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Le blocus économique contre Cuba est comme la pandémie de COVID-19. Ce n’est pas moi qui le dis, c'est ce que l'on déduit de ce que Joe Biden a déclaré – et n’a cessé de répéter – ces derniers jours. Selon le président étasunien, les difficultés économiques que traverse son pays sont dues au fait que la pandémie de COVID-19 provoque de graves problèmes dans la chaîne d'approvisionnement
Auteur: Antonio Rodríguez Salvador | internet@granma.cu
4 février 2022 09:02:24
Le blocus économique contre Cuba est comme la pandémie de COVID-19. Ce n’est pas moi qui le dis, c'est ce que l'on déduit de ce que Joe Biden a déclaré – et n’a cessé de répéter – ces derniers jours. Selon le président étasunien, les difficultés économiques que traverse son pays sont dues au fait que la pandémie de COVID-19 provoque de graves problèmes dans la chaîne d'approvisionnement.
Les interruptions constantes du flux des marchandises ont entraîné un ralentissement de la croissance économique, une inflation qui atteint désormais des niveaux records, une baisse des importations, des pénuries de matières premières et des ruptures de stock impopulaires dans certaines chaînes de supermarchés : un sujet devenu tendance sur twitter ces derniers temps avec le hashtag #BareShelvesBiden (BidenRayonsVides).
Joe explique que les interruptions constantes des chaînes d'approvisionnement se traduisent par des retards dans l'arrivée des navires, d'éventuels détournements de ceux-ci vers d'autres destinations, une augmentation des tarifs de fret et des coûts de livraison, des pertes de marché dues à des inexécutions de contrats et des risques de crédit accrus.
Il prétend que l'arrivée des navires transocéaniques n'est pas synchronisée avec la disponibilité des conteneurs, et ceux-ci avec les terminaux de charge, les camionneurs, les chemins de fer, et il se produit la même chose avec le retour des produits finis... En bref, rien de ce qui se passe actuellement dans l'économie des États-Unis n'est différent de ce que de lois comme la Loi Torricelli provoquent à Cuba.
Cette loi – conçue et mise en œuvre par les États-Unis pour saboter notre chaîne d'approvisionnement – a établi deux sanctions fondamentales dans la sphère commerciale : interdire le commerce avec Cuba par les filiales de sociétés étasuniennes établies dans des pays tiers et interdire aux navires entrant dans les ports cubains à des fins commerciales de toucher aux ports aux États-Unis, ou dans leurs possessions, pendant 180 jours à compter de la date à laquelle ils ont quitté le port cubain.
Sachant que les concepts économiques sont souvent difficiles à comprendre pour le public en général, je ne m'attarderai pas sur des arguments techniques, je le ferai à partir d'une histoire que j'ai vécue personnellement. À la fin de 1984, le Combinat de papiers blancs de Jatibonico a été inauguré : un investissement réalisé pour un coût de 138 millions de dollars à l'époque, quelque 450 millions aujourd'hui. Il s'agissait d'une entreprise capable de fournir tout le papier de haute qualité dont le pays avait besoin et, par la même occasion, de faire rentrer des devises étrangères grâce aux exportations.
En peu de temps, l'usine a atteint des normes de rentabilité et d'efficience qui feraient l'envie de tout entrepreneur capitaliste. Au cours du premier semestre de 1990, des records de production ont été battus pour un jour, un mois, un trimestre. À la fin du mois de juin de cette année-là, les niveaux de production et de qualité étaient supérieurs à leur capacité de conception. Je m'en souviens très bien, car, à l'époque, j'étais le responsable économique de cette entreprise.
L'effondrement de l'URSS et du camp socialiste a momentanément ralenti sa production, car d'importants volumes de matières premières et de pièces détachées provenaient de ces pays, mais comme il s'agissait d'une usine dotée d'une technologie de pointe et d'un personnel hautement qualifié, en 1992 déjà, elle était prête à retrouver ses marges de production habituelles.
C'est alors que, de manière opportunisme, les États-Unis ont proclamé la Loi Torricelli. Cela a signifié que, immédiatement, plusieurs fournisseurs étrangers ont cessé de faire du commerce avec Cuba. Par exemple, l'une des matières premières essentielles à la production de papier offset est le kaolin – utilisé comme charge minérale – mais du jour au lendemain, cette argile d’une grande blancheur cessa d’être livrée par le fournisseur traditionnel : une société britannique opérant avec plus de 10% de capitaux étasuniens.
Il a fallu l’importer de Chine. Il s'agissait toutefois d'un kaolin dont les paramètres de qualité étaient inférieurs, ce qui affectait la qualité finale du papier, et de plus, il devait être transporté sur une distance trois fois plus longue, ce qui entraînait des dépenses supplémentaires. Mais ce n'est pas tout : compte tenu des sanctions des États-Unis contre les compagnies maritimes qui touchaient aux ports cubains, les coûts du fret et des assurances ont également augmenté pour le transport d'autres matières premières, sans compter que parfois, soit celles-ci n'arrivaient pas à temps, soit les expéditions étaient tout simplement annulées à la dernière minute, ce qui provoquait de fréquentes interruptions du processus de production.
Combien de fois a-t-il été nécessaire de faire venir une pièce de rechange ou un matériel jetable par la voie aérienne, très coûteuse, ou de décharger des produits dans des ports étrangers proches pour les réembarquer ensuite pour Cuba, avec les dépenses supplémentaires que cela impliquait du fait de la double manutention. Pour nous protéger contre les fréquents imprévus, la couverture des stocks a dû être augmentée, ce qui a entraîné des pertes du fait des manquants et de la dégradation des stocks, ainsi qu’une augmentation des dépenses d'investissement.
Les nombreux effets négatifs provoqués par la Loi Torricelli sur notre chaîne d’approvisionnement ont fini par créer des obstacles insurmontables. Les coûts ayant dépassé les recettes, cette usine a dû fermer définitivement en 1996, à la suite de quoi des centaines de travailleurs hautement qualifiés ont dû être relocalisés dans des emplois moins importants, tandis que le pays perdait la capacité de produire une ressource d'une énorme valeur stratégique pour son développement.
Comme chacun sait, le nom officiel de la loi Torricelli est « Loi sur la démocratie cubaine » : un euphémisme destiné à masquer des intentions perverses. En écoutant Biden parler de la pandémie qui cause dans son pays exactement ce que cette Loi a provoqué à Cuba, il me vient soudain à l'esprit de lui demander si, par hasard, le coronavirus a également en faveur de la démocratie aux États-Unis. Si c'est le cas, ils sont certainement proches de parvenir à la démocratie parfaite.
source : https://fr.granma.cu/cuba/2022-02-04/une-pandemie-de-plus-de-60-ans