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Mise en ligne : mercredi 16 juillet 2014
C’est une première. La Coalition de la Gauche Unie a fait une percée remarquée lors des élections du 13 juillet, obtenant 6% des voix et 7 députés. Dans un lourd contexte de crise, la Slovénie a ainsi vaincu le « cercle infernal » de l’anticommunisme hérité de la désintégration de la Yougoslavie.
Le commentaire à chaud de Gal Kirn, animateur de la Workers and Punks University.
Par Gal Kirn
Tous les commentateurs ont estimé que que le score de la Gauche unie représentait la plus grande surprise du scrutin. Mais le chemin fut difficile, car dès le début de la campagne, la Coalition de la Gauche unie avait été marginalisée.
Après des années d’un approfondissement de la crise du capitalisme, des mesures d’austérité et des politiques de privatisations (ces derniers mois, des compagnies importantes et rentables, comme Helios et Mercator, ont été vendues au rabais, mais la liste des privatisations à venir est longue), les manifestations de l’an dernier, les fractures au sein de la coalition, tout cela a provoqué ces élections anticipées.
LA décision d’appeler aux urnes en plein été a mis sous pression tous les nouveaux partis, la Coalition de la Gauche unie, le Parti Pirate et d’autres. Comment organiser une campagne électorale en un mois, avec de très modestes ressources, une petite infrastructure locale et une presse peu favorable n’offrant de la visibilité aux petits partis qu’à de rares occasions ? Les médias de l’establishment n’ont donné la parole à la Coalition de la Gauche unie qu’au cours des débats avec d’autres partis qui n’ont pas de représentation parlementaire. Et surtout, ces élections ont été organisées en plein été, quand beaucoup de nos concitoyens étaient en vacances, ou bien avaient les yeux rivés sur la Coupe du monde de football.
Toutefois, nous étions déterminés à ne pas simplement suivre la routine bien rodée des médias et partis politiques, mais à mettre en place une campagne de terrain, au cœur des activités locales, à toucher les militants locaux et les sympathisants de la Gauche unie, à dialoguer face-à face, à organiser des rencontres partout en Slovénie pour créer une base pour l’avenir. De ce point de vue, cette façon de faire était très précieuse : nous avons réussi à sortir de Ljubljana, de Maribor et des quelques milieux urbains où nous avions déjà marqué des points lors des élections européennes du mois de mai (5,5%). Nous étions la seule force politique avec un programme de propositions concrètes pour une sortie de crise et la mise en place de nouvelles formes d’organisations : coopératives, gestion ouvrière, effacement de la dette, contrôle démocratique des banques et des grandes compagnies publiques... Un mot d’ordre : la fin des privatisations. Les circonstances de la privatisation de Mercator, achetée par la compagnie étrangère Agrokor pendant les dernières semaines de la campagne électorale, a montré deux choses : la Gauche unie a réussi à mobiliser l’opinion publique, et sans pression politique sur les partis traditionnels, il est difficile de donner un coup d’arrêt aux privatisations.
Durant longtemps, les intentions de vote en notre faveur sont restées bloquées aux alentours de 2,5%. Loin derrière tous les grands partis traditionnels, et loin de notre but initial, franchir la barre des 4% pour avoir une représentation au Parlement. Un autre nouveau parti centriste et issu de la mouvance libérale a pris position pour plus de moralité et de respect de la loi et contre la corruption : le Parti de Miro Cerar. D’une manière un peu surprenante, ce parti au discours moralisant et légaliste a totalisé 35% des voix et a été présenté dans tous les médias comme un franc succès, ainsi que le reflet du mécontentement contre les partis officiels et la corruption. Dans la dernière semaine de la campagne, son chef de file, Miro Cerar, a été épinglé pour avoir tenu un discours hostile au mariage homosexuel, au droit à l’avortement et à d’autres sujets sensibles. Ces propos ont révélé le côté conservateur de cette « haute moralité » occupant l’espace traditionnel de la droite et de la gauche.
Ce nouveau parti centriste nous posait un véritable défi : comment affirmer notre position non seulement comme porte-parole des déçus des partis politiques existants, mais comme la voix qui s’élevait contre l’ordre économique actuel et offrait une alternative plus radicale, allant au-delà « des privatisations transparentes et morales » ? En plus de notre travail sur le terrain, la Coalition de la Gauche unie a bénéficié d’un coup de chance la dernière semaine de la campagne. Un des coordinateurs les plus en vue de notre parti, Luka Mesec, a été invité au dernier débat avec tous les autres partis sur une chaîne commerciale, la très populaire POPTV. La présentation des arguments, une conscience politique nouvelle et la voix critique de notre parti, la Coalition de la Gauche unie, ont surpris et marqué un tournant dans les pronostics électoraux en mettant notre popularité à 4% des prévisions. Dans les tous derniers jours de la campagne, des personnalités, des intellectuels en passant par des militants de la société civile et des musiciens, ont pris parti pour la Gauche unie.
Alors que les derniers résultats de l’étranger se font encore attendre, voici les résultats : le vainqueur est le parti de Miro Cerer (34,6 %). Le Parti des démocrates slovènes (SDS) de Janez Janša, l’ancien Premier ministre actuellement sous les verrous pour corruption, arrive en seconde position avec 27,7 % des voix. Desus, un parti de retraités, arrive troisième avec 10,2%. Puis, la Coalition de la Gauche unie avec 6%, suivie par les Démocrates slovènes avec 5,9%. La sixième place revient au parti catholique de la Nouvelle Slovénie avec 5,5%. Enfin, l’Alliance d’Alenka Bratušek, Premier ministre sortant, avec 4,3%.
Nous pouvons déjà dire que la Coalition de la Gauche unie est le parti choisi par ceux qui votent pour la première fois, et par ceux qui votaient auparavant selon le principe « du moindre mal ». Au-delà de la dominante binaire pro ou anti-Janša, ce vote est la voix critique de ceux qui rejettent la solution néo-libérale de la crise. Ce n’est qu’un début. Nous avons ouvert les portes d’un avenir qui doit être reconstruit pour sortir des griffes du néo-libéralisme.
source : http://balkans.courriers.info/article25301.html