Le phénomène de la migration est devenu un véritable cauchemar pour les pays du Vieux Continent
Auteur: Elson Concepcion Pérez, | internet@granma.cu
19 juillet 2018 18:07:32

Photo: El País
ILS s’accrochent à la vie, bien qu'en réalité, ils n’ont plus rien à perdre et il leur est égal de trouver la mort par noyade dans le naufrage d’une embarcation de fortune en traversant la Méditerranée, ou de mettre fin à leur vie et à celles de leurs proches condamnés à mourir de faim, de maladie ou simplement victimes des tirs croisés entre gangs rivaux opérant dans leur pays d'origine, ou de groupes terroristes encouragés depuis l'étranger.
Leur provenance : l’Érythrée, l’Éthiopie, la Tanzanie, la Syrie, le Soudan, le Nigeria, la Somalie, la Gambie.... La destination, l'Europe, berceau des métropoles qui ont pillé la majorité de ces pays qui furent jadis leurs colonies.
Ils se lancent dans une expédition des plus incertaines. En tentant de traverser la Méditerranée, ils sont entassés coquilles de noix, ils doivent débourser des sommes d'argent allant de 3 000 à 8 000 euros et pour lesquelles ils ont vendu le peu qu'ils avaient, voire rien, ou, dans de nombreux cas, ils s'offrent comme esclaves modernes, soumis aux formes les plus variées de violence, d’abus et de mauvais traitements.
Ils sont des centaines de milliers. Mais des milliers d’entre eux n'ont pas survécu à leur calvaire et ont péri noyés ou dévorés par les poissons voraces de la Méditerranée, devenue un immense cimetière. Nous ne connaîtrons probablement jamais le chiffre exact des disparus.
Mais tout ceci n'est qu'une part de la réalité, imputable au refus de certains pays d’Europe de les accueillir, aux camps inhospitaliers et non protégés dans lesquels ils sont confinés, aux expulsions, à la prison, aux murs et aux barbelés érigés pour les empêcher de passer d'un État à l'autre. Une sorte de racisme et de xénophobie qui persiste dans un système social capitaliste basé sur l'exploitation.
La Libye, pays d'Afrique du Nord plongé dans un chaos d’ingouvernable, sert de point d'embarquement aux clandestins qui souhaitent rejoindre l'Europe. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a mis en garde contre l’existence dans ce pays d’un marché à ciel ouvert de vente de migrants. Un marché aux esclaves en plein XXIe siècle ! À la seule différence qu’aujourd'hui le dollar ou l'euro est utilisé comme monnaie d'échange par les mafias qui opèrent dans ce pays.
La question a été abordée récemment au sommet de l’Union européenne à Bruxelles. Les positions divergentes entre les pays du Sud et ceux d'Europe centrale et du Nord témoignent d’une grave fracture au sein de l'UE. Alors que l'Italie et la Grèce se sentent seules face à l'arrivée de milliers de migrants en provenance d'Afrique et du Moyen-Orient, les pays du nord les accusent de faire preuve de laxisme dans la protection de leurs côtes méditerranéennes.
Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le problème « augmente la taille des fissures et la fragilité de l'Union ». Le fait même que même s’il a été convenu à ce Sommet que tous les pays membres devaient aider à secourir les migrants alors qu’aucune précision n'a été fournie sur la manière de procéder est une évidence flagrante. Par ailleurs, la création de « centres de migration sécurisés » est prévue et devrait permettre d'identifier les « vrais demandeurs d'asile » et les « migrants en situation irrégulière, qui seront renvoyés dans leur pays ».
L'accord ne précise pas quels sont les États qui accueilleront ces centres. Et le point le plus controversé est qu’il n'y a aucune explication de ce que signifie un « centre sécurisé », de sorte que certains craignent qu'il s'agisse d'une sorte de prison pour les migrants débarquant en Europe, selon BBC World. Une question qui apparaît comme une « découverte tardive » concerne les déclarations des dirigeants européens au sujet de l'augmentation des investissements en Afrique pour aider ce continent à opérer une « transformation socio-économique substantielle » afin que les gens « n'aient pas à quitter leur pays en quête d'une vie meilleure ».
Pourvu que l’adage « mieux vaut tard que jamais » se confirme et que les pays d’Afrique puissent vraiment recevoir des investissements étrangers et d'autres formes de coopération pour au moins réduire la pauvreté, la faim et les maladies. Et pourvu que l’Europe garde à l'esprit certaines données de l'UNICEF selon lesquelles dans des pays africains, 2 600 enfants meurent chaque jour pendant les premières 24 heures de vie, l'Éthiopie et la Tanzanie figurant en tête de liste des dix pays affichant les taux de mortalité néonatale les plus élevés au monde. Jusqu'à présent, les résultats des nombreux sommets sur la question migratoire n'ont pas abouti à de véritables avancées.
Tant que l'on ne cherchera que des soins palliatifs et que l'on ne s'attaquera pas aux causes profondes du problème, la migration restera un cauchemar pour les nations du Vieux Continent. Ou plutôt, tant que les grandes dettes de siècles d'exploitation contre les Africains et les habitants d'autres pays pauvres jadis soumis au statut de colonies ne seront pas réglées, les solutions ne seront rien de plus qu’un pansement sur une blessure beaucoup plus profonde qui n’a jamais guéri.
Selon des statistiques officielles, plus de 65,6 millions de personnes dans le monde ont été forcées de fuir leur foyer en raison de conflits internes et de conditions de vie précaires. Sur ce total, près de 22,5 millions sont des réfugiés, dont plus de la moitié ont moins de 18 ans.
L'équation n'exige pas de connaissances approfondies en mathématiques ou autres. Il y a une émigration massive des pays appauvris, qui ont été privés de beaucoup de leurs ressources, où la mortalité infantile reste très élevée. Dans beaucoup d'entre eux, le chaos gouvernemental, les luttes de clans ou de factions, les conflits interreligieux et le manque d'investissements dans le développement sont des constantes de la malveillance quotidienne, d'un présent sans avenir.
Des millions de personnes se lancent à la mer à la recherche d’un avenir, d’un sens à leur vie.
source: http://fr.granma.cu/mundo/2018-07-19/lenfer-des-migrants