Cuba est le seul pays à disposer d'un programme scientifique et technologique gouvernemental sur le cerveau

Pratiquement toutes les sciences convergent aujourd'hui dans la recherche sur le cerveau, depuis la biologie moléculaire, la génétique, la bioinformatique, les mathématiques, la physique et les neurosciences en général jusqu'aux études psychologiques et sociales

Auteur: Orfilio Pelaez | informacion@granma.cu

31 mai 2022 11:05:29

Le développement accéléré de la neuro-imagerie a permis d'approfondir nos connaissances sur les fonctions de chaque zone spécifique du cerveau.

Illustration : AVEC L'AIMABLE AUTORISATION DE L'INTERVIEWÉ
Les projets de cartographie du cerveau ont vu le jour dans les années 1990 avec pour mission d'approfondir la compréhension de l'anatomie et du fonctionnement du cerveau à l'aide d'équipements de neuro-imagerie performants, notamment l'imagerie par résonance magnétique et la tomographie axiale informatisée.
En entreprenant des recherches aussi prometteuses, les neuroscientifiques cherchent à comprendre toute l'étendue du rôle joué par chacune des structures de l'organe le plus complexe de l'être humain, comment elles participent au fonctionnement du cerveau dans son ensemble, le comportement des interconnexions neuronales et autres énigmes à décrypter, afin de progresser dans le diagnostic précoce des maladies neurologiques et psychiatriques, et de parvenir à des traitements plus efficaces de ces affections.
Pour connaître l'état des études sur le sujet au niveau international et le travail de Cuba dans ce domaine, Granma a contacté le Dr ès sciences Pedro Valdés Sosa, chercheur au Centre cubain de neurosciences (Cneuro), responsable du Projet cubain de cartographie du cerveau et directeur du Laboratoire conjoint Chine-Cuba de neuro-technologie, créé en juillet 2015 et basé dans la ville de Chengdu.

- Quelles sont les caractéristiques distinctives des projets de cartographie du cerveau et quels sont les résultats les plus pertinents ?
- Presque toutes les sciences convergent aujourd'hui vers la recherche sur le cerveau, qu'il s'agisse de la biologie moléculaire, de la génétique, de la bio-informatique, des mathématiques, de la physique et des neurosciences en général ou des études psychologiques et sociales.
La principale caractéristique des projets mondiaux est la cartographie spatiale de cet organe dans tous ses aspects, y compris, par exemple, l'épi-génétique, l’analyse protéomique, le flux sanguin, l'activité électrique et magnétique.
Grâce au bond technologique vertigineux de la neuro-imagerie, il est désormais possible de cartographier le cerveau en trois dimensions, qui peuvent varier dans le temps, de quelques millisecondes, ou atteindre une durée égale à la vie d'une personne.
Sur la base du développement d'une autre branche scientifique importante d'aujourd'hui, la neuro-informatique, des bases de données sont créées à partir de la neuro-imagerie et d'autres informations recueillies sur le cerveau, dont le traitement et l'analyse deviennent des outils essentiels pour les travaux de recherche des scientifiques.
Compte tenu du fait que les thérapies géniques et pharmacologiques ne pourront pas éviter complètement les séquelles motrices et les handicaps laissés par les accidents vasculaires cérébraux et autres événements, les neurosciences ouvrent de nouvelles perspectives pour améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de ces handicaps, en mettant à la portée de la médecine des solutions qui, il y a seulement une vingtaine d’années, n'étaient conçues que dans le cadre de la science-fiction (création d'organes bioniques, dispositifs électroniques capables d'interagir avec le système nerveux).
 Parmi les principaux résultats des projets de cartographie cérébrale qui ont atteint un niveau de détail sans précédent, on peut citer la création de la carte cérébrale la plus précise du cortex moteur, la zone liée au mouvement, par l'Institut Allen, aux États-Unis, et la reconstruction du cerveau d'une femme décédée, sur un ordinateur à une résolution de 20 microns par le scientifique Alan Evans de l'Institut neurologique de Montréal, au Canada, et Katrin Amunts, directrice scientifique du Projet européen sur le cerveau.
Cet atlas est connu sous le nom de Big Brain, qui est enrichi de données provenant de sources multiples, un projet auquel Cuba et le Laboratoire conjoint Chine-Cuba collaborent activement.
Je dois souligner que toutes les données obtenues par les différents projets de cartographie cérébrale sont partagées ouvertement, dans le cadre du mouvement Open Science, ainsi que du mouvement des logiciels libres. Ces ressources sont vitales pour la santé publique et le développement de la biotechnologie.

- Où en est le Projet cubain de cartographie du cerveau ?
- Cuba a été l'un des premiers pays à réaliser un projet de cartographie du cerveau dans les années 1990, mais uniquement avec un électroencéphalogramme. Nous avons ensuite entrepris une deuxième phase en 2004, intégrant l'imagerie par résonance magnétique, et en 2019, nous sommes devenus le seul pays à disposer d'un programme national scientifique et technologique gouvernemental sur le cerveau.
Notre projet entretient de solides liens d'échange et de coopération avec d’autres projets menés dans le monde, et dans certains domaines, nous avons atteint une position reconnue par la communauté scientifique internationale liée à cette sphère.
Parmi les contributions significatives, on peut souligner le fait d'avoir réussi à caractériser, pour une tranche d'âge de 15 à 60 ans, l'épaisseur corticale et les connexions cérébrales du Cubain typique, des informations utilisées dans l'étude des patients souffrant d'épilepsie, de troubles du langage, de comportements violents, de schizophrénie et de diverses maladies neuropsychiatriques et neuro-dégénératives.
- Quels sont les résultats du Laboratoire conjoint Chine-Cuba de neurotechnologie ?
- Les recherches du laboratoire ont largement contribué aux projets mondiaux de cartographie du cerveau, et ont fait l'objet de plus de 60 articles scientifiques publiés dans des revues à fort impact telles que Nature Scientific Data, et plus récemment dans la National Science Review, sur l'effet de la covid-19 sur le cerveau, ainsi qu'une partie de la collaboration qui a conduit au récent article dans la revue Nature.
Sous sa direction, un nœud de calcul à haute performance a été créé pour le traitement des données neuro-informatiques du projet de collaboration entre Cuba, la Chine et le Canada, lié à la détection précoce des affections neurologiques et à la gestion du vieillissement cérébral, et la création d'une station universitaire pour la médecine de précision, à laquelle participent cinq universitaires de mérite de l'Académie des sciences de Cuba.

source : https://fr.granma.cu/cuba/2022-05-31/cuba-est-le-seul-pays-a-disposer-dun-programme-scientifique-et-technologique-gouvernemental-sur-le-cerveau