Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Cuba. Diplomatie : Le « Cheval » de la Havane

22 Déc 2014 Jean-Michel CUSSET

Focus

Pointe à Pitre Lundi 22 décembre 2014. CCN. Une fos l’annonce très médiatique faite du dégel entre La Havane et Washington, il reste à se poser la question a savoir quelles sont sur le plan géopolitique les desseins des 3 grandes puissances actuelles : Les Etats Unis, la Chine et la Russie. Jean Michel Cusset universitaire et politologue s’est entaché dans l’article qui suit à nous « décrypter » les enjeux réels et diplomatiques de cette « nouvelle » donne. C’est à lire...

L’effondrement du système soviétique en 1991, aura causé selon l’expression de Vladimir Poutine, une « catastrophe-géopolitique » sans précédent, pour l’actuelle Russie ; L’annonce mercredi dernier, par le Président américain Barack Obama et son homologue cubain Raoul Castro, d’une reprise des relations diplomatiques après 52 ans de blocus, pourrait bien s’apparenter à un « miracle géo politique » pour le monde occidental. Cette normalisation fragilise certainement la Russie déjà empêtrée dans le conflit Criméo- Ukrainien.

L’épine cubaine

Depuis 1959, Cuba est un régime prosoviétique dirigé par « la Famille Castro ». À la tête des rebelles cubains (« mouvement du 26 juillet »), Fidel Castro, communiste, et Ernesto « Che » Guevara renversent la dictaturepro-américaine dirigée par Fulgencio Batista depuis 1952. A la tête de l’état et du gouvernement, Fidel Castro entame une réforme agraire, redistribue les terres, nationalise des entreprises nord-américaines et se rapproche de l'URSS. Le ton monte rapidement entre Cuba et les États- Unis. Ces derniers rompent leurs relations diplomatiques avec Cuba dès 1961 et parallèlement s’activent à renverser le régime de Fidel Castro. Désirant maintenir leur influence, les américains feront tout pour faire échouer l’expérience cubaine et c’est ainsi qu’est décrèté en 1962 un embargo ; Ils organisent également avec l’aide de la CIA, un débarquement d’opposants Cubains anti-communistes dans la « Baie des Cochons » (1961) qui se soldera par un cuisant échec, et débouchera sur la crise des missiles (octobre 1962).L'échec de la « Baie des Cochons », la promesse qu'ont dû faire les États-Unis de ne pas envahir Cuba pour que l'URSS retire ses missiles, mais aussi le charisme international des leaders cubains Castro et Guevara, font de Cuba le symbole de la lutte anti-impérialiste pour les populations opprimées des Amériques et d’ailleurs.

Les nouveaux rapports Russie Amériques

La fin de la guerre froide précipitée par la chute du mur de Berlin en 1989, a quelque peu changé la donne dans la région. Si il ne s’agit plus de faire valoir une idéologie communiste la diplomatie conduite actuellement par Vladimir Poutine dans les Amériques poursuit une aspiration de concurrence hégémonique avec les Etats-Unis. Cette diplomatie s’appuie sur le sentiment de méfiance qu’ont conservé les pays des Amériques à l’égard du grand voisin nord américain, compte tenu d’un passé des plus « tendu », et ce depuis la doctrine Monroe du 2 décembre 1823, qui proclame les Amériques comme chasse gardée des Etats-Unis.L’intérêt que porte la diplomatie russe envers ces pays alliés de Moscou, comme la Bolivie, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela, a pour raison d’être la garantie de leur souveraineté et de leur indépendance économique face au géant nord américain. En échange ces pays apportent à la Russie leur soutien sur le plan diplomatique. La Bolivie, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela ont voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies invalidant le référendum du 16 mars 2014 en Crimée. À l’inverse, les alliés traditionnels des Etats-Unis comme le Chili, la Colombie, le Mexique ont voté en faveur de la résolution, tandis qu’un troisième groupe de pays dont le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay, s’est abstenu. Dans ce contexte, l’annonce de Barak Obama, de normaliser les relations diplomatiques et notamment d’ouvrir une ambassade à la Havane est-il si innocent que cela ? Ne s’agit-il pas en réalité de couper l’herbe sous les pieds de Vladimir Poutine et d’isoler un peu plus la Russie sur la scène internationale de ses partenaires historiques dans la Région ?L’Amérique latine a toujours fait partie des régions dans lesquelles l’influence de l’URSS se voulait, sans y arriver toutefois empêcher par l’autre géant nord américain, déterminante. La stratégie définie par la Tricontinentale, était d’exporter la révolution prolétarienne aux quatre coins du monde.A travers la tournée d’avril dernier du ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, (Cuba, Nicaragua, Pérou, Chili), alors que son gouvernement était confronté aux sanctions nord américaines et européennes, la Russie souhaitait démontrer qu’elle est loin d’être isolée et qu’elle peut faire face à l’embargo nord-américain en s’appuyant sur la propre « arrière cour » des Etats-Unis. Vladimir Poutine a entamé dès le début du troisième mandat présidentiel une grande tournée latino-américaine, qui la conduit dans l’hémisphère à Cuba, en Argentine et au Brésil. A Cuba, Vladimir Poutine, a selon sa propre expression pris une "mesure sans précédent" pour amener les relations bilatérales à un niveau stratégique. Il s’agit de l’annulation d’environ 90% de la dette des lignes de crédit de Cuba ouvertes depuis l’époque soviétique. Comme l’a reconnu le chef de la Fédération de Russie «, la dette totale est énorme – plus de 35 milliards de dollars. » « Cependant, les autres 10% c’est-à-dire 3,5 milliards de dollars seront dépensés à Cuba sur des projets significatifs d’investissement que nous avons l’intention de sélectionner et de négocier avec la partie cubaine. »

Nos sumos todos Américanos

En définitive, même si le rapprochement de Washington et de la Havane a été accueilli favorablement et unanimement dans les Amériques et les Caraïbes, [ dont la plupart des Etats et organisations internationales régionales œuvraient déjà depuis de nombreuses années pour rompre l’isolement de Cuba ], les différentes réactions en Amérique latine sur la crise ukrainienne viennent confirmer l’évolution de la présence russe dans la région. Depuis plus d’une dizaine d’années. Les autorités russes ont su établir des relations stratégiques avec l’Amérique latine et il est certain que cela a compté dans le soutien apporté par plusieurs États à la Russie dans la crise ukrainienne. Même si la Chine demeure le principal concurrent des Etats-Unis dans les Amériques, le gouvernement de Barack Obama se devait de garder un œil attentif sur l’influence grandissante de la Russie dans la région, notamment dans le domaine militaire. Le dégel des relations américano-cubaines n’est donc pas si altruiste qu’il y paraît ; Tout en soulignant que son gouvernement poursuivra sa coopération militaire avec les pays latino-américains, le ministre Lavrov a récemment démenti la rumeur de la création de bases militaires russes en Amérique Latine. Toute la question est de savoir si les autorités russes respecteront cette déclaration. Le propre des grands hommes est de prononcer de grandes phrases disait Hannah Arendt : « Somos todos Américanos » !

SOURCE:http://www.caraibcreolenews.com/index.php/focus/item/1083-cuba-diplomatie-le-cheval-de-la-havane

Tag(s) : #cuba, #amérique latine

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :