je résisterai.

Tu éteindras peut-être toute lumière dans ma vie
Tu me priveras peut-être de la tendresse de ma mère
Tu falsifieras peut-être mon histoire
Tu mettras peut-être des masques pour tromper mes amis
Tu élèveras peut-être autour de moi des murs et des murs
Tu me crucifieras peut-être un jour devant des spectacles indignes
O ennemi du soleil
Je jure que je ne marchanderai pas
Et jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je résisterai.

source:http://www.solidaire.org/index.php?id=1340&L=0&tx_ttnews[tt_news]=38949&cHash=48c07517c2d2036762b36e9f4b118b04

Tag(s) : #moyen orient

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