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Grèce. Panique à la commission européenne : Syriza pourrait remporter une élection législative anticipée

ROSA MOUSSAOUI

MARDI, 16 DÉCEMBRE, 2014

Dans la perspective d’élections législatives anticipées, la Commission européenne appuie ouvertement le premier ministre conservateur Antonis Samaras. Dans les milieux financiers, on juge « agressive » la proposition de renégociation de la dette défendue par Syriza.

Les dix plaies d’Égypte s’abattront- elles sur la Grèce si Syriza remporte les élections législatives anticipées qui se profilent en Grèce ? Depuis que le premier ministre conservateur Antonis Samaras a avancé de deux mois l’élection du président par le Parlement, échéance à hauts risques pour le gouvernement, les tenants de l’austérité jouent la partition de la peur. Objectif : barrer la route au parti d’Alexis Tsipras, placé en tête des sondages. De fait, la coalition associant, au pouvoir, les conservateurs de Nouvelle démocratie et les sociaux-démocrates du Pasok, soutenue par 155 députés, aura toutes les peines du monde à réunir les 200 voix nécessaires, sur 300 députés, pour faire élire son candidat à la présidence, Stavros Dimas. Trois tours de scrutin sont prévus. Le premier a lieu ce jour. Les deux suivants sont prévus les 23 et 29 décembre.

Au troisième tour, seules 180 voix seraient requises mais même s’il parvenait à convaincre les indépendants, les non-inscrits et les 10 élus de Dimar (Gauche démocratique), Antonis Samaras serait tout de même en difficulté. Un échec hâterait la chute de son gouvernement et ouvrirait la voie à des élections législatives anticipées. Plus impopulaire que jamais dans un pays épuisé par le choc austéritaire, la coalition au pouvoir ne peut compter que sur l’appui de ceux qui ont mis le peuple grec à genoux.

Moscovici en campagne pour l’austérité D’où les arrogantes consignes de vote du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui préfère voir des « visages familiers » plutôt que des « forces extrêmes » au pouvoir en Grèce. Pour battre campagne en faveur du camp de l’austérité, le commissaire européen à l’Économie, Pierre Moscovici, a même été dépêché à Athènes. « Un tel travail a été fait par les autorités grecques, tant d’efforts, tant de choses accomplies que ce serait dommage de ne pas continuer », a-t-il insisté à l’issue d’un entretien avec Antonis Samaras. Ce bilan flatteur est pourtant sans rapport avec la réalité de la crise humanitaire sans précédent causée par les politiques d’austérité. Les discours sur l’introuvable « embellie économique » grecque masquent mal les ravages d’un chômage toujours massif. En septembre, selon les chiffres officiels, 25,7 % de la population active était toujours privée d’emploi. Ce taux grimpe à 49,8 % chez les moins de 25 ans. La Grèce détient le record européen du taux de pauvreté (23,1 %).

Avec la destruction du système public de santé, la diminution de la couverture vaccinale, l’abandon des politiques de prévention et la dégradation de la situation sanitaire ont des effets tragiquement spectaculaires, comme le retour de la tuberculose et même du paludisme. Dans les écoles, les enseignants mesurent les ravages de la malnutrition au nombre d’enfants qui s’évanouissent en classe. Quant aux retraités, dont les pensions ont été maintes fois amputées, ils ne peuvent plus faire face aux besoins les plus élémentaires.

Dans le même temps, la pression fiscale étrangle les classes populaires et le patrimoine grec est dilapidé sous la supervision du Taiped, l’organisme opaque chargé de la cession des actifs de l’État grec. Tout est livré à la braderie, jusqu’aux plages qui sont cédées à vil prix à des promoteurs étrangers. La « catastroïka », comme l’appellent les Grecs, a laissé derrière elle un paysage de désastre. Le fardeau de la dette publique ne s’est pas allégé pour autant : il est passé de 120 % du PIB en 2010 à 177 % prévus cette année. De quoi réjouir les créanciers qui louent ouvertement les hauts rendements de la dette grecque. Celle-ci est même qualifiée de « valeur refuge » dans un document de Natixis consacré au panorama des dettes souveraines dans la zone euro. Seuls « problèmes », conclut ce même document, les « réformes à poursuivre » et les « élections (Syriza en tête dans les sondages) ». La Commission européenne et les milieux financiers en panique En fait, c’est bien la détermination de la formation progressiste à renégocier la dette qui sème aujourd’hui la panique à Bruxelles et dans les milieux financiers. De concert avec la Commission européenne, le gouvernement Samaras agite le spectre du « Grexit », la sortie de la zone euro. Le ministre des Finances, Guikas Hardouvelis, brandit, lui, la menace d’un « manque de liquidités » dans les caisses de l’État. En quatre séances, la Bourse d’Athènes a plongé de plus de 20 %, signe, pour Alexis Tsipras, que les marchés s’affolent d’une possible victoire de Syriza. « Que l’alarmisme frénétique du premier ministre soit à mettre au compte des dernières convulsions de sa mort politique ne le dégage pas pour autant de sa responsabilité, prévient le chef de Syriza. Il menace son propre pays du chaos.

Pire encore, il en est arrivé – et les mots manquent pour qualifier sa conduite – à implorer les marchés financiers d’attaquer le pays. Attention : ce n’est pas Syriza qui est visé. C’est la Grèce qu’il supplie qu’on attaque. Afin de préserver son propre salut politique et celui de sa coalition gouvernementale, il a déjà prévu avec ses complices le scénario d’un véritable cauchemar pour la Grèce. M. Samaras mérite un nouveau titre, celui de premier ministre du chaos. » Dans un contexte social explosif, marqué, ces dernières semaines, par des mobilisations massives, les ingérences de la Commission européenne et les pressions politiques exercées sur les Grecs passent très mal. « Il est inimaginable, inadmissible que des instances européennes puissent afficher ouvertement, à la veille d’un scrutin, leur préférence pour tel ou tel parti. C’est du jamais-vu. Tous les moyens sont bons pour contrecarrer le scénario d’une victoire de Syriza, qui tétanise la droite grecque comme la droite européenne », analyse l’historien et sociologue Constantin Tsoukalas.

On se souvient de l’insupportable chantage exercé, en 2005, sur les peuples appelés à se prononcer sur le projet de Constitution européenne. Il révélait, déjà, les malfaçons démocratiques de l’Europe libérale. La stratégie du choc appliquée en Grèce ne s’est guère embarrassée d’apparences. Le pays n’est-il pas placé sous tutelle de la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) ? Aujourd’hui, Syriza exprime précisément la volonté de se libérer de cette tutelle pour rompre avec des politiques d’austérité aux effets catastrophiques. Et c’est à cette réappropriation démocratique que Jean- Claude Juncker, Pierre Moscovici et leurs amis grecs tentent de faire barrage. Hier, à Strasbourg, l’eurodéputée grecque (Syriza) Sofia Sakorafa a dénoncé « des maîtres chanteurs impitoyables », en rappelant le passé de patron de paradis fiscal du président de la Commission européenne. « Je m’adresse à M. Juncker, l’hôte de voleurs d’impôts, qui ose indiquer au peuple grec ce qu’il faut voter, a-t-elle lancé. Dites-nous quel est le total des montants que les entreprises ont volé aux citoyens grecs ? (...) Le peuple grec n’acceptera ni instructions, ni menaces. L’avenir de vos partenaires d’affaires qui l’ont mis à genoux pour vous être agréables est fixé : leur renversement sera bientôt une réalité. »

source:http://www.humanite.fr/grece-panique-la-commission-europeenne-syriza-pourrait-remporter-une-election-legislative-anticipee

Tag(s) : #europe, #élections

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