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ANDALOUSIE: LES IRRÉDUCTIBLES "SANS TERRE" DE SOMONTE ( Jean Ortiz)

Nous arrivons à Somonte, entre Séville et Cordoue, en même temps que la patrouille quotidienne de la Garde civile. Les pandores viennent harceler le petit groupe d’irréductibles « jornaleros » (ouvriers agricoles) qui occupent cette propriété (540 hectares) depuis le 4 mars 2012. Le gouvernement andalou, propriétaire, voulait la vendre aux enchères...

Somonte, quel joli nom pour un plateau caillouteux ! En face la Sierra Morena. C’est tout.

Un lieu de nulle part. Pepe, Francisco, Rafa, Beatriz... qui nous accueillent, vivent ici dans des conditions très dures et précaires, l’occupation au quotidien. Sur les murs des quelques bâtiments, des slogans : « Somonte, para el pueblo » (Somonte pour le peuple), et une citation de prêtre militant Diamantino Garcia, l’un des fondateurs du SOC (Syndicat des ouvriers agricoles) dans les années 1970 : « Il n’y a pas de causes perdues, il n’y a que des causes difficiles, mais tellement justes qu’un jour nous les gagnerons. » Dans ce paysage ratatiné par le soleil, la « huerta » (le potager) apparaît encore plus verte.

Des alignements impeccables de pieds de tomates, de poivrons, de laitues, et au loin un tracteur rebelle, qui prépare la terre pour semer la « cebada » (l’orge) et le blé. Une quarantaine de brebis indisciplinées paissent à leur guise. Un âne surveille ce qui n’est pas un troupeau. Les villages environnants (La Campana, Posada, Fuente, Palma del Río), d’une blancheur aveuglante, majoritairement dirigés par Izquierda Unida, semblent peu concernés.

Les « Sans Terre » du SAT (Syndicat Andalou des Travailleurs) ne revendiquent pas la terre pour eux ; ils veulent qu’elle soit publique. Ils demandent au gouvernement andalou de leur céder Somonte, pour pouvoir y travailler. Le SAT, comme Izquierda Unida lors de la campagne aux élections (autonomiques), propose la création d’une « Banque publique de la terre », une sorte de « bourse de la terre », afin qu’elle soit gérée par des coopératives, par des projets municipaux, par la Junte (gouvernement andalou actuellement PSOE/IU), etc.

Andrés Dobalo, casquette guévariste vissée sur le crâne, plusieurs fois traîné devant les tribunaux, emprisonné pour des occupations, est actuellement « recherché », victime de l’acharnement d’une juge réact. Lui, l’un des piliers du SAT, ajoute que son syndicat « défend un modèle alternatif de gestion de la terre, alors que les grands propriétaires, aujourd’hui, spéculent avec ce bien de la nature ».

Scandale des scandales, le gouvernement andalou reçoit annuellement de l’Europe 400 000 € de subventions pour Somonte, qu’il ne reverse évidemment pas aux Sans Terre. En plus d’être lourde, l’occupation coûte cher, et pour l’exploitation, il faudrait créer une retenue d’eau, investir dans une pompe et des canalisations, acheter du matériel agricole, etc. Cette année, le SAT a dû payer 150 000 € d’amendes pour « atteinte au droit de la propriété ». Répression, répression...

Lorsque je m’étonne du petit nombre d’occupants, Beatriz me répond que pour être plus nombreux, il faut de l’argent, de la nourriture, aider ceux qui occupent... et la « huerta » ne peut nourrir que 5 ou 6 personnes. Le reste de la production est vendue par « cestas básicas » (paniers) directement tous les 15 jours à des groupes de consommateurs, ou sur les petits marchés. Ce système garantit la qualité et le prix des produits.

Les occupants ont parfois des coups de blues, mais « l’insoumis judiciaire » Diego Cañamero Valle, la figure publique du syndicat, se veut optimiste : « Ces fronts de lutte produisent de l’espoir, de l’esprit de résistance » ; « Nous reprenons l’offensive sur les valeurs ». Je l’interroge sur pourquoi Marinaleda, Somonte, essaiment peu. « Le capital sait s’organiser, s’adapter », répond-il. Il a fallu 30 ans pour que les gens se rendent compte que c’était possible. Nous avons créé « COOP 57 », une coopérative de crédit alternatif. Chacun peut présenter des projets, à des fins sociales évidemment, et obtenir un financement sans intérêt. La peur commence à changer de camp ».

Nous quittons Somonte convaincus que ce combat mérite une solidarité plus large et plus concrète. « Somonte pour le peuple », mais aussi pour tous ceux qui rêvent d’utopies en actes, et qui se mettent à marcher.

source:http://www.humanite.fr/blogs/andalousie-les-irreductibles-sans-terre-de-somonte-552991

Tag(s) : #syndicat, #europe

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