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La Belgique en Irak : ce que le gouvernement ne nous dit pas ( PTB)

9 Novembre 2014

auteur:

Marc Botenga

Six semaines après le début de la participation belge aux bombardements américains en Irak, l’armée a présenté vendredi 7 novembre une première « évaluation ». L’armée belge aurait accompli 58 missions et bombardé 18 cibles au sol. Elle affirme qu’il n’y a pas eu de victimes civiles.

Après le « succès » en Afghanistan, cette opération se déroulerait donc tout à fait comme prévu. Mais est-ce exact ? Voici quelques faits marquants.

L’armée parle, le gouvernement se tait

Le fait que ce soit l’armée et non le gouvernement qui ait présenté cette évaluation est pour le moins particulier. Le 26 septembre, lorsque la majorité du Parlement a voté la participation de la Belgique à cette opération, le gouvernement avait en effet promis une évaluation après un mois. Celle-ci servirait de base pour décider si la participation belge serait ou non prolongée. Mais la démocratie n’est clairement pas le dada de ce gouvernement. Il y a six semaines, les F-16 avaient décollé avant même que le Parlement approuve la participation de la Belgique à l’intervention militaire. De même, cette fois, la prolongation de la participation belge était déjà décidée avant que la commission parlementaire compétente reçoive une évaluation !

Le 24 octobre, la commission compétente s’est tout de même réunie. Le député PTB Marco Van Hees, entre autres, a interrogé le ministre de la Défense N-VA Steven Vandeput sur la mission. Vandeput a fait de cette séance de commission une véritable farce. Il a simplement refusé de répondre à toute question pertinente. Combien de victimes l’opération belge avait-elle déjà causées ? Pourquoi la Belgique n’a-t-elle pas demandé un mandat des Nations unies pour cette opération ? Ne serait-il pas préférable d’investir dans l’aide humanitaire plutôt que dans les bombes ? Combien la mission a-t-elle précisément coûté ? Pieter De Crem, le prédécesseur de Vandeput, avait prévu 14,5 millions par mois pour cette guerre. Une somme importante, mais à l’époque en Afghanistan le coût réel avait largement dépassé le montant initialement budgétisé. En temps de crise, combien d’argent du contribuable est-il consacré à cette opération ?

Pourquoi Vandeput a-t-il refusé de répondre ? La raison officielle, c’est que cela pourrait inciter des militants terroristes à entreprendre des actions contre la Belgique. Ce qui est évidemment un non-sens. Aucun terroriste ne se soucie de ce que vont coûter les bombardements au contribuable belge. Que, de par sa participation à une opération militaire, la Belgique soit une cible plus intéressante pour le terrorisme est bien sûr possible. C’est pourquoi il aurait d’ailleurs mieux valu ne pas participer à cette mission. Mais cela n'est toutefois pas une raison pour refuser aux citoyens belges des information essentielles.

Ce que nous apprend cette « évaluation »

L’ « évaluation » qui nous est présentée par l’armée est évidemment peu objective. Entre les lignes, il ressort bien que cette mission est particulièrement à risque. L’armée affirme elle-même que les avions de chasse doivent régulièrement faire demi-tour parce qu’ils risquent de faire des victimes civiles. Logique, puisque les militants de l’Etat islamique vivent et combattent souvent au sein de la population civile.

Le discours euphorique du commandant Frederik Vansina a cependant de quoi faire froncer les sourcils. A quel point une telle auto-évaluation, de l’armée par l’armée, est-elle crédible ? Les cibles des F-16 belges sont déterminées depuis la base aérienne d’Al-Udaid au Qatar, entre autres sur base de drones (avions sans pilotes) utilisés auparavant par l’armée américaine et l’OTAN en Afghanistan. En Afghanistan, cette même OTAN a fait des milliers de victimes civiles, bombardant même des fêtes de mariage. Les gardiens de troupeaux, les moutons et les chèvres n’étaient pas non plus en sécurité.

Aujourd’hui, nous devons croire qu’avec le même matériel, on a atteint de tout autres résultats. Etrange. Du reste, si Vansina dit le vérité, pourquoi Vandeput aurait-il alors refusé de répondre à la même question ?

Pourquoi le gouvernement ne souhaite pas de véritable évaluation

Il y a bien une raison pour laquelle le gouvernement ne préfère pas d’évaluation réelle. Depuis le 26 septembre, la situation en Irak ne s’est pas sensiblement améliorée. En d’autres mots : notre politique de guerre ne marche pas. Le 6 octobre, le ministre américain des Affaires étrangères a souligné que, malgré les bombardements, l’Etat islamique continuait avec succès à recruter, à croître et à se financer. Le 14 octobre, La Libre Belgique a publié des extraits de rapports d’experts américains sous ce titre significatif : « Les frappes américaines galvanisent l’Etat islamique ». Une semaine plus tard, Foreign Policy, une revue américaine qui fait autorité, publiait un article expliquant comment l’EI se rapproche de plus en plus de Bagdad (le titre est également très clair : « Les barbares aux portes de Bagdad »).

L’EI n’est donc pas du tout significativement affaiblie. Il y a un mois, le député fédéral PTB Raoul Hedebouw mettait en garde contre ce scénario : « Chaque bombe crée davantage d’adeptes. Logique, puisque tout conflit crée des dégâts collatéraux, durant des fêtes de mariage, sur des familles innocentes, ou sur d’autres cibles civiles imprévisibles. Chacune de ces personnes ont instantanément une raison de haïr "l’Occident". »

L’apparition et le succès de l’EI en Irak ont également beaucoup à voir avec la marginalisation des sunnites dans ce pays. A cet égard, peu de choses ont changé : Mohammed Ghabban, le nouveau ministre irakien de l’Intérieur, serait même lié à des milices chiites. Le spécialiste britannique du Moyen-Orient Patrick Cockburn constate par ailleurs que l’Irak se morcelle entre-temps en régions kurdes, sunnites et chiites. Si notre intervention est vue par les sunnites comme un soutien aux chiites ou aux Kurdes, nous sommes alors activement en train d’agrandir le fossé entre ces groupes. Mais cela, le gouvernement ne veut donc pas le prendre en compte.

Comme attendu, l’opération militaire n’a pas réussi à mettre un terme à l’approvisionnement de l’EI en armes et en moyens financiers. Au contraire : selon le Brookings Institute américain, l’EI engrangerait un million de dollars par jour ! Entre autres de pays comme l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, et encore plus via le Qatar et le Koweït. Selon Jana Hybášková, l’ambassadrice de l'Union européenne en Irak, des pays européens ont également acheté du pétrole à l’EI. Ce pétrole passerait enter autres par la Turquie pour se retrouver sur le marché mondial.

L’option militaire est clairement non seulement inutile, mais même dommageable. Le PTB continue à plaider pour un partenariat régional, soutenu par les Nations unies, qui s’attaque également aux causes du conflit, l’afflux d’armes vers EI et le financement de groupes réactionnaires dans la région. En d’autres mots : fermer le robinet qui alimente l’EI.

source: http://ptb.be/articles/la-belgique-en-irak-ce-que-le-gouvernement-ne-nous-dit-pas

Tag(s) : #europe, #moyen orient

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