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Ernesto Che Guevara, Cuba et l’Afrique: une solidarité de sang, de conviction et d’intérêt forgée par l’histoire et la lutte anticolonialiste.

47ème anniversaire de l’assassinat du Che en Bolivie

13 octobre 2014

Ernesto Che Guevara, Cuba et l’Afrique: une solidarité de sang, de conviction et d’intérêt forgée par l’histoire et la lutte anticolonialiste.

En sa qualité de ministre du Gouvernement révolutionnaire de Cuba, le Che fut un dirigeant anticolonialiste déterminé et un tiers-mondiste militant et actif. Les dirigeants de l’Afrique nouvellement indépendante ont apprécié sa grande contribution à la lutte de libération nationale. Le 11 décembre 1964, lors de la 19ème Assemblée Générale de l’ONU à New-York, il a évoqué à la tribune « le cas douloureux du Congo, unique dans l’histoire du monde moderne, qui montre de quelle manière on se moque du droit des peuples dans la plus grande impunité. Les énormes richesses que détient le Congo et que les nations impérialistes veulent maintenir sous leur contrôle, sont le motif de tout cela… Tous les hommes libres du monde doivent s’apprêter à venger le crime commis contre le Congo ».
Le 17décembre 1964, il quitte New-York pour Alger où il arrive le lendemain. Il rencontre Frantz Fanon, puis son ami, le Président Ahmed Ben Bella, grand admirateur de Patrice Emeri Lumumba. Ils discutent de la situation internationale, mais aussi des projets futurs du Che qui voulait aller aider le Congo à se libérer de la domination coloniale belgo-américaine. De là, il entreprend une tournée qui le conduit dans plusieurs pays africains. Le 26 décembre il arrive à Bamako où le Président Modibo Keita, combattant panafricaniste et anti-impérialiste lui réserva un accueil chaleureux. Le 2 janvier 1965, il est reçu au Congo-Brazzaville par le Président Alphonse Massemba-Déba. Quelques jours plus tard il rencontre Kwameh N’Nkrumah au Ghana et Ahmed Sékou Touré en Guinée-Conakry; il se rend aussi au Dahomey (actuel Benin), puis en Tanzanie auprès de Julius Nyerere qui donnera son soutien le 11 février 1965, à la constitution d’une base d’appui des combattants cubains aux rebelles congolais.
Lors de son séjour en Tanzanie il rencontra les combattants de l’indépendance de toutes les colonies africaines refugiés dans ce pays : Edouardo Mondlane et Samora Moïse Machel (Mozambique) ; Agostino Neto et Lucio Lara (Angola), Amilcar Cabral (Guinée-Bissau) etc.
Le Che se rendra ensuite en Egypte pour y rencontrer Gamal Abdel Nasser avant de poursuivre sa longue tournée vers les Emirats Arabes Unis, la Chine, la Corée du Nord, l’Indonésie, l’Inde, la France, la Suisse, la Tchécoslovaquie, l’URSS….
C’est le 24 avril 1965 à 4 heures du matin que le Che, libéré de ses Charges d’homme d’Etat à Cuba, est arrivé au maquis de Laurent Désiré Kabila dans la localité de Kibamba dans la région de Fizi-Baraka. Au départ de la Havane, à l’aube du 2 avril 1965, le Che était accompagné par ses fidèles compagnons de la Sierra-Maestra qui avaient changé d’identité : Le Che (Ramon), Victor Dreke (Roberto Suarez), José Maria Martinez Tamayo (Ricardo).
48 Heures avant leur départ de Dar-Es-Salam, le Che à l’aide d’un dictionnaire Swahili-français baptise les membres du groupe avec de nouveaux pseudonymes : Victor Dreke s’appelle Moja (qui veut dire un), José Martinez Tamayo sera M’Bili (deux) et le Che lui-même est Tatù (qui signifie trois). C’est au total quatorze combattants cubains, tous noirs, à l’exception notable du Che, armés de fusils FAL et de mitraillettes UZI qui feront la traversée du lac Tanganyika à bord d’une petite barque à moteur pour accoster à l’aube dans le village de Kibamba, le fief de la rébellion congolaise.
A cette époque, la guérilla congolaise se trouvait déjà dans une situation de crise profonde, après les opérations militaires déclenchées contre elle en octobre et décembre 1964 par les mercenaires blancs, sud-africains et Rhodésiens encadrés par les officiers belges et américains. Le gouvernement rebelle de Stanley ville est vaincu. Il avait été mis en place par les partisans de feu Patrice Emery Lumumba assassiné le 17 janvier 1961 par le chef sécessionniste Katangais Moïse Tshombé. Les proches de Lumumba avaient créé au Congo-Brazzaville en 1963, le Comité National de Libération (CNL) qui a lancé une vague de rébellion menée par Pierre Mulele (à l’ouest) et Gaston Soumialot (à l’est).
L’histoire du Che au Congo a été à la fois pathétique et héroïque. Pathétique, parce que cette aventure généreuse était vouée à l’échec dès le départ. En débarquant dans ce pays, le Che et ses compagnons ont projeté leur propre expérience des luttes révolutionnaires à Cuba et en Amérique Latine. Or, ces pays d’Amérique Latine avaient une tradition et une expérience de lutte armée de plusieurs siècles contrairement au Congo qui était à ses débuts de lutte de libération nationale. Les cubains étaient à leur première expérience dans ce pays. Des malentendus énormes étaient inévitables entre les congolais sans organisation, sans expérience révolutionnaire, sans idéologie et ces cubains, révolutionnaires professionnels endurcis dans la lutte clandestine et dans la lutte armée.
Héroïque, parce que le Che est ses compagnons ont donné un exemple de solidarité révolutionnaire, de dévouement, d’humilité, de détermination à découvrir les meilleurs congolais capables d’assumer la direction de la lutte armée au Congo et de les aider de manière efficace et déterminée.
La première épreuve du feu a eu lieu le 29 juin 1965 contre la caserne du Front de Force. Au total, les rebelles qui comptaient 160 hommes, devaient affronter un bataillon de 500 à 600 mercenaires lourdement armés. 36 soldats cubains participent au combat. Aux premiers coups de feu, une soixantaine de soldats rebelles (la plupart rwandais) avaient déserté et très peu ont tiré un seul coup de feu. A la fin des combats, c’est la débandade : 4 soldats cubains et 14 rwandais sont tués.
La seconde attaque a été perpétrée quelques jours plus tard contre les installations militaires de Front de Force et de Katanga. Encore un nouvel échec ! Les renforts de guérilleros en provenance de Cuba via la Tanzanie n’ont pas permis d’arrêter la déroute. Plusieurs parmi eux perdront la vie. D’autres embuscades ont été menées par les hommes du Che et elles furent couronnées de succès. Cependant, ses « succès » étaient relatifs et ne pouvaient pas permettre de requinquer à bloc les combattants congolais et rwandais sans idéal politique clairement conçu, sans volonté de combat, sans esprit de discipline. Au milieu de la douleur et de l’abattement général, et au constat que les rebelles congolais ne voulaient plus poursuivre le combat, le Che ordonne la fin de la présence des soldats cubains au Congo.
Il faut préciser que parallèlement à l’action au Congo-belge, les soldats cubains se sont également déployés sur l’autre rive au Congo-Brazzaville en Juillet 1962.Il s’agit de la colonne 2 dirigée par Jorge Risquet qui comptait 250 hommes. L’objectif était de défendre le Gouvernement nationaliste de Massemba Deba. Ces cubains formeront également la milice populaire pour défendre le pays. A partir de Brazzaville, les soldats cubains ont entrainé les combattants du MPLA (Mouvement Populaire de Libération de l’Angola).
Après l’expérience du Congo, le Che rentre discrètement en 1966 à la Havane, après un détour au Caire, à Pragues, Genève, Zurich et Moscou. Lors de son séjour de deux mois à Dar-es-Salam, c’est un Che Guevara amaigri, souffrant de dysenterie et de palu, et physiquement mal en point qui se livra à de profondes réflexions critiques sur le bilan de son action au Congo comme dans un véritable exercice de psychanalyse.
Dans le prologue du manuscrit, « Etapes de la guerre révolutionnaire (Congo) », dédié à tous les camarades qui sont tombés au combat à la recherche d’un sens à leur sacrifice, manuscrit qui sera diffusé 30 ans après sa mort, le Che se livre sans détour : « ceci est l’histoire d’un échec. Ce récit comprend des détails anecdotiques propres aux épisodes de la guerre, mais il est nuancé d’observations et d’esprit critique, car, je considère que si le récit peut avoir une certaine importance, c’est parce qu’il permet de montrer une série d’expériences utiles à d’autres mouvements révolutionnaires. La victoire est une grande source d’expériences positives, mais la défaite aussi et plus encore, à mon avis, lorsque, comme c’est le cas, acteurs et narrateurs sont des étrangers qui sont allés risquer leurs vies sur un territoire inconnu, de langue différente, auquel ils n’étaient attachés que par les liens de l’internationalisme prolétarien, inaugurant une méthode inédite dans l’histoire des guerres de libération modernes ».

Le Che a également été frappé par les différences de classe dans la société congolaise où selon certains, il n’y aurait pas de lutte de classes. Il note : « Dès les premiers instants, nous ressentîmes une franche division aux côtés de gens très peu éduqués, majoritairement paysans, on en trouvait d’autres avec une culture supérieure, un habillement distinct, une meilleure connaissance du français ; entre ces deux groupes d’hommes, la distance était absolue… L’armée de libération recevait des renforts, sous forme de contingents entraînés en Chine et en Bulgarie. C’étaient des cadres entrainés par la révolution, ils ne pouvaient pas se risquer au combat, cela aurait été irresponsable ; non, ils venaient déverser sur leurs camarades la montagne de connaissances accumulées en six mois d’études théoriques, mais on ne pouvait commettre le crime de lèse révolution consistant à les envoyer au combat ». Il poursuivra son analyse en montrant du doigt les problèmes réels de cette guérilla congolaise : « Il y’a le manque général de cadres d’un niveau culturel approprié et d’une fidélité absolue à la cause de la Révolution. Il y’a une prolifération des chefs locaux ayant chacun leur autorité. Il n’y a pas de discipline dans les unités, elles sont contaminées par l’esprit de clocher… Indiscipline, désordre, ignorance des règles du combat les plus élémentaires, carence de combativité et d’autorité des dirigeants ».
S’agissant de lui-même, il se montra implacable : « je dois maintenant me livrer à l’analyse la plus difficile, celle de mon rôle. J’ai approfondi, dans la mesure du possible, mon analyse autocritique, et j’en suis arrivé aux conclusions suivantes : du point de vue des rapports avec la direction révolutionnaire, j’ai été bloqué par la façon un peu anormale dont je suis rentré au Congo, et je n’ai pas été capable de surmonter ce handicap. Mes réactions ont été très variables ; j’ai gardé pendant très longtemps une attitude que l’on pourrait qualifier d’excessivement complaisante, mais j’ai parfois explosé de manière brutale et très blessante ; peut-être est-ce chez moi un comportement inné ; le seul acteur avec lequel j’ai certainement entretenu des rapports corrects, ce sont les paysans, car je suis plus habitué au langage politique, à l’explication directe et à l’exemple, et je crois que j’aurais eu du succès dans ce domaine. Je n’ai pas appris le swahili assez vite et assez à fond ; c’est un défaut qui peut être attribué à ma connaissance du français, qui me permettait de communiquer avec les chefs, mais m’éloignait de la base. J’ai manqué de volonté pour fournir l’effort nécessaire…Je n’ai pas osé exiger le sacrifice maximal au moment décisif. Cela a été un blocage intérieur, psychologique. Pour moi, c’était très facile de rester au Congo ; du point de vue de l’amour propre du combattant, c’était ce qu’il fallait faire ; du point de vue de mon attitude future, ce n’était peut-être pas ce qui convenait le mieux, mais cela m’était indifférent à ce moment-là. ». Toujours dans le même prologue, le Che donne encore un message explicite : « j’ai appris au Congo; il y’a des erreurs que je ne ferai plus. Peut-être en répéterai-je d’autres, en commettrai-je de nouvelles aussi. J’en suis sorti avec plus de foi que jamais dans la guérilla. Mais nous avons échoué. Ma responsabilité est grande ; je n’oublierai ni la défaite ni ses précieux enseignements ».
Le Pays qu’il voulait aider à se libérer était la Bolivie, l’un des plus pauvres. Il faisait la chronique régulière des combats dans son « journal de Bolivie ». Il s’y battait lorsqu’il fit connaître son message historique à la Tricontinentale : Il y dressait le tableau de la situation internationale, du chantage économique que l’impérialisme emploie pour paralyser les peuples et les dépecer l’un après l’autre : « créer deux, trois, de nombreux Viêt-Nam, voilà le mot d’ordre ! ». C’est à cette tâche, la plus profonde, la plus noble et la plus courageuse, la plus nécessaire aussi de ce temps qu’il se donnait, quand, il fût encerclé puis capturé, puis blessé, puis assassiné quelques heures plus tard par les troupes boliviennes encadrées et dirigées par les conseillers militaires nord-américains dans la gorge de Yuro à Valle Grande près de la Higuera le 9 octobre 1967.
La nouvelle de sa mort avait fait le tour du monde. A Cuba, Fidel Castro devant plus d’un million de personnes, prononça le discours le plus triste de sa vie. Celui à qui le Che avait écrit dans sa lettre d’adieu : « si vient pour moi l’heure définitive sous d’autres cieux, ma dernière pensée sera pour ce peuple et particulièrement pour toi » : le Commandant Fidel Castro devait évoquer la vie de cet être exceptionnel devant un peuple inconsolable à la place de la révolution où tant de fois ils avaient été ensemble.

Pour dire adieux à ses enfants, le Che avait rendu les mots plus doux, plus humbles.
Il disait : « Si un jour vous devez lire cette lettre, ce sera que votre père n’est plus parmi vous…Votre père a été un homme qui agit comme il pense, et il a été sûrement fidèle à ses convictions…Surtout soyez toujours capables de ressentir très profondément toute injustice commise contre qui que ce soit, dans n’importe quelle partie du monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire. »
Quarante-sept ans après son assassinat, le Che est toujours présent en Afrique, tout comme Cuba son pays d’adoption qui a joué un rôle décisif dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et la domination coloniale en Afrique.

Nouhoum Keita, Journaliste, éditorialiste à Radio Kayira
Source : Le Reporter N° 09 du 10 octobre 2014

source: http://www.partisadi.net/2014/10/47eme-anniversaire-de-lassassinat-du-che-en-bolivie/

Tag(s) : #afrique, #amérique latine

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