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Pour nous, Marche Mondiale des Femmes, il n’y a pas de paix sans justice et il ne peut y avoir de justice sans paix.

Nous, les femmes de la MMF, marchons depuis l’année 2000 pour dénoncer et exiger la fin de l’oppression que nous vivons en tant que femmes, pour dire que la domination, l’exploitation et la recherche effrénée du profit mènent aux injustices, aux guerres, aux conquêtes et aux violences.

De nos luttes féministes sur tous les continents, sont nés de nouveaux espaces de liberté, pour nous-mêmes, pour nos filles et nos fils, pour toutes les petites filles et les petits garçons qui vivront après nous.

Nous voulons construire un autre monde où règne l’égalité, la liberté, la solidarité, la justice et la paix, un monde qui considère la personne humaine comme une de ses richesses les plus précieuses.

Dans notre Charte Mondiale des Femmes pour l'Humanité, nous affirmons que la paix ne pourra exister que dans un contexte d'égalité et de justice.

La paix et la démilitarisation du monde sont, pour nous, non seulement des valeurs à défendre mais c’est aussi l’un de nos cinq axes d'action.

Nous constatons que les femmes et les enfants sont particulièrement affectés par les guerres et les conflits armés. Les conflits entraînent des tueries, des enlèvements, le trafic sexuel pour la prostitution, pour les mariages forcés, des viols massifs, des déplacements forcés de la population civile et la propagation du SIDA.

De plus, la guerre amène l’accroissement de la pauvreté et est le résultat d’un système injuste de répartition, de contrôle et d’accès aux ressources et aux richesses du monde. Toutes les guerres ont une finalité économique, derrière des explications ethniques, religieuses ou de rivalités de clans, se cachent en réalité la volonté d’accaparement des richesses des peuples et la domination des territoires.

La fabrication, la vente et la circulation incontrôlées des armes contribuent d’une part à la prospérité des industriels de l’armement et de leurs actionnaires et d’autre part à la persistance de l’insécurité et à la déstabilisation du monde entier.

La guerre utilise deux instruments puissants de l’impérialisme : l’action militaire et l’action économique.

Elle se base sur des valeurs massivement inculquées aux populations. Ces valeurs sont manipulées par les institutions internationales, relayées par les mass media et traduites dans un projet de société de domination occidentale néo-coloniale qui impose la coercition du néolibéralisme. Alors que la troïka impose des mesures draconiennes d’austérité aux pays européens, les budgets de la défense ne cessent d’augmenter.

Le nationalisme, construit sur des dimensions identitaires, religieuses et militaires, est brandi comme outil de protection. Il est cimenté par des lectures fondamentalistes ou intégristes des religions et sert très bien les intérêts du système patriarcal basé sur la domination masculine.

Le patriarcat et le capitalisme utilisent la guerre pour maintenir leur domination. La militarisation est un reflet de la division des rôles du patriarcat. Le masculin est associé à la violence et à la militarisation, le féminin aux services et à tous types de sévices.

Les systèmes capitaliste et patriarcal ont rendu la violence naturelle et cette violence s’exprime particulièrement à travers la militarisation de la planète et les guerres. L’armée est une des organisations patriarcales les plus importantes, l’une de celles qui caractérisent le plus clairement les rapports de domination des hommes : hiérarchisation du pouvoir, culte du chef, obéissance, violence physique et psychique, etc.…

Dans ce contexte le corps des femmes est un champ de bataille pour les soldats.

Dans les guerres, les femmes ont toujours été considérées, soit comme monnaie d’échange, soit comme repos du guerrier, soit comme vengeance des vainqueurs. Leurs corps sont utilisés comme champ de bataille à s’approprier. Violées, humiliées, déshonorées, elles sont le butin de guerre des vainqueurs et la vengeance des vaincus. Elles ont été utilisées comme arme de purification ou de nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine, comme acte de génocide au Rwanda, comme terreur politique en Haïti, comme destruction sociale massive en RDC.

En République Démocratique du Congo, des dizaines de milliers de femmes sont violées et torturées par des militaires et par leurs proches. La prostitution est généralisée, les femmes doivent échanger la disponibilité de leur corps contre tout service administratif ou autre auquel elles ont droit. Dans la région du Nord Kivu (frontalière avec l’Ouganda et le Rwanda) plus de 170 viols ont été déclarés en quatre jours en août 2010, malgré la présence de l’armée et des casques bleus. Dans cette région on déplore au moins 14 viols par jour depuis le 1er janvier 2010. Depuis lors les horreurs ont même empiré, des bébés sont violés, leur vagin éclaté, des substances chimiques sont introduites dans leur sexe, l’horreur n’a pas de limites !

Le viol systématique et massif des femmes dans tous les conflits armés est une arme de guerre.

Sans aucune capacité de pratiquer l’IVG, les femmes violées sont isolées, marginalisées socialement, rejetées de leur famille, abandonnées, bannies de leur village ou de leur communauté, avec les « enfants de l’ennemi » dans leur ventre. Ces enfants abandonnés grandissent sans affection, sans soins, sans structure familiale ou sociale. Laissés à eux-mêmes, dans le dénouement le plus total, ils pourraient devenir des hommes très violents, désocialisés, sans limites ayant peu d’humanité.

Les conséquences physiques, psychologiques et sociales sont dramatiques. Elles subissent des blessures vaginales et anales pour lesquelles les soins ne peuvent être assurés. La propagation du SIDA est massive, les grossesses résultant des viols produisent des enfants rejetés par la tribu, le village, la famille. Les femmes abandonnées ont des graves difficultés pour subvenir à leurs besoins vitaux et la misère se répand à grands pas..

Dans l’escalade de l’horreur nous avons vécu avec consternation la capture, par Boko Haram, de plus de 200 fillettes destinées à l’esclavage sexuel, mariées de force, converties de force, traitées comme des objets au service de l’EI.

Actuellement, des fillettes ou des jeunes femmes kurdes sont vendues sur les marchés. Elles sont une marchandise comme au temps de l’esclavage. En Syrie aussi, malgré le peu d’informations que nous recevons, nous savons que le viol des femmes et des enfants est massif, que l’horreur et la terreur règnent.

Dans ce contexte, une culture de paix à l’échelle mondiale est nécessaire et urgente. Elle ne peut se faire sans une remise en cause radicale de la domination masculine comme système qui colonise nos pensées depuis le plus jeune âge, dans tous les pays, tous les continents.

La construction de l’identité des petites filles et des petits garçons est basée sur la hiérarchisation des sexes. Dès la petite enfance les garçons sont conditionnés à utiliser la force, avec des modèles auxquels s’identifier qui sont des hommes forts, guerriers, dominateurs. Les petites filles, elles, doivent être soumises au désir des garçons, soumises à la famille, prêtes à prendre en charge les autres en oubliant leur propre désir.

Chaque sexe est assigné à sa propre place et celle des garçons est toujours socialement, psychologiquement, culturellement, la plus valorisée.

La colonisation de l’imaginaire de nos jeunes enfants est à l’œuvre à travers les jeux vidéo, les histoires proposées par les films qui leur sont destinés, la généralisation des images pornographiques ou dégradantes pour les femmes dans la publicité et par le manque de respect vis à vis de ce qui est différent, hors normes établies, hors des stéréotypes de genre.

La cause profonde des violences envers les femmes est le système patriarcal, fermement enraciné dans nos sociétés. Il est renforcé par les idéologies machistes, racistes, xénophobes, homophobes. Dans ce système, les femmes sont marginalisées et leurs besoins et droits niés pour la seule raison qu’elles sont femmes.

Les extrémismes religieux sont les instruments qui permettent de justifier la domination masculine et toutes les dérives et exactions qu’elle entraîne.

Le système du capitalisme libéral est également une des causes profondes car il n’y pas de guerre sans volonté de s’accaparer les richesses, d’un pays. Que ce soit pour le coltan, le pétrole, l’uranium, le gaz, etc. les multinationales sont à l’affût, l’industrie de l’armement prête à multiplier à l’infini ses bénéfices, et les peuples doivent se préparer à en subir toutes les conséquences.

Nous, les femmes, voulons vivre en paix ; nous refusons ces systèmes qui comme des vautours se nourrissent de la chair des peuples ne laissant que des ruines et des sociétés en loques.

Ce que nous avons à gagner n’est pas la domination des autres, mais l’autonomie économique et les solidarités pour l’avenir des enfants. La guerre est l'un des principaux instruments des puissances hégémoniques, elle est stratégique pour le maintien et l'expansion des dominations entre les pays, les classes, les genres et les « races ».

Elle représente un énorme gaspillage de vies humaines, de ressources et de biens communs. Chaque année, les États-Unis dépensent près de 500 milliards de dollars pour leur armée, soit 10 fois plus que le Royaume-Uni, second pays de ce classement macabre.

La militarisation et la violence ne sont pas seulement visibles dans les occupations militaires impérialistes, elles se manifestent également dans les guerres oubliées et les conflits latents aux quatre coins de la Terre. Elles se répandent dans les grandes villes et dans les campagnes avec la criminalisation de la pauvreté et des mouvements sociaux, l'affirmation de la masculinité à travers l'agression et la violence, l'absence totale de contrôle du port d'armes légères. Le développement du sentiment d’insécurité, facilité par l’utilisation des faits divers qu’en font les média,

encourage la demande croissante des systèmes de sécurité privés et paramilitaires.

Nous, les femmes, nous disons non aux guerres car nous ne voulons plus que nos corps, ni ceux de nos filles et de nos fils, soient utilisés comme butin de guerre. Nous ne voulons plus que notre quotidien soit fait de massacres, d'agressions sexuelles, en particulier de viols commis au nom de la guerre. Nous ne voulons plus de toutes ces formes de violences : enlèvements, trafic sexuel, déplacements massifs et forcés de la population civile, appauvrissement croissant et propagation du SIDA...

Avec la même force nous disons non à la violence sexiste, dans la sphère domestique, premier lieu d’oppression et de domination des femmes. Le militarisme encourage et perpétue des modèles patriarcaux de domination politique, économique et sociale des populations par des élites peu nombreuses et privilégie la masculinité violente comme comportement acceptable.

La Paix par la démilitarisation n’est pas une utopie !

Elle est un objectif incontournable.

La question de l’égalité femmes/hommes n’est pas résolue, en dépit des luttes féministes, même dans les pays exempts de conflits armés. La Banque Mondiale a estimé qu’il coûterait de 7 à 13 $ par personne pour financer les programmes nécessaires pour arriver à l’égalité des genres dans les pays sous développés. Les dépenses annuelles d’équipement militaire de la France pourraient couvrir ce besoin sur un an. Celles de la recherche militaire des USA seraient suffisantes pour couvrir ce besoin pendant 5 ans.

Pour se construire, l’égalité femmes/hommes a besoin que les questions économiques et de survie soient résolues : souveraineté alimentaire, accès à l’eau potable, à l’enseignement et à l’éducation pour tous, accès à la terre pour les femmes, conservation de la biodiversité, accès aux soins, modèle de développement humain et durable …

C’est dans une société plus sûre que l’égalité des genres peut s’épanouir. Les femmes et les hommes ne doivent pas être expulsés de leurs terres par des sociétés privées, par les Etats ou les multinationales qui veulent s’approprier les richesses du sol et du sous-sol. Dans les pays industrialisés, l’exploitation honteuse de la main d’œuvre place les femmes dans une précarité de vie et de logement qui les conduit à subir la loi du conjoint.

Les victimes des viols sont aussi victimes du rejet communautaire. L’impunité est devenue habituelle. Les solidarités nationales et internationales doivent intervenir.

La coopération internationale doit être plus saine, mieux contrôlée, avec l’acceptation par les pays riches de donner 0,7 % du PNB aux pays appauvris. La dette doit être annulée.

L’égalité femmes/hommes implique que celles et ceux qui cherchent refuge contre les violences subies dans leur pays, soit pour des raisons politiques, soit pour leur choix sexuel ou pour leurs origines ethniques, trouvent dans les pays où ils-elles émigrent : accueil favorable, conditions de survie acceptables, respect et dignité, selon la 4ème Convention de Genève.

Il est donc urgent, pour les hommes et les femmes de notre planète, particulièrement pour les femmes des pays du Sud ou du Moyen Orient, où se concentrent les conflits armés, source de profits énormes pour les industries de l’armement des pays du Nord, d’affirmer que nous voulons un monde de justice et de paix et que c’est possible dès maintenant.

La démilitarisation du monde est une urgence, la Marche Mondiale des Femmes propose :

  • De faire pression sur les gouvernements pour une réduction des dépenses militaires, pour qu’ils ne renouvellent pas les accords de bases militaires étrangères,

  • De promouvoir le dialogue, entre les peuples, les Etats, les diplomaties, afin de mettre en place une véritable démarche de prévention,

  • De dénoncer et de boycotter les entreprises et les états qui tirent profit de la guerre (industrie de l’armement, producteurs et raffineurs du pétrole),

  • De faire connaître la réalité des pays en conflit armé et de divulguer la parole et la situation que vivent les femmes, c’est ce que nous avons fait en 2010 en organisant la clôture de la Marche 2010 à Bukavu, au Sud Kivu,

  • De constituer un réseau d’alerte capable d’agir rapidement en situation d’urgence,

  • D’organiser des missions dans des pays en conflit en faisant (chaque fois que possible) participer des femmes d’autres régions en conflit pour développer des stratégies et des réseaux de résistance des femmes,

  • De dénoncer ceux qui commettent des violences, des viols et des crimes envers les femmes (les Etats, les paramilitaires, les guérillas, les Casques Bleus de l’ONU ou les mercenaires au service des belliqueux, ceux qui utilisent les religions pour perpétrer leurs crimes, etc.)

  • De mettre en place des espaces de réflexion-formation pour :

  • favoriser la prise de conscience qu’il faut prévenir les conflits par de réelles négociations entre les peuples,

  • construire des actions pour dénoncer l’accaparement des richesses, par les minorités corrompues ou par les multinationales,

  • lutter contre les lobbies de l’armement, et leurs adeptes gouvernementaux, qui nous présentent toujours des situations extrêmes face auxquelles la seule solution est la guerre,

  • D’être solidaires avec tous les peuples qui résistent, qui se défendent face aux agresseurs et actuellement, tout particulièrement, avec les femmes résistantes et combattantes, telles que les Femmes kurdes,

Intervention, de MT Martinelli,

(pour MMF-Midi-Pyrénées)

Congrès du Mvt de la Paix,

à Toulouse, le 7 novembre 2014

Tag(s) : #femmes, #paix

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