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08 Août 2014
Exclusif i24news: le député communiste explique que son parti est un pont entre les deux communautés
Vers la fin de sa campagne municipale en 2008, tous les conseillers du député Dr Dov Khenin lui ont indiqué qu'il devait faire la traditionnelle tournée du quartier du marché Hatikva dans le sud de Tel Aviv. Khenin y était réticent. Il avait toujours en tête l’image de politiciens plus modérés et moins controversés allant les yeux fermés dans ce piège ressortant ressortant avec leur ego meurtri de cette forteresse de la droite. Hanin, en outre, est un communiste, gauchiste forcené et membre de longue date de Hadash (l’ancien parti communiste) - le seul parti bi-national judéo-arabe en Israël.
Une trinité idéologique impie aux yeux de nombreux Israéliens. Mais il a finalement accepté.
Ce qui s’en suivit fut véritablement surprenant. Dès qu'il a mis les pieds dans les rues étroites du marché coloré, quelqu'un l'a immédiatement reconnu. "Voici le fils de l’institutrice", ont-ils crié ; "Le fils de Shula". C'est certainement ce qui a fait la différence. La mère de Hanin, militante communiste de toujours, fut pendant de longues décennies une légendaire institutrice au coeur de la droite dure. Ils l'aimaient et elle les aimait.
Les gens passent avant l'idéologie. Une partie de cette aura a déteint sur le fils prodigue. Il a terminé sa tournée triomphalement, fait un score assez impressionnant aux élections même s’il n’a pas gagné. Il est donc resté député du Parlement, seul Juif sur sur les quatre membres de la liste arabe.
“Je suis conscient de la complexité de cette situation", a-t-il dit dans une interview à i24news en plein milieu de la guerre à Gaza ; nous nageons certainement à contre-courant. Plus que jamais les Juifs ont peur des Arabes; et les Arabes sont plus que jamais découragés par les Juifs. Notre projet est aujourd’hui encore moins populaire."
Q - Vous abandonnez ?
- On va dire cela de la manière suivante: nous sommes le pont entre les deux communautés. Le pont est en train de s'effondrer, et seul un petit groupe de gens y demeure qui tente de le sauver, en le protégeant des tentatives de part et d'autre pour le détruire. Lorsque mon petit-fils me demandera dans 30 ans : «Grand-père, où étais-tu alors", je veux être capable de lui dire : “J'étais sur le pont à essayer de transmettre un message différent".
Q - Quel est ce message maintenant?
- C’est - comme le disent les marxistes : “le socialisme ou la barbarie”, la barbarie étant actuellement le plus réaliste. Et le socialisme ne peut exister que sur la base de cette coopération bi-nationale.
Q : Le nationalisme et le sentiment national peuvent-ils être écartés, même en temps de guerre, comme celle de Gaza?
- Je me considère comme étant une personne avec un fort sentiment national. Vraiment. J'aime mon peuple et je suis fier du fait que mon peuple a toujours été ouvert aux autres. J'aime le pays, la tradition et me sens partie intégrante de notre culture nationale. Je suis fier de lui. Pourtant, je me sens beaucoup plus proche d'un militant pour la paix palestinien que d’une députée comme Miri Regev (nationaliste de l'aile droite du Likoud), mais je suppose qu'elle et moi célébrons la Pâque de façon très similaire. Je connais aussi les écrits et poèmes de Jabotinsky beaucoup mieux que tous les membres du Likoud.
Q : Tous, y compris le Premier ministre Benyamin Netanyahou?
- Non, sauf Netanyahou. Il est très intelligent. Je parle de temps en temps avec lui et je dois dire que les gens ont tort de penser que c’est juste un opportuniste. Il ne l'est pas. Il a une idéologie profondément ancrée. Que je n'aime pas ça, mais elle est bien là.
- Q : Est-il possible d'adopter des valeurs universelles au point de dire qu’une victime de guerre israélienne et une victime de guerre palestinienne sont la même chose pour vous?
- Je réponds individuellement à chaque tragédie. Je suis honnête avec vous. Mon cœur se brise dans les deux situations.
- Q : Vous vous proclamez vous-même non sioniste. Que pensez-vous de la gauche sioniste?
- Je pense qu'elle opère dans le cadre d’un ensemble de contradictions qui, par définition, la fait aller dans la mauvaise direction.
Q : Vous voulez dire comme le fait que vous avez mené activement la protestation contre la guerre à Gaza alors que la gauche sioniste, même si elle n’est pas satisfaite de la conduite de cette guerre, a gardé le silence?
- Cela également. Les leaders de ce camp savent parfaitement bien que cette guerre a été un désastre, mais leur ADN ne leur permet pas de l'exprimer. Et pourtant, il est essentiel aujourd’hui de coopérer. Il y a un certain sentiment d'urgence dans la gauche israélienne.
Q : La gauche retrécie, vous voulez dire ?
- Je ne suis pas de ceux qui se lamentent à gauche. Il s’agit juste pour la gauche d’apprendre à parler aux gens. C'est la droite qui est en difficulté ; elle n'a pas de réponse pour expliquer là où elle veut aller. La gauche, quant à elle, a des réponses, il lui manque juste les compétences nécessaires pour les livrer au public. Fondamentalement, la gauche n’est pas une vraie gauche. Il s'agit d'un camp libéral. Et si nous sommes maintenant confrontés à un danger intérieur fasciste, il est important de reconnaître le fait que les libéraux n'ont jamais remporté la bataille contre le fascisme. Il faut une coalition beaucoup plus large, avec le socialisme en son centre, pour ce faire.
Q : Jusqu'à présent, vous n'avez jamais mentionné le mot “communisme”. Par peur de paraître obsolète?
- Pas vraiment. Le “socialisme” et le “communisme” sont pour moi synonymes, tandis que le communisme exige un engagement à quelque chose de beaucoup plus large. La volonté des gens de changer les choses n’a pas encore été réalisée.
- Q.-Vous devez vous sentir bien seul d’être le seul Juif du secteur arabe de la Knesset ? (NDLR : Parlement israélien).
- Pas vraiment. Il y a beaucoup de militants juifs dans le parti. Le plus gros problème est que nos représentants arabes souffrent d'une image déformée. Le chef du parti, le député Muhammad Barakeh n’a reçu aucune couverture médiatique de sa visite à Auschwitz et pour avoir assisté aux funérailles de la première victime juive d’une roquette Qassam à Sderot. Aux yeux des Israéliens, un Arabe est un Arabe. Un point c’est tout.
Q : Peut être que pour les Arabes, vous êtes parfois seulement “un Juif”, un point c’est tout. Surtout quand les sentiments nationaux sont à leur paroxysme, comme tout au long de la guerre à Gaza.
- Je ne le pense pas. Ils sont une minorité et beaucoup plus sensibles aux distinctions au sein de la société juive. Ils ne partagent pas le consensus hégémonique de la société juive israélienne en fait. Je ne peux pas dire que cela n'existe pas, mais je ne l'ai jamais rencontré.
Q : Ce partenariat pourrait prendre fin avec l’entrée en vigueur de la nouvelle législation du seuil électoral qui laisserait les petits partis arabes à l'extérieur du parlement.
- Cette nouvelle loi vise à réduire à néant l'option judéo-arabe. Les autres partis arabes vont s'unir et former un bloc. C'est uniquement le parti binational qui risque de disparaître. Nous cherchons des moyens pour nous ré-inventer.
Q: - La guerre à Gaza s’est accompagnée d’une effrayante rhétorique antidémocratique, anti-arabe et anti-gauche. Comment voyez-vous ce phénomène?
- La vraie question devrait être comment, après des décennies de conflit national amère, Israël préserve-t-il un espace démocratique?
Regardez ce qui s'est passé avec les droits civiques aux Etats-Unis juste après le 11-Septembre. Nous avons une série de "11 septembre". En plus notre système politique ne fournit pas les réponses adéquates aux problèmes. Jean Jaurès a dit : “quand les gens ne peuvent pas changer les choses, ils changent les mots". De la frustration sont nés des slogans anti-démocratiques. Mais les Israéliens ne peuvent mettre la main sur Muhammad Deif (l’architerroriste responsable de la guerre du Hamas) et le frapper, alors qu’ils peuvent s’emparer de n'importe quel Arabe et le battre à sa place.
Le potentiel démocratique de ce pays doit se traduire en acte politique. J’y travaille.
Lily Galili est analyste de la société israélienne. Elle a cosigné un livre, "Le million qui a changé le Moyen-Orient" sur l'immigration d'ex-URSS vers Israël, son domaine de spécialisation.
source:http://www.i24news.tv/fr/actu/israel/politique/39578-140808-dov-khenin-seul-juif-du-parti-judeo-arabe