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Ils étaient nos camarades et nos collègues (hommage aux fusillés du 22 août 1944)

La section communiste de la RATP édite une brochure en hommage au Commandant BOUCHER et à ses 6 compagnons, fusillés par les nazis le 22 août 1944 dans les fossés du fort de Vincennes.

Une présentation officielle de cette brochure a eu lieu au siège du PCF, le Jeudi 12 juin à 18 heures, en présence de Catherine VIEU-CHARIER, adjointe au Maire de Paris en charge de la Mémoire et des Anciens Combattants. Retrouvez ici le discours prononcé à cette occasion par le secrétaire de la section communiste de la RATP.

source:

Présentation de la brochure sur les fusillés du métro
Allocution de Michel RIZZI, secrétaire de la section RATP du PCF


Madame l’adjointe au Maire de Paris, 
Mesdames et Messieurs, 
Chers amis, 
Chers camarades.

Permettez-moi tout d’abord de remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui nous honorent ce soir de leur présence. 
D’abord Catherine Vieu-Charier, adjointe au Maire de Paris, en charge de la Mémoire et du Monde Combattant. Les élus parisiens et régionaux. Les historiens. Les associations d’anciens combattants, résistants et déportés. Les syndicalistes et élus du personnel des différents départements de la RATP. Et tous mes camarades de la section d’entreprise et des organisations d’Ile-de-France du PCF. 

Nous sommes réunis aujourd’hui, en cette année du 70ème anniversaire de la Libération de Paris, pour rendre hommage au Commandant Louis Bouchet et à ses 6 compagnons, André Ancelin, Ulysse Benne, Robert Ferrer, Emile Goeury, Marcel Lavigne-Burou et Arthur Speeckaert, tous salariés de la CMP (ancêtre de la RATP), tous résistants membres des milices patriotiques du métro, et tous torturés et fusillés à ce titre le 22 août 1944 dans les fossés du Fort de Vincennes.

Nous le savons tous : nombreux furent ceux qui donnèrent leur vie pour la Libération du pays. Si nous avons choisi de mettre en lumière ces 6 résistants à travers une brochure qui leur est consacrée, c’est parce qu’il y a une filiation naturelle entre les communistes et syndicalistes de la Compagnie du Métro Parisien d’hier et les communistes et syndicalistes de la RATP d’aujourd’hui.
Cette filiation touche au sens de leur engagement : pour la défense de leurs intérêts de classe, pour le changement de société, pour les valeurs auxquelles ils étaient attachés.
Aujourd’hui les salariés que nous sommes sont confrontés au pouvoir sans partage d’une poignée de gros actionnaires qui veulent plier la marche de la société à leurs exigences. Hier eux luttaient contre les maitres de forge et les 200 familles.

Dans la seconde moitié des années trente, « Plutôt Hitler que le Front Populaire » fut le slogan qui guida l’action de la droite et du grand patronat. Ce modèle les séduisait pour sa capacité à écraser syndicats et organisations révolutionnaires et à mettre en œuvre une politique tournée vers la reconstitution des profits et la conquête de nouveaux marchés, fût-ce au prix de la guerre.
Bien avant l’occupation, nombreux furent d’ailleurs les patrons français de la chimie, de la sidérurgie, de la métallurgie, de l’automobile, de l’aéronautique, du pétrole, des charbonnages et autres secteurs de l’économie à collaborer massivement et consciemment au réarmement de l’Allemagne nazie. D’abord ouvertement, puis plus discrètement par sociétés-écrans interposées.
Pour ces gens-là, le premier des dangers, ce n’était pas ce régime dictatorial qui avait mis la société allemande à sa botte, qui avait ouvert des camps de concentration pour interner d’abord les communistes et les socialistes, qui faisait du Juif le bouc émissaire de tous les problèmes, et qui menaçait toujours plus l’Europe. Non, le premier danger pour cette caste de possédants, c’étaient les congés payés et la semaine de quarante heures gagnés après la grande grève de 36, c’était l’esprit revendicatif des ouvriers français qu’ils allaient bientôt qualifier « d’ennemi de l’intérieur », c’était la menace sur leurs biens et leur pouvoir que faisaient peser les développements d’un mouvement populaire animé par le rêve d’une société meilleure.
Faut-il alors s’étonner de ce qui s’ensuivit, d’abord la véritable capitulation que furent les accords de Munich, puis cette drôle de guerre marquée par le refus de combattre suivie de la défaite-éclair, et enfin la Collaboration dans laquelle la grande bourgeoisie se vautra sans réserve ? 

 « Seule la classe ouvrière est restée dans sa masse fidèle à la patrie profanée » écrira après la guerre François Mauriac.
Nos 7 camarades étaient eux des défenseurs acharnés des droits des salariés. Ils étaient ce que l’on peut appeler des gens ordinaires, avec une certaine idée du partage du fruit du travail et de la reconnaissance du salariat. 
Leur entrée en résistance a été le pendant naturel de leur activité militante au sein de la CMP.
Nous les considérons comme des héros et nous avons raison, à la lecture des évènements, à la connaissance des actes de barbarie perpétrés par l’ignominie nazie. Mais lutter contre l’occupant et ses larbins, le régime de Vichy et les chefs placés à la tête des entreprises des secteurs stratégiques comme le transport, cela fut certainement pour eux comme une évidence.

Leur engagement dans la Résistance intervient dans un contexte où, peu à peu, après le choc de la défaite et de l’Occupation, le peuple français a appris à redresser la tête.
Le premier acte de Résistance, c’est la manifestation étudiante du 11 novembre 1940 sur les Champs-Élysées et devant l’Arc de Triomphe à la date-anniversaire de la fin de la Grande Guerre. Il y a ensuite, au printemps 1941, la création par le Parti communiste clandestin du Front National, mouvement de résistance intérieur dont les FTP (Francs-Tireurs Partisans) deviendront la branche armée. Au même moment est déclenchée la grève des mineurs du Nord/Pas de Calais pour protester contre la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, revendications auxquelles viennent rapidement se mêler des objectifs patriotiques ; elle s’étend en 5 jours sur tout le bassin minier et est sévèrement réprimée par l’occupant. Le 21 août 1941, Pierre Georges, le futur Colonel Fabien, Commissaire militaire de l’Organisation Spéciale du Parti Communiste Français exécute un militaire de la Kriegsmarine au métro Barbès-Rochechouart, donnant ainsi le signal de la lutte armée contre les troupes d’occupation.

Dans les transports parisiens, la Résistance fut très active, en premier lieu grâce aux militants communistes qui, petit à petit, en entraînèrent d’autres à leur suite. 
Au total, près de 150 agents des différents services de ces deux compagnies, du manœuvre à l’ingénieur, tombèrent dans la lutte contre l’occupant : morts au combat, en déportation, fusillés en différents lieux dont une vingtaine au Mont-Valérien. 
Je précise que, si le Commandant Boucher et ses 6 compagnons étaient tous des salariés de la CMP, cette lutte toucha également l’autre entreprise qui devait plus tard donner naissance à la RATP, la STCRP. L’image que nous gardons le plus souvent de la STCRP est celle de ses bus réquisitionnés pour la rafle du Vél d’Hiv, mais les actes de résistance n’y ont pas été moins marquants, notamment à l’Atelier Central de Championnet qui avait été mis au service de la machine de guerre nazie.
La Résistance dans les transports parisiens, ce furent au début les premiers tracts tirés en secret et distribués sous le manteau aux personnels. Ce fut aussi, après l’interdiction des syndicats, la décision d’utiliser les organisations qui étaient autorisées par l’occupant et de prendre leur direction pour leur imprimer un contenu revendicatif. Puis vint le temps des sabotages de la production. Les résistants créèrent aussi dans les terminus, les dépôts, aux ateliers et même dans les services administratifs et bureaux du siège des Grands Augustins des Comités populaires qui se transformèrent vers la fin de l’Occupation en Comités de Libération. Et ils aidèrent, grâce aux couloirs du métro parisiens, à la circulation de l’information lors de la Libération de Paris, apportant ainsi une aide précieuse au Colonel Henri Rol-Tanguy.

C’étaient des hommes ordinaires dans une période extraordinaire :
Louis Bouchet, devenu dans la clandestinité le Commandant Arthur des milices patriotiques du métro, était entré comme élève conducteur et était inspecteur en 1944 ;
André Ancelin était brigadier de sous-station ;
Ulysse Benne était agent de manœuvre ;
Robert Ferrer était conducteur de métro ;
Emile Goeury, entré comme agent de manœuvre, était chef conducteur principal ;
Marcel Lavigne-Burou était agent de manœuvre ;
Arthur Speeckaert, entré comme soutier, était conducteur de métro.

Dans le combat qu’ils ont mené, l’objectif d’une France libre n’est pas séparable de celui d’une société plus juste. N’est-ce pas là d’ailleurs le sens du programme élaboré par le Conseil National de la Résistance ?
Le CNR, c’est en effet l’unité des forces vives de la Nation, politiques et syndicales, pour, de façon indissociable, bouter dehors l’occupant nazi et donner un visage à la France de l’après-guerre. Rétablissement de la démocratie politique, du suffrage universel et de la liberté de la presse, retour à la Nation des grands moyens de production et d’échange, plan complet de sécurité sociale visant à assurer des moyens d’existence à chacun, y compris aux plus démunis. Ce programme d’action de la Résistance, adopté à l’unanimité le 15 mars 1944, préfigure les grandes réformes économiques et sociales qui suivront la Libération et qui, 70 ans après, demeurent d’une grande modernité.

Mais des réformes qui sont également depuis trois décennies gravement remises en cause. « Il s’agit de défaire méthodiquement le programme du CNR » : c’est en ces termes qu’un dirigeant du MEDEF expliquait il y a quelques années ce qui est en jeu dans le combat politique dans la France d’aujourd’hui. Comment aussi ne pas constater que, dans notre pays et plus généralement en Europe, des organisations ouvertement racistes, xénophobes, nationalistes, héritières de l’esprit de Vichy, s’organisent et sont promues par des médias au service des puissances d’argent pour dévoyer la colère des peuples et mettre à mal les valeurs de solidarité, de progrès social et de culture ? Comment enfin ne pas faire le lien entre cette résurgence de la peste brune et les tentatives de réécrire l’Histoire et de brouiller sa signification, en renvoyant dos-à-dos ceux qui, durant l’Occupation, opprimèrent le peuple et ceux qui, comme les communistes (mais ils ne furent heureusement pas les seuls), leur résistèrent ?
On voit dès lors que le travail de mémoire sur la Résistance, et auquel nous avons à notre modeste échelle voulu contribuer, n’a rien à voir avec la nostalgie, mais constitue une dimension indispensable de la formation et de l’action citoyenne. 

Nous avons voulu redonner à nos sept camarades un visage, une identité, une existence, une relation sociale que les années et les commémorations avaient occultés. 
L’existence même d’un service public de transport en Ile-de-France, d’une entreprise publique comme la RATP propriété de la Nation et au service des citoyens, d’un statut des personnels, tout cela n’est pas venu par hasard. C’est le fruit direct du sacrifice de millions de personnes comme Louis Bouchet et ses compagnons qui ont lutté pour que vive la démocratie et la justice sociale.
Au travers de cette brochure, nous tenions à les en remercier.

Tag(s) : #pcf

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